Ashes You Leave – The Cure for Happiness

« Docteur, je me sens triste, ma vie devient subitement grisâtre et perd de sa saveur ... »

« Voyons, Jean-Nicolas, il n'est nul besoin de vous sentir aussi morose. Ressaisissiez-vous, que diable ! Certes, vos parents viennent de divorcer, vos partiels se sont soldés par un échec cuisant, votre copine vous a quitté pour vivre au grand jour son amour avec un ornithorynque, mais il y a pire dans la vie ! Regardez le cas de ... »

« Oui je sais doc', je sais … vous m'avez déjà parlé de Charles-Henri qui a perdu ses deux jambes mangé par un lapin carnivore lors d'une randonnée en Ploutagonie Occidentale, pile le jour où sa femme a accouché d'un enfant noir alors qu'il est blanc. Mais quand même … ça ne passe pas. J'ai beau aller sur des sites rigolos, j'ai beau écouter du Freedom Call, rien n'y fait, tout semble si … gris. Ah docteur, vous qui êtes mon dernier recours, vous qui êtes un professionnel, vous devez m'aider ! ».

« Non, je ne vais pas pouvoir vous aider à reconquérir Anna-Mariana, désolé ».

« Il ne s'agit pas de cela, docteur … un ami m'a parlé de ce remède, là, de nom : The Cure for Happiness. Paraît que ça a été développé dans un laboratoire pharmaceutique croate, là, et que c'est carrément efficace pour avoir le sourire. On dit que les sept scientifiques qui ont développé ça sont toujours gais et portent des accoutrements roses avec des petits papillons dessus. La compagnie Ashes You Leave, je trouve ça mignon comme nom ».

« Heu … je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, Jean-Nicolas. Vous savez, il existe peut-être des méthodes plus douces et ... »

« NON, docteur, NON !!! Je VEUX ce remède pour le bonheur ».

« Bon, bon, si vous insistez, allez-y ... »

Une semaine s'écoula, et après une vingtaine d'écoutes intensives qui devaient redonner le sourire à notre brave ami Jean-Nicolas, voici la conversation qui se déroula dans le cabinet du docteur :

Ashes You Leave

Bin quoi ... on respire la joie de vivre, ça se voit pas ?!

« Doc' … vous êtes sûr de ne pas m'avoir prescris le mauvais médicament ? Parce que là, je vous avoue que ça ne va pas du tout, mais alors carrément pas du tout … Purée, je peux même dire que c'est la déprime la plus totale. J'ai les idées noires et ... »

« Je vous avais dit que c'était pas une bonne idée ... »

« Et j'aurai dû vous écouter mais … mais … j'avais pas regardé l'emballage avant, ni prêté attention aux paroles, ni même lu le nom des morceaux. Et même avant d'enfourner ce disque dans ma platine, j'vous jure ! Mais c'est carrément la grosse déprime. Vous me direz, avec un titre comme « Reality Sad », fallait pas que je pense entendre du happy power metal … snif »

« Racontez-moi donc ? »

« On m'a menti, que diable ! Floué je vous dis ! Je pensais … que ce serait heureux, mais que du contraire. Ma déprime est devenue une dépression à force d'écouter la musique pondue par Ashes You Leave, triste à souhait dans son enrobage aux accents gothiques, mâtiné de sonorités doom qui créent une lourdeur et une ambiance à vous en gâcher la journée. Le même effet que d'écouter du My Dying Bride au réveil ... »

« Oui, c'est noté dans les effets secondaires … vous avez lu la notice ? »

« Non »

« C'est pas étonnant vu votre réaction »

« C'est pas sympa de se moquer de moi »

« Je sais mais vous tendez le bâton pour vous faire battre. Continuez, parlez-moi de ma prescription »

« Il y a cet instrument, là, ce violon … je pensais qu'il me lâcherait, mais non ! Il est continuel dans tout ce satané brûlot, renforçant encore davantage les atmosphères déjà tristes et sombres posées par la formation. Comme si Marta Batinic s'amusait à jouer dans ma tête des mélopées qui vous dépriment. Et le pire, c'est qu'elle est bien mise en avant, la bougresse, contribuant ainsi à apporter une touche musicale qui, si elle n'est pas très originale, reste fraîche et toujours très justement dosée, histoire d'optimiser encore plus vos chances d'aller vous jeter par une fenêtre avant la fin de l'écoute. C'est vicieux quand l'instrument à cordes frottées vient se mêler à la puissance des riffs sur « For the Heart, Soul and Mind ». Le résultat se veut très harmonieux, et c'est d'ailleurs le cas. Même si je déteste ces satanés balkaniques pour m'avoir tiré des larmes et de l'amertume, je suis forcé de reconnaître qu'ils ont le sens de la mélodie »

« Il est vrai que certaines sont particulièrement marquantes ... »

« Et comment ! Prenez « Summers End », qui est redoutable. Sa lente montée en puissance est extrêmement bien amorcée, juste le temps pour la chanteuse de poser sa voix, puis arrive les autres musiciens qui jouent leur partition avec une certaine spontanéité et une réelle dextérité, tout ce qu'il faut pour se laisser entraîner par ce refrain habile. Ah que je hais ce titre, vous n'imaginez pas à quel point … et s'il était le seul ... »

« Quels autres pistes vous ont mises dans cet état ? »

« Déjà, « The Ever-Changing » et son intro à la flûte et son violon qui apparaît délicatement mais au moment opportun. Le tout monte encore en intensité, et, à l'instar de « Summers End », ce morceau est long. L'autre piste un peu longue, qui ouvre l'opus, « Devil in Disguise », est beaucoup moins bouleversante. J'irai même jusqu'à dire que c'est la moins intéressante. Pas mauvaise, mais pas transcendante. Finalement, on peut dire qu'Ashes You Leave réserve le pire sur la fin. J'ai chialé comme une madeleine en repensant à ma dulcinée sur « Only Ashes You Leave » et son refrain super poignant où Jade est carrément à fleur de peau, tel un loup habillé avec des peaux de mouton. C'est juste pour qu'on se fasse happer. En plus, la donzelle est italienne, comme ma cop...mon ex »

Ashes You Leave

Anna-Mariana, je t'ai ret...oh, excusez-moi madame ...

« Ah oui ? »

« Oui, et c'est même la première fois que Giada Jade Etro chante dans une formation. Et elle se débrouille sacrément bien. Pas la frontwoman la plus charismatique du monde, mais elle possède déjà une certaine assurance assez plaisante et un registre chaud et grave qui est en osmose totale avec les ambiances mélancoliques et sombres d'Ashes You Leave. Suffit d'entendre « Summers End » pour se rendre compte qu'elle est une très bonne vocaliste, qui semble avoir pris ses marques assez rapidement. Nul doute qu'elle a du potentiel, la donzelle. Enfin, je ne serais sûrement plus là pour en juger si le prochain me donne envie de vider du cyanure comme ça ... »

« Mais si, mon brave Jean-Nicolas, vous serez là »

« Mouais … toujours est-il que j'ai appris que ces croates sont des pionniers de la scène doom dans leur pays, et existent depuis plus d'une dizaine d'années. Un très vieux groupe, quoi. Et ça s'entend un peu »

« Que voulez-vous dire ? Est-ce que tout cela sent le moisi, le réchauffé, recyclent-ils de vieilles recettes ? »

« Pas du tout. On peut même dire qu'ils se renouvellent par rapport à leurs précédentes œuvres, et à défaut d'originalité, j'ai trouvé que leur musique avec un côté intimiste fort bien conçu, comme si on sentait les années d'expérience. Et puis, au-delà de ça, il y a une certaine personnalité qui se dégage de ce The Cure for Happiness. Le violon en tant qu'instrument à part entière et non comme une pièce rajoutée y joue beaucoup, faut bien le dire. Le reproche majeur du disque, cependant, c'est un titre d'introduction un peu poussif (« Devil in Disguise ») et peut-être le manque d'une grosse pièce majeure qui m'aurait fait me jeter dans un mur tout de suite quand j'ai écouté ça en voiture. Mais à part ça, on tient un album joliment ficelé. Je ne le recommande pas aux gens qui dépriment »

« Bonne idée »

Ashes You Leave

Je suis trop scintillante avec mes cheveux blonds, une star !

« D'ailleurs en parlant de ça … où est votre corde ? »

« Dans le placard sur la gauche »

« Merci docteur … je préfère l'avoir à proximité pour mon prochain disque de goth / doom ... »

« On est jamais trop prudent »

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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