Rien ne va plus en Suède. Les armées se déchirent, les femmes en pleurs consolent leurs enfants tandis que leurs maris bravent une tempête de feu. Les éclairs se figent dans la nuit, le sang se répand entre fjords et vallées, Falun s'embrase et nul ne peut dormir sur ses deux oreilles. Le Carolus Rex n'a que trop imposé son joug, une guerre civile s'est mise en branle courant 2012 et depuis quelques soldats tentent d'imposer une résistance à toute épreuve. Cependant, le géant monarque semble au meilleur de sa forme, sa nouvelle garde faisant feu de tout bois et ralliant de nombreux sujets à sa cause car les promesses sont là. Que va-t-il donc advenir de nos dissidents qui se lancent ainsi dans la bataille avec une première salve timide ?
Ces révolutionnaires ont pour nom Civil War, eux qui ont décidé de lancer ce nouveau mouvement après avoir claqué la porte du "devenu trop grand pour eux" Sabaton pile poil au moment où celui-ci sortait un Carolus Rex depuis couronné de succès. Si le désormais groupe de heavy power le plus populaire en Suède a su très vite rebondir en engageant de nouveaux musiciens fort talentueux et qui ont depuis plus que fait leur preuve en concert, tout recommence à zéro pour les quatre musiciens déçus à la recherche d'un second souffle. Ainsi Rikard Sundén (guitare), Oskar Montelius (guitare), Daniel Mullback (batterie) et Daniel Mÿhr (claviers) ont créé ce nouveau groupe pour enfin laisser libre court à leur expression créative (chacun sachant pertinemment que le seul véritable compositeur dans Sabaton étant son chanteur Joakim Brodén), s'entourant au passage du bassiste Pizza (wtf?... Stefan Eriksson de son vrai nom) et du brillant chanteur Nils Patrik Johansson.
Premier coup de maître, le choix d'un vocaliste fort réputé et apprécié dans le milieu du heavy, une sorte de Ronnie James Dio plus éraillé qui sait parfaitement mettre en valeur les chansons sur lequel il chante. Certes son activité brûlante avec Astral Doors ne laisse personne indifférent, mais c'est bien avec le splendide combo danois Wuthering Heights (mélangeant prog, power, heavy et folk comme personne) que le frontman a su éblouir nos oreilles. Profitant du sommeil (peut-être définitif) de ce groupe, Nils Patrick a donc accepté de rejoindre Civil War, et en cela les quatre mousquetaires ex-Sabaton ont dégoupillé une intéressante première grenade.
Encore faut-il désormais que cela suive niveau composition, on est bien d'accord. Afin que le buzz se fasse sans attendre, le nouveau groupe décide de sortir un EP fin 2012 (le 20 novembre) sur le label (ironiquement nommé) Despotz Records. Cette sortie étant précédée du single "Rome Is Falling", titre mid-tempo sympathique qui ne boulversa en rien l'ordre établi, les premiers fans Sabatonniens s'écriant au passage "n'est pas Joakim qui veut". Le temps d'adaptation s'annonce donc, dans un premier temps, plutôt compliqué pour un Johansson dont la voix n'est pas forcément adapté à ce genre de morceau, surtout sur un premier titre tout de même fort proche de Sabaton notamment sur ses claviers.
Encore plus fort à ce niveau, le titre éponyme du même nom que l'EP et le groupe qui friserait presque le plagiat. Nous exagérons à peine tant "Civil War" semble tout droit sorti d'une compil façon bonus track oublié d'un Metalizer Re-Armed, les claviers y sont criant de ressemblances comme si Daniel Mÿhr voulait faire passer un message du genre "Vous croyez quoi ? Le son dans Sabaton c'était un peu moi aussi quand même !". Passées ces lignes de Mÿhr fort réminiscantes pour le fan de base, on note un décalage et une différence au niveau d'un mix (souvent puissant mais encore un peu brouillon) plus axé sur les guitares, celles-ci d'inspiration plus heavy à la Judas Priest, moins lourdes et plus acérées, pour un rendu final plus années 80 dans l'atmosphère générale. La comparaison avec Sabaton semble donc s'arrêter là... en attendant, la chanson ne rivalise pas avec le "groupe originel" même si elle reste efficace, pas plus que le titre "Custers Last Stand" racontant la chute du général américain George Armstrong Custer face aux indiens lors de la bataille de Little Big Horn. Ah, "la comparaison s'arrête là disais-je ?" Pas vraiment...
Les textes semblent en effet fort axés sur différentes guerres ou autres batailles, cela ne vous rappelle rien ? On ne va pas vous faire un dessin. Mais à part le dernier morceau, chaque piste de cet EP raconte une histoire tournant autour du contexte militaire, avec peut-être un point de vue différent et une approche plus variée, mais au moins nous ne sommes pas dépaysés. A part le dernier morceau disais-je ? Forcément, puisqu'il s'agit là d'une reprise de... Nelly Furtado. Allez savoir pourquoi... en attendant, ne connaissant pas l'originale (en même temps hein faut pas trop m'en demander), impossible de dire si cette cover apporte quelque chose ou non. Disons que sa mélodie et sa progression n'incite pas trop non plus à une découverte plus poussée.
Si on s'arrête là, le bilan s'avère fort moyen, mais voilà : une chanson sauve cet EP d'un ennui certain. Le central "Forevermore" ne semble pas être placé là par hasard, les gars de Civil War nous prouvant ici qu'ils sont capables de créer un hymne et de composer un morceau non loin du sublime. Non loin car il s'érode un poil au fil des écoutes, même si le feeling reste là, et puis on peut surtout dire qu'il s'inspire fortement de Black Sabbath période Dio ou de Dio période carrière solo. Pas étonnant que Nils Patrick s'y sente bien, très bien même, donnant là sa meilleure performance vocale du brûlot et de loin. Une sorte de ballade heavy sous couvert d'un mid tempo aux cavalcades bien senties, un thème épique et des paroles qui ne le sont pas moins jusqu'au titre certes cliché mais poussé avec grâce dans son refrain. Un beau tour de force, et c'est sûrement là dessus que Civil War doit baser son travail futur tout en s'efforçant de trouver une orientation musicale plus personnelle.
Un EP mi-figue mi-raisin donc, pas foncièrement raté mais qui peut aussi laisser sur sa faim si on s'attendait à plus. Reste désormais à Civil War de passer le cap du premier album avec brio et réussite, en prenant peut-être plus son temps et en donnant quelques concerts le temps de bien rôder la machine. S'ils veulent renverser l'empire Sabaton, la route s'annonce bien tortueuse et fort longue... à suivre, nul doute qu'ils n'ont pas dit leur dernier mot et qu'il s'agit là du début d'une longue aventure.
Note : 3/5