Plini (+ Yomi Ship) à Paris, Petit Bain, 01.08.24

Petit Bain, the boat that rocked 

Que ce soit en première partie de groupes comme TesseracT ou Animals As Leaders, ou en tête d'affiche, le public parisien retrouve toujours avec plaisir le talentueux guitariste australien Plini et son prog instrumental mélodique et rythmé. La péniche de Petit Bain affiche complet depuis un bon moment, et ce ne sont pas les fortes chaleurs ni les Jeux Olympiques qui vont empêcher le public de répondre présent.  

Yomi Ship 

Le sympathique trio instrumental originaire de Perth en Australie se présente tout en simplicité sur la petite scène parisienne, mais armé d'un matériel impressionnant de pédales à effet pour se lancer sans tarder dans des compositions dissonantes et déstructurées, hypnotiques et très plaisantes. Entre art rock expérimental et prog rock mélodique, le groupe propose des patterns jazzy, boucles et passages déconstruits, dans un écrin pourtant très dansant, au groove imparable. Impériale, la bassiste Jade Champion rivalise d'agilité sur son instrument tout en donnant une impression de facilité et de sérénité. La réverbération est bien marquée sur la guitare de Jarred Osborne, au jeu subtil versant dans le space rock, le psyché, le prog.

Alternant entre des moments feutrés et des temps plus lourds, le son de Yomi Ship reste extrêmement mélodique et le côté math rock très syncopé ne cache pas les émotions, bien au contraire. Le public, très attentif, danse et montre son appréciation par des hochements de têtes de connaisseurs. On notera la prestation impressionnante de la part du batteur Alex O'Toole, appelé il y a deux semaines à peine pour remplacer au pied levé Nick Osborne, blessé au dos, qui n'a pas pu prendre part à cette tournée – la toute première à l'international pour le jeune groupe, prometteur, qui propose ce soir six morceaux issus de son premier album, Feast Eternal, sorti en juin dernier. Il se dégage une belle symbiose entre les membres du groupe, qui sourient et se regardent, dansent, et même si le son de basse aurait pu être mieux réglé, la subtilité des compositions et les atmosphères proposées par Yomi Ship forcent l'admiration.

Plini 

L’arrivée sur scène du guitariste originaire de Sydney et des musiciens qui l’accompagnent se fait sous une ovation des spectateurs de Petit Bain. D’emblée très proche du public, plutôt espiègle et visiblement complice avec ses trois camarades, Plini salue rapidement, puis la démonstration commence. Les guitares sont déjà des objets de curiosité, que ce soit celle du frontman, sans tête, comme l’impressionnante basse à 6 cordes sans tête de Simon Grove, ou celle à 7 cordes de Jake Howsam-Lowe.

Les compositions de Plini, marquées par des progressions de cordes venues d’un autre monde, sont basées sur des signatures rythmiques complexes et singulières, typiques du prog, avec des passages millimétrés où les trois guitaristes sont accompagnés en force ou en nuance par le jeu impeccable du batteur Chris Allison. Des ambiances délicates, jazzy, à la technique du djent, et un beau lightshow sur chaque morceau, font naviguer le bateau entre rock progressif et des passages plutôt lourds, très metal. Le son est très saturé et pourtant d’une clarté incroyable, laissant la place à chaque effet, chaque arpège, et à l’alternance entre passages éthérés et moments puissants font irrésistiblement bouger les têtes du public de Petit Bain, complètement conquis.

La tournée a beau s’appeler Mirage, d’après le titre de l’EP 5 titres sorti en 2023, la setlist du soir balaye la discographie déjà riche du prolifique musicien, avec cinq titres issus de l’excellent Impulse Voices sorti en pleine pandémie, plusieurs extraits de Handmade Cities (2016) et des quatre EP sortis ces dix dernières années. Sur scène, les moments de complicité entre les quatre musiciens se multiplient. Au centre, Plini enchaîne les moments de virtuosité avec une aisance insolente. S’il ne se retournait pas occasionnellement pour se désaltérer ou s’essuyer le front, on pourrait se dire qu’il n’est pas humain. Avec beaucoup d’humour dans ses prises de parole, il n’hésite pas à réagir du tac au tac aux cris du public, ou à lancer des challenges olympiques à ses camarades sur scène. Le jeu du guitar hero du soir est aussi espiègle que le personnage, comme sur les pauses millimétrées de l’énorme "Moonflower".

La température monte encore avec l’intensité de l’incroyable "Ember". Le son est lourd, réverbéré, saturé mais très pur, et Plini délivre ralentissements et crescendos sans ciller. On assiste certes à une débauche de complexité et de virtuosité, et pourtant le musicien dégage une aura de sobriété voire d’humilité qui fait plaisir à voir. Calme, posé, souriant, simple, il enchaîne avec dextérité, presque insolence, des accords alambiqués avec des placements de doigts sur le manche de sa guitare sans tête, qui donneraient des sueurs froides à de nombreux guitaristes amateurs.

La performance du soir n’est pas celle d’un seul homme, et le mot d’ordre est partage. Plini et Jake se lancent régulièrement dans des dialogues de guitares quasi indescriptibles. Les soli sont également partagés, et pas uniquement entre les guitaristes : les passages où la basse est en avant se multiplient. Chaque instrument est mis en valeur de façon admirable. Le set est un véritable feu d’artifice d’effets, de réverb, plein de groove, et même des soli mélodiques de basse avant les soli de Plini, un solo de batterie à la fin de "Handmade Cities", tout en crescendo prog. On assiste à une petite chorégraphie entre Plini et Simon pour une progression démente de cordes menant à un passage metal sur "The Glass Bead Game", accompagné par le public qui tape dans les mains.

Arrive la fin du concert, il fait de plus en plus chaud, et l’ambiance monte encore. Plini filme Jake, tout en maîtrise sur des passages leads et des soli. Pour les deux derniers titres la folie s’empare de Petit Bain. Le frontman demande au public du milieu de la fosse de former un cercle, s’amuse en disant que vu l’étroitesse du lieu il leur recommande de ne pas bouger. S’ensuit "Pan", pépite metal sortie en 2020 sur l’album Impulse Voices, théâtre d’un circle pit se transformant en joyeux pogo dans toute la fosse, ce qui fait nettement tanguer Petit Bain. L’air ébahi du guitariste sentant le bateau bouger vaut son pesant d’or, et le public s’en donne à cœur joie pour prolonger ce moment. Quelques plaisanteries et remerciements plus tard et il est déjà l’heure de conclure le set avec l’incontournable "Electric Sunrise", nouvelle occasion d’un dialogue de guitares hallucinant de clarté et de maîtrise.

Ainsi s’achève une chaude soirée d’été comme on en voudrait plus souvent. On retiendra de ce concert beaucoup de simplicité, une virtuosité à toute épreuve, une performance rythmée, marquante et impeccable. Cela commence à devenir une habitude avec le musicien australien…

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe. 



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