Saturnus
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Saturn in Ascension
Sortie prévue le 30 novembre chez Cyclone Empire
Tout album est comme un nouveau-né. Sa survie dépend de sa capacité à persévérer et à être combatif dans son existence. Donc chaque titre est comme une nouvelle conversation où les mots choisis, l'intonation et la foi en ce que l'on avance sont nécessaires pour que la rencontre avec une nouvelle oreille tendue se passe bien. D'autant plus que la masse d'auditeurs inconnus qui découvrent l'album ne donnera que peu de soi et attend beaucoup en retour. Si certains achèteront l'album, d'autres ne feront, hélas, que le télécharger. Et si la rencontre est fructueuse, le public ira voir le groupe en concert et lui rendra au quintuple ce qu'il a éprouvé sur album.
Les Danois de Saturnus ont éprouvé de nombreux changements de line-up en 20 ans mais restent attachés a leur noyau dur, le vocaliste Thomas Akim Grønbæk Jensen et Brian Pomykala Hansen à la basse, en outre, le groupe a prouvé à chaque sortie qu'il pouvait exceller dans un Doom/Gothic avec notamment la sortie de Paradise Belongs to You en 1996 et Thus My Heart Weepeth For Thee”¨ Martyre en 2000. Ce sont de purs chefs d'oeuvre. Avec Veronika Decides to Die, le groupe avait quelque peu renouvelé son genre vers de nouvelles expérimentations, et a déçu ses fans...
Alors on est en droit de se demander si ce quatrième opus qui est en route, intitulé Saturn in Ascension, qui sortira le 30 novembre chez Cyclone Empire, fera office de chef d'oeuvre dans la discographie de Saturnus.
Tout d'abord il faut préciser que les Danois sortent en moyenne un album tous les 6 ans et donc cette denrée rare me semble indispensable à l'achat. Toutefois, attendez vous à un mélange de voix gutturales et de voix claires, voire de longues narrations de Thomas Jensen. L'album me semble donc réservé à ceux que la présence de voix « death » ne dérange pas. Toutefois, vous serez largement récompensés par, une nouvelle fois, de solides compositions mélancoliques qui vous bercent et vous aspirent dans de longs moments de solitude et de chagrin.
C'est ainsi que le premier titre, "Litany Of Rain" démarre sur des voix d'anges sonnant un "Agnus Dei" qui trouve son écho dans votre âme et d'entrée de jeu vous êtes pris aux tripes par l'un des plus beaux riffs de l'année et une atmosphère franchement endeuillée pendant près de dix minutes. Mais qu'à cela ne tienne, la voix d'outre-tombe de Thomas se mélange divinement à celle des anges et vous vous évadez à coup sûr. Rien que ce premier morceau justifie l'achat de l'album. Saturnus vient prouver d'entrée de jeu qu'en matière de Doom, son art est inégalé. "Mourning Sun" est une seconde lourde vague de tristesse, proposant un riff à vous faire serrer le poing à intervalles réguliers. Un monument de Doom épuré, sans artifices, mais qui parle directement à l'âme. Seules les guitares sont à l'honneur et participent, avec la batterie, à un long travail de brassage de chacune de vos cellules, comme un magma qui vous traverse de part et qui ne laissera aucun souffle de vie en vous. Les longs solis de guitares envoûtants et les très timides touches de piano renforcent le génie du groupe à vous faire ressentir les plus vives émotions.
Il en va de même avec « Call of the Raven Moon », une ballade celtisante qui donne le ton dès les premières notes de guitare sèche : le reste n'est que pure émotion et de ressenti, mais dont il est impossible de décrocher malgré les longues narrations de Thomas Jensen.
La production et le mixage sont remarquables, puisque Flemming Rasmussen (Metallica, Morbid Angel) a oeuvré pour donner aux riffs de guitares une résonance absolument gigantesque. Il n'hésite pas à leur donner de l'écho comme sur l'intro de "Wind Torn". Le résultat final sur album est d'une beauté et d'une mélancolie sans nom, mais en souplesse, avec une chaude batterie qui colore tous les titres. Les quelques instruments classiques, piano, flûte et les touches de samples électroniques sont utilisés à bon escient et font depuis de longues années partie intégrante de ce Doom Gothique absolument abouti. Bref, on a envie de se taper la tête très lentement, ou voir ses larmes couler le long de ses joues au rythme des coups de batterie donnés par Henrik Glass avec une belle précision et juste dosage.
Saturn in Ascension est immanquablement Doom et joue dans la cour des grands. A s'en convaincre, « Between » est un monument de composition avec ses breaks intéressants et son solo interminable que l'on peut entendre en arrière plan. Et toujours cette subtile intégration d'instruments classiques comme ici le violoncelle. Sans exagérations techniques, à l'instar d'un Ahab, nous avons ici un album d'une grande maturité et qui a su faire évoluer le Doom de Saturnus avec notre époque. Un son résolument plus moderne, le petit côté « gothique » désuet est bel et bien derrière nous, mais l'identité de Saturnus est très présente, je dirais encore plus sur cet album que sur le précédent. Saturnus ajoutent d'ailleurs un extrait de leur Demo de 1994, « Limbs of Crystal Clear » en fin d'album pour rappeler que leur existence de plus de 20 ans est justifiée.
Une belle maturité enfin au niveau de l'écriture et la sobriété qui s'en dégage. A l'exception de quelques mollesses, en particulier « A Lonely Passage » qui, malgré la contribution de la belle Laurie Ann Haus (Todesbonden, Autumn Tears, Ephemeral Sun), est d'une monotonie sans nom, dont je ne retiens que les paroles. « A Fathers Providence » long de 5 minutes semble avoir été pondu pour la radio et tombe un peu comme un cheveu sur la soupe avec un riff cliché et un piano trop présent pour vraiment donner de la profondeur aux mélodies. Mais ce Saturn In Ascension est tout de même un album de référence pour les amateurs du genre, preuve que le groupe est capable de faire évoluer le son mais également de rafraîchir son concept sans décevoir ses fans.
Une nouvelle rencontre avec un album, qui je l'espère, sera durable pour vous.
Katarz