Sister Sin – Now and Forever

« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »

Si, Anne, elle voit venir un nouvel album du combo suédois Sister Sin. C'est devenu, désormais, une  habitude pour ces scandinaves de remettre le couvert deux ans après l'opus précédent. Et tout le monde sait que la routine, c'est difficile de la changer, n'est-il pas ? Ce qui n'est pas pour autant un mauvais signe, et particulièrement chez eux : force est de constater que Switchblade Serenades et True Sound of the Underground sont de bons albums. Et comme la sœur pêché, de son joli petit nom Liv Jagrell, aime bien ses habitudes, Now and Forever surgit dans le même laps de temps qui séparait les deux précédentes réalisations. Et cette fois, la reine du bal, c'est elle. Sur la pochette, on ne voit que la demoiselle trônant dans son fauteuil, vous contemplant de haut avec un petit air hautain qui veut dire « écoute mon album mon mignon ». Oh oui, ma reine, on va se lancer à corps perdu dans ton Now and Forever. Je sens déjà ma peau frémir d'impatience et d'extase à l'idée d'entendre ta voix sensuelle à nouveau …

Il y a des choses qui ne changent pas, et globalement, on peut dire que c'est le cas de la musique de notre formation. Pourtant, quelques espoirs étaient permis avec une introduction très … spatiale, « MMXII », qui amène à la suite des événements de manière accrocheuse et mystérieuse à la fois. Puis surgit « End of the Line » et là, on tient quelque chose de fort. Liv et sa bande sont de retour, et on reconnaît leur son, leur identité à des milliers de kilomètres. Ce son de guitare caractéristique qu'ils développent à présent, ce refrain puissant qui ne manquera pas d'évoquer celui de « Sound of the Underground », l'opener tubesque de l'album d'avant. Et surtout, cette chanteuse, qui excelle tout simplement, et ce, une fois de plus. Faut dire qu'on en doutait pas trop que la jeune et jolie suédoise soit la star. Et c'est normal, avec un organe et des cordes vocales pareilles. Elle est agressive, mordante, et même parfois plus douce et touchante. Oui, sa prestation convaincante sur la ballade au piano « Morning After » dévoile une autre facette de sa personnalité, plus à fleur de peau, sensible, dans des graves maîtrisés au feeling blues. Et bien que l'intérêt de cette piste soit extrêmement limité, elle permet au moins de souligner que cette dame possède plus d'une corde à son arc. Pas la peine d'en faire un dessin, il est facile de comprendre que Liv sera placée, une fois de plus, au centre de l'attention et que son talent n'est plus à démontrer. La nouvelle Doro ? Il y a de grandes chances, oui.

A côté de cela, il faut bien reconnaître qu'on se prendra tout de même à regretter le manque cruel d'innovations de la part de Sister Sin, qui utilise encore une fois des recettes qui ne surprendront pas / plus de leur part, tant on sait qu'ils savent déjà cuisiner un savoureux heavy metal teinté de rock. Seulement, là où nous retrouvons un opus (une fois de plus) bien composé et confié aux mains d'experts du genre, le constat est évident par rapport à son prédécesseur : ce Now and Forever délaisse la facette tubesque et directe pour se tenter à des titres qui souhaitent se concentrer sur un ensemble consistant plutôt que de définir un point d'orgue. L'exemple de « Fight Song » est assez flagrant, tant le refrain semble dans la continuité du reste de la composition. Et ce n'est pas une exception, ce schéma va se dévoiler sur « I'm Not You ». Ça a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Les ficelles des refrains deviennent, ainsi, répétitives : variation vocale de Liv, chœurs masculins en support, notre quatuor suédois semble penser qu'en déclinant cet archétype, ils vont trouver un filon. Hélas, la linéarité peut se faire assez rapidement ressentir, et noyer quelques morceaux dans cet océan de pistes.

Sister Sin

J'suis trop swaggy avec mes sunglasses !

Pourtant, la belle et ses bêtes ne se déclarent pas vaincus pour autant. Ce qui aurait pu s'avérer un brûlot ennuyeux et sans consistance est sauvé par le talent indéniable des musiciens à proposer des morceaux catchy ET inspirés, qui, même avec ce défaut de répétition, parviennent à captiver dès la première écoute pour ne plus vous lâcher avant quelques temps. Comment résister à ce refrain dynamique proposé sur l'excellente « In it For Life », où la chanteuse brille par sa colère, sa puissance, son aura, ce panel vocal impressionnant ? Et comme la cerise et le gâteau sont meilleurs ensemble, la base instrumentale qui accompagne la belle est solide. Les guitares sont au premier plan, avec des riffs bien foutus et incisifs, soulignant à merveille ce moment de grâce où Liv démontre l'étendue de son talent. On ne peut qu'applaudir la dextérité de « End of the Line » qui propose, enfin merci, une structure qui change : bien qu'on dispose d'un banal couplet / refrain / couplet / refrain / pont / refrain, la cinquième partie nous fait le plaisir de ne pas être un simple remplissage à coup de gratte. Et ça, ça fait toujours plaisir. Bien que le jeu de batterie soit plutôt basique sur « Running Low », la piste est, là aussi, sauvée en grande partie par un des refrains les plus efficaces qu'on pourra trouver sur Now and Forever. Ce qui aide avant de passer aux deux moins bons titres de l'offrande : « Shades of Black » et « Morning After ».

Il faut rester honnête jusqu'au bout et dresser un constat des faits : Now and Forever souffre quelques peu de la comparaison avec d'autres disques de heavy / power à chanteuse qui ont vus le jour en 2012 (la concurrence est rude avec les Kobra and the Lotus, The Mystery, Huntress, Seven Kingdoms, Shadowside ou A Sound of Thunder). Sister Sin est une formation avec un énorme potentiel, et qui a prouvé par le passé qu'elle pouvait accomplir d'excellentes choses. Et c'est, heureusement, toujours le cas, grâce à la présence de pistes très réussies (« End of the Line », « In it For Life » ou « Running Low » sont jouissives), et surtout de sa chanteuse, Liv Jagrell, qui n'a rien à envier à ses consœurs, et même aux mâles du milieu. Cette fille est meilleure qu'une grande partie de la scène actuelle et nul doute qu'elle est l'attraction principale du combo qui l'a bien compris. Mais compter uniquement sur la voix d'une frontwoman n'est pas une solution qui durera pour l'éternité. Et si nous ne constatons aucune régression sur Now and Forever, il faut voir la vérité en face : au mieux, c'est la stagnation. Switchblade Serenades et True Sound of the Underground étaient mieux foutus et tenaient très bien la distance, ce petit dernier est un peu en-dessous mais reste, une fois de plus, un bon disque. Et sa bonne tenue générale le sauve en très grande partie, procurant même un enthousiasme certain à chaque écoute sur certains morceaux qui restent toujours aussi agréables avec le temps. Seulement, on est en droit d'en attendre mieux de Liv et ses camarades. Gageons que la prochaine galette montrera une légère évolution dans leur musique, sinon, il est fort à parier qu'ils commencerons à radoter et tourner en rond. Et voir un tel potentiel gâché serait attristant.

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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