La sphère des secrets ? Tiens, ce nom ne m'est pas inconnu. En fouillant dans les archives du power, on comprend vite pourquoi : cette formation a déjà une existence assez longue, et une certaine renommée dans le milieu. Pourtant, on est pas à la reconnaissance des tenors, type Rhapsody. Pourquoi ? Qu'est-ce qui cloche chez eux ? Peut-être le manque d'originalité, le fait d'être un bon groupe, mais de rester aux yeux de beaucoup un second couteau … Phénomène étrange, s'il en est. Ils ont su pourtant proposer de belles œuvres, mais qui gardaient cette marque : c'est bien, mais c'est pas suffisant. Il manque toujours quelque chose, la dimension cultissime que les grands, eux, ont, et qu'eux cherchent encore. Qu'ils cherchent, mais qui n'est toujours pas de leur côté. Nouveau line-up (premier brûlot avec le nouveau chanteur Michele Luppi) pour leur septième méfait, Portrait of a Dying Heart ne devrait pas vraiment changer l'ordre établi. Mais n'oublions pas que parfois, le changement a du bon … alors ?
Si vous vous attendiez au power metal classique que nous livre Secret Sphere depuis quelques temps, force est de constater que quelques surprises vous attendront. Premièrement, si la musique en elle-même reste toujours dans ce registre cher à de nombreuses formations italiennes, l'apport des influences progressive est plus présent que jamais. Du coup, on pensera un tantinet à DGM, autre combo compatriote. Mais nos amis de la sphère secrète ne tombent pas bêtement dans le plagiat puéril de ces groupes de plus en plus nombreux à aller chercher des inspirations dans ces terres de la complexité et de la technique à outrance. Il en résulte ainsi un mélange qui, sans étonner particulièrement, offre une bouffée d'air frais : aucun risque d'une quelconque tentative de répétition des trans-alpins. Non, au contraire, tout s'enchaîne harmonieusement, avec de la nouveauté, et une réelle volonté de ne pas se baser uniquement sur des acquis. S'il est vrai que la réputation du sextet n'est désormais plus à faire, vouloir s'imposer un petit challenge qui tend à la réussite impose le respect.
Et paf, le groupe aime brouiller les pistes, faire des surprises et des petites cachotteries. Au moins, de ce point de vue, ils s'accordent à merveille avec leur patronyme. Cultiver le secret, le mystère, rien de mieux, quand on a un nouveau chanteur, que de commencer son album avec une longue instrumentale. Et voilà une démarche aussi culottée que réussie. Non seulement car ils parviennent à préserver la surprise pour un peu plus tard (ils sont méchants avec leurs auditeurs), mais que le titre est sacrément travaillé et efficace ! Loin d'être ennuyeuses, les six minutes qui composent cet éponyme « Portrait of a Dying Heart » imposent une ambiance qui décontenance, changeante, glaçante et intrigante à la fois. C'est à la fois assez intéressant et captivant pour aider à prendre son mal en patience, le temps d'entendre ce que le nouveau venu, Michelle Luppi, offrira dans sa nouvelle formation. Et si cette longue piste n'est pas trop démonstrative, cet aspect pourra parfois se retrouver de temps en temps.
Les riffs sont très soignés, ainsi que les compositions. C'est une caractéristique que, parfois, Secret Sphere laissait un peu à l'abandon, alternant dans les dents de scie. Mais à force de vouloir ciseler chaque morceau comme un joli diamant, tentant de faire briller chacun d'eux d'une lueur nouvelle, le groupe italien peut se prendre à son propre jeu : en offrant une démonstration technique riche et intense, il leur manque ce supplément d'âme, ne comptant, sur ce point, que sur la voix de Luppi pour parvenir à communiquer des émotions. Ainsi, il y a un petit côté décevant dans « Healing » ou « Union ». Si Michele est parfait sur l'un comme sur l'autre, la section rythmique, bien qu'en place, ne transcende jamais. Les couplets sont trop fades, et si les refrains constituent des points d'orgues bien ficelés et offrant un équilibre entre chant et instruments, ces deux morceaux se révéleront plus dispensables dans une œuvre qui, elle, ne l'est pas.
On s'attendait à de la photo plus ... secrète.
Le chant de Michele Luppi aide le groupe à atteindre un niveau supplémentaire. Ce mec a une voix incroyable, assez différente de celle de Roberto Messina, mais dont la performance exemplaire ne laisse pas de marbre. Son éventail de compétences est impressionnant : émouvant sur « Lie to Me », plein de rage sur « The Fall » ou « Secrets Fear » à l'unisson avec une rythmique acérée et vive, ou nous démontrant l'étendue de ses capacités sur « X », le combo est remis sur les rails question chant. Le départ de son prédécesseur ne bouleversera pas, bien qu'il sera permis de regretter l'identité vocale apportée par Messina, substituée, ici, par une toute nouvelle empreinte. Qu'est-ce qu'on peut en penser ? Que tout cela continue cette optique de renouvellement amorcée par Secret Sphere, et que la cohérence est donc toujours de mise. Et cette voix, prodigieuse, se classe parmi le panthéon du metal italien, ou même, du power metal. Cependant, le frontman n'étant plus un inconnu, il aurait pu être prévisible. Mais sa versatilité annihile ce défaut qui est, finalement, purement inexistant. Bref, convaincant, l'auditeur reste conquis : peut-être qu'elle est là, cette dimension magistrale que nos amis de l'autre côté des Alpes ont eu du mal à trouver. Ce chant qui magnifierait des morceaux solides. Et si de la solidité, on en a sur le chant, question compo on en a aussi.
Si l'éponyme est un succès, la suite ne l'est pas moins. Et comme le titre qui donne son nom à ce méfait est une instrumentale, ça veut dire que les pistes où il y a du chant sont celles qui vont permettre au groupe de s'envoler vers les hautes cimes des montagnes du succès. Effectivement, on a un peu de ça. Comment résister à l'imparable « Wish & Steadiness », concentré de puissance et de technique, sans renier l'émotion de Luppi ? Voilà un titre qu'on souhaite entendre davantage dans ce milieu du power touchant vaguement au prog-heavy ! En réalité, autant briser le suspens tout de suite : tout est agréable, et bien ficelé. Même les deux titres les moins bons (vous savez, « Healing » et « Union »). Où est le piège ? Il est là, justement. Si on regarde du côté de Rhapsody et consorts, tout le monde a un hymne qu'il fredonne, qui a rendu ces gars-là célèbres. Ici, on ne le trouvera pas. Oui, c'est vraiment bien torché, mais il reste encore à Secret Sphere un exercice difficile à réaliser : le succès dans LE morceau qui deviendra indispensable.
Du coup, Portrait of a Dying Heart ne pourra être qualifié de coup de génie. Qu'importe, ce n'est certainement pas à cet objectif que Secret Sphere prétendait. Et, question constat, on ne peut qu'être enthousiaste sur le résultat de ce nouveau brûlot. Les italiens nous offrent un disque réellement bien mené, avec un chanteur charismatique et des titres en béton. Il manque donc encore ce grain de folie, ce qui fait que les plus grands ne le sont pas pour rien. Mais patience, les amis, patience : nous avons là un manifeste évident des capacités du groupe. Qui sait, peut-être que ce sera pour le prochain essai ? C'est tout ce que l'on espère ...