Le public se presse du côté du Parc de la Villette pour la halte parisienne de la tournée Currents Colliding, sur laquelle Hangman’s Chair et Dool se partagent la tête d’affiche avec une heure environ de temps de jeu pour chacune des formations. Pour les dates françaises de cette tournée, c’est le combo francilien qui tient le rôle de headliner, en seconde position.
Dool
Le quintette néerlandais fait son entrée sur scène sous les applaudissements du public déjà très nombreux. Le groupe de doom / heavy rock progressif bénéficie en effet d’une notoriété grandissante en Europe notamment depuis la sortie en avril dernier de son troisième album, The Shape of Fluidity, largement représenté dans la setlist du soir. A l’avant de la scène, Raven van Dorst (chant, guitare) et les guitaristes Nick Polak et Omar Iskandr se lancent dans des riffs accrocheurs et puissants, soutenus par les solides lignes de basse de JB van der Wal et la rythmique imposée sans vergogne par le Français Vincent Kreyder, dernier arrivé dans la formation. Dool joue fort, joue bien, et très vite l’instrumental fait l’unanimité.
L’énergie irrésistible et la virtuosité des musiciens font bien vite bouger les têtes dans le public, séduit et entraîné par le charisme et les mouvements inspirés de Raven, qui livre une prestation intense au chant dès le premier single à la rythmique galopante "Venus in Flames", même si le mix du soir noie quelque peu les lignes vocales derrière la basse et la batterie. Qu’à cela ne tienne, iel enchaîne les soli, partagés avec Nick, danse, mime les paroles de certains morceaux ("Evil in You"), et tient sa place centrale de façon impressionnante, avec ou sans guitare. Tous les musiciens headbanguent de concert sur les passages lourds ("Self-Dissect"), on assiste même à des séances de headbang circulaire de JB, tout en imposant un groove imparable et même quelques lignes de slap fort sympathiques comme sur "The Hand of Creation", au final doom très lourd.
La prestation du groupe est dynamique et précise, le son très fort, pour un effet à la fois lourd et entraînant, avec des passages très dansants, mais le côté sombre est bien là, comme sur le début sinistre de "The Alpha". Nick s’avance régulièrement pour délivrer des soli d’école au plus près des premiers rangs, et les compositions doom du groupe se teintent de prog et versent dans le dark rock très mélodique, la puissance du chant couplée à la distorsion sur des morceaux aux mélodies redoutables comme l’excellent "The Shape of Fluidity", ou le très dynamique "Wolf Moon" qui sonne beaucoup plus lourd que dans sa version studio. Raven échange un peu avec le public, pour quelques remerciements (Merci Paris ! C’est chaud!) ou présenter "House of a Thousand Dreams" comme un morceau triste sur les rêves d’enfants brisés par les normes de la société. Le morceau, certes triste, repose sur une belle progression et là encore le groove se fait irrésistible.
Le début très lourd et les énormes riffs de "Hermagorgon" met encore plus le Trabendo en mouvement, et la température monte d’un cran pour le final mémorable. Nombreux sont ceux qui donnent de la voix sur la superbe reprise de Killing Joke, "Love Like Blood", monument de mélancolie magnifié par des arrangements tout en groove et en puissance. "Oweynagat", tout premier single du groupe, finit de marquer les esprits, par les lignes vocales inspirées, des passages lents entêtants et des lignes de guitares hypnotiques de Raven avant un ultime solo signé de l’infatigable Nick. Soixante-dix minutes sont passées à toute allure et le Trabendo réserve une ovation pour les cinq musiciens qui ont fait chavirer plus d’un cœur ce soir.
Setlist Dool :
Venus in Flames
Self-Dissect
The Hand of Creation
The Shape of Fluidity
Wolf Moon
The Alpha
Currents
Evil in You
House of a Thousand Dreams
Hermagorgon
Love Like Blood (Killing Joke)
Oweynagat
Hangman's Chair
La foule se resserre près de la scène, et l’impatience est palpable jusqu’aux galeries du fond de la salle parisienne, bien remplie ce soir. Il faut dire que Hangman’s Chair, habitué des lieux, fait figure de référence sur la scène metal française depuis plusieurs années déjà. Une fois passé un petit moment de mignonnerie quand le fils de Mehdi Thépegnier s’invite pour un soundcheck de batterie sur les genoux de son père, retour aux choses sérieuses alors que l’éclairage faiblit. Les patrons du soir s’apprêtent à pulvériser un Trabendo complètement acquis à leur cause, d’un set magistral en quatre tableaux, plus lugubres les uns que les autres.
Premier acte : plongée dans l’univers du dernier album en date, A Loner. Quelques notes électro viennent percer l’obscurité avant que les riffs rentre-dedans de "Cold & Distant" ne viennent mettre tout le monde d’accord. Le quatuor, à domicile, envoie une salve de riffs qui met d’emblée toutes les nuques en mouvement, avant le refrain traînant sur lequel les implorations de Cédric Toufouti trouvent un écho dans les lignes de guitare imparables lancées par Julien Chanut, en position centrale, maltraitant son instrument et haranguant le public. Certains habitués trouveront peut-être que l’introduction lente et la montée en puissance de "An Ode to Breakdown" se prêtait mieux à un début de set, mais qu’importe : l’intro angoissante et l’assaut d’accords pachydermiques et de ralentissements dévastateurs arrivent en seconde position. La maîtrise, le son, la puissance, la lourdeur, tout est là. Le Trabendo se meut comme un seul homme, à grands coups de headbangs accompagnant les frappes de Mehdi et les riffs surpuissants de Julien et Cédric. L’exploration du mal-être et de la solitude se poursuit avec le poignant "Who Wants to Die Old", tout en échos (sur le chant, les guitares, la batterie même).
Acte Deux : Les incontournables. Une courte transition techno, l’obscurité à nouveau, avant que la tristesse et la désolation ne reviennent souffler le Trabendo. "Naïve" et "04/09/16", deux titres marquants issus de l’excellent Banlieue Triste (2018) se posent en pierres angulaires du set. La lourdeur des riffs et des lignes de basse du charismatique Clément Hanvic, le timbre déchirant de Cédric, la puissance hypnotique des accords, tout entraîne irrémédiablement le public dans des headbangs, les yeux fermés, le poing serré. Nombreux sont ceux qui chantent et acclament le groupe. La trilogie de morceaux emblématiques s’achève avec la démonstration de surpuissance "Dripping Low", tirée de This Is Not Supposed to be Positive sorti en 2015. Les lignes de basse monstrueuses de Clément, le refrain où le chant plaintif dialogue avec les accords meurtriers de guitares annoncent, comme souvent avec les Franciliens, un final écrasant qui ne laisse personne indifférent.
Acte Trois : De l’inédit, mais toujours aussi sombre. Hangman’s Chair vient de terminer l’enregistrement de son nouvel opus, et en attendant sa sortie, peut-être début 2025, gratifie son public d’une triple dose de pessimisme et d’idées noires. La rythmée "The Worst Is Yet to Come" est porteuse d’échos très teintés années 80s, avec des envolées déchirantes et même quelques cris signés d’un Cédric impressionnant avant un breakdown monstrueux. Très dark, tendance coldwave, "Kowloon Lights" impose sa rythmique traînante et le chant se mue en lamentations intense. L’écho est toujours là, même sur les impacts de la batterie de Mehdi, jusqu’aux boucles hypnotiques précédant une accélération sinistre. Les lumières se font moins tamisées pour le single "2AM Thoughts", en featuring avec Dool, dévoilé juste avant le début de la tournée, et déjà connu de certains fans. Au menu de ces tourments d’insomniaques, des sonorités étranges et une mélodie entêtante, portée par la belle complémentarité du chant clair de Cédric et de Raven qui fait son retour sur scène sous les applaudissements chaleureux du public et livre une prestation inspirée et dynamique, plus audible d’ailleurs que lors de la première partie.
Epilogue : le morceau-fleuve "A Thousand Miles Away", conclusion pesante et vaporeuse, dont les murs de riffs et la rythmique impitoyable, entre ralentissements, passages éthérés et martèlement massif, terminent d’entraîner le public dans cette fièvre étrange qui commande aux têtes de s’agiter et aux cœurs de se serrer.
Une fois encore Hangman’s Chair a captivé l’auditoire et a montré son statut de maître incontesté de ce cold doom à la française, sombre et puissant. En cette soirée d'automne, le Trabendo a laissé libre cours à ses tendances mélancoliques le temps d’un set redoutable et impeccable, que l’on aurait seulement aimé un peu plus long…
Setlist Hangman's Chair :
Cold & Distant
An Ode to Breakdown
Who Wants to Die Old
Dripping Low
04/09/16
Naïve
The Worst is Yet to Come
2AM Thoughts (avec Raven van Dorst)
Kowloon Lights
A Thousand Miles Away
Photos : Marjorie Coulin. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.