Pertness – Frozen Time

Forcément, quand on est dans un train pendant trois heures, il y a un moment où on peut se faire chier et c'est souvent là que l'inattendu se produit. En ce 24 décembre 2012, redescendant dans mon sud natal pour un Noël en famille, je ne m'attendais ni à avoir l'envie de travailler une chronique et encore moins à être assis à côté du chanteur de Dionysos. Hein ? Oui oui, le frontman français Mathias Malzieu, ex-compagnon d'Olivia Ruiz, et Jedi quand il était petit. Ainsi sa présence inattendue me donna envie de chroniquer le nouvel album de Pertness paru en novembre chez Pure Legend Records et que j'avais pris le soin de mettre sur mon lecteur MP3 la veille (un hasard vous croyez ?).

Le rapport entre ce combo suisse de heavy power et le chanteur de Dionysos ? Absolument aucun. Mais il fallait bien que je raconte l'anecdote en intro hein, forcément, et ce cette fois-ci sans le moindre effort de transition. Car oui bordel, c'est les vacances, on en a plein la panse et on n'a pas envie de se prendre la tête avec des détails. Ainsi allons vite et présentons ce Frozen Time, troisième offrande d'un groupe aux accents germaniques qui fêtera en 2013 ses 20 années d'existance et qui ne s'est pourtant réveillé qu'en 2008, date de leur premier opus Seven Times Eternity résonnant à l'époque comme l'une des plus belles surprises du genre.

Ce groupe a une science du riff globalement irréprochable sans être novateur et un toucher heavy assez large qui pourra attirer l'oreille de pas mal de fans du genre voire même au-delà. C'est le premier constat que nous faisons, une nouvelle fois, à l'écoute de ce nouveau CD, pour une recette qui reste globalement inchangée mais qui permet à l'auditeur de passer un bon moment sans grande prétention. Le heavy au sens large donc, très allemand comme mentionné plus haut car les suisses (germanophones, cela va sans dire) n'hésitent pas à largement s'inspirer de leurs aînés voisins pour structurer leurs morceaux.

Ainsi retrouve-t-on une grosse part de Blind Guardian dans leurs compositions, pas forcément sur le côté "guitares dans tous les sens" mais plus sur la rythmique, un timbre de voix très Hansi Kürschien par instants et surtout ces touches folk qui ont fait la marque de fabrique du légendaire groupe d'outre-Rhin. Ne crions pas au plagiat mais les introductions médiévalo-bucoliques des soeurs jumelles que sont "No More Messiah" ou "Lost in Time" ne peuvent pas ne pas nous évoquer le gardien aveugle, sans trop singer jusqu'au bout mais démarrant sur les mêmes préceptes. Au final seule la chanson folk finale sonne différemment... et pour cause, puisqu'il s'agit d'une adaptation metal de la ballade irlandaise "The Star of the County Down", qui se pare au passage d'un speed très Running Wildien et même de touches pagan à la Ensiferum. Il fallait oser conclure l'album ainsi mais cela ne s'avère clairement pas une mauvaise idée. Un peu comme l'entrée en matière, l'éponyme "Frozen Time", fort réussie et lorgnant plus sur du Grave Digger (comme ça on aura fait le tour) qu'on aurait thrashisé avec une mélodie à la Emir Kusturica. Et bien sûr ce refrain typique à la Pertness bercé de choeurs assez rustres et d'une mélodie lancinante, fait sur lequel nous reviendront plus tard car il faudra bien aussi parler du défaut principal du groupe.

Tout ceci étant plutôt bien digéré, on se prend facilement au jeu, et on avance sereinement au fil de la galette. Pour y trouver d'autres repères plus inattendus, pas foncièrement ce côté kitsch à la Alestorm d'un "I Sold My Remorse" très heavy et rappelant une certaine lourdeur nordique à la Falconer (ou feu Mithotyn), mais justement ce côté pas loin d'être extrême ou même viking par moments choisis. Il n'est donc pas rare de trouver quelques parties blackisantes dans l'interprétation vocale d'un Tom Schluchter qui fait rarement dans la dentelle, comme pour renforcer une certaine puissance qui ne quitte pas les chansons de Pertness qui sortent donc souvent du power traditionnel. Nombreux sont d'ailleurs les petits passages riffés à la Amon Amarth ici ou là, notamment sur "Farewell to the Past" ou "The Last Survival", preuve s'il en est que Pertness a voulu burner son répertoire et ce avec une maîtrise plutôt remarquable. Un titre comme "Shadow Knights" (voir plus haut en extrait sonore sur Youtube) remportera ainsi la palme, mixant tous ces éléments un peu pêle-mêle et gardant un feeling mélodique fort accrocheur, car Pertness c'est avant tout cela - parfois peut-être trop.

Car si structurellement tout semble bien (trop ?) en place, un effet de lassitude peut s'emparer de nous à la longue lorsque certaines chansons, taillées pour être des hymnes de 3 minutes, se retrouvent allongées autour des 4-5 sans grande réussite. Pire, certains morceaux plus courts auraient pu tenir sur 2'30" sans qu'on aurait rien trouvé à y redire, car la formule est simple - parfois trop simple - et les nuances manquent notamment au niveau des breaks ou ponts souvent bien trop bâclés ou inexistants. Quant aux soli, ils sont bien effectués, mais ils n'offrent qu'une respiration relative, ne touchant peut-être par moments pas assez à l'épique alors que certains morceaux s'y prêteraient. C'est là où Pertness selon moi ne réussit pas, dans le même style, à faire comme un Logar's Diary (groupe bien underground de la scène allemande mélangeant aussi pas mal d'infuences autour du heavy power folkisant) qui tire son épingle du jeu avec - par exemple - des passages orchestraux de toute beauté. C'est peut-être ce qui manquerait parfois à Pertness, même s'il s'agit forcément là d'un choix probablement délibéré.

Pertness 2012

On en vient au souci posé par les refrains. Pas mauvais, non, souvent bien addictifs, mais bien trop répétés le long d'une chanson. Cela en devient souvent agaçant, et c'est un peu ce que l'on pouvait d'ailleurs reprocher aux deux premiers albums du groupe. Le problème reste donc le même ici, tout va trop vite et la structure habituelle "couplet-refrain" se retrouve bien trop multipliée sur la durée d'un seul morceau, ce qui a tendance à rendre pénible certains moments et on en vient à se demander quand le titre va prendre fin. Dommage, car sans cet écueil majeur, nous tiendrions là un groupe pas loin d'être imparable dans le genre. Alors heureusement certaines inspirations mélodiques sont plus convaincantes que d'autres et font que certains morceaux passent tout seul, mais d'autres (comme "Cold Wind of Death" par exemple, pour ne citer que celui-ci) semblent se languir jusqu'à la dernière note.

Ce Frozen Time est donc un album fort correct... qui peut nous laisser sur notre faim et nous donner un goût amer tant il aurait pu être mieux construit. Cependant, tout le monde n'aura peut-être pas ce même feeling et d'autres considèreront ce disque comme une franche réussite, alors ne passez pas à côté et faites-vous vous-même une idée. L'histoire ne dira pas par contre si Mathias Malzieu aurait apprécié ce CD, mais ça à la rigueur c'est secondaire...

 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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