Il neige en hiver ! Jusque-là, pas de scoop ! Mais quand on arrive directement de Sydney en pleine canicule (avec des températures oscillant entre 40 et 45°), l'arrivée est un peu raide. C'est ce qu'a dû se dire Eddy, le guitariste de Koritni en débarquant en France pour les cinq dates du groupe programmées en ce mois de janvier. Après une étape à Lille, c'est dans une sorte de blizzard que le package Koritni/Blackrain/Million Dollar Reload est revenu sur Paris pour une date au Bataclan, qui s'annonçait mémorable pour les amateurs de hardrock'n'roll.
Premier constat, premier coup de gueule, la salle n'est pas pleine. Là se pose la question : avec quelle affiche peut-on faire bouger les franciliens ? Je ne vais pas faire mon ronchon, mais on a quand même un groupe en pleine ascension et avec une très forte exposition médiatique (Blackrain), une valeur sûre du hard rock dont la valeur sur scène n'est plus à démontrer (Koritni) et un espoir plus que prometteur de la scène hard sleaze (Million Dollar Reload). Si avec ça, le public ne vient pas, on fait quoi ? On regarde, confortablement vautrés dans un canapé, des vidéos téléchargées illégalement en pleurnichant sur l'état de la musique en France ?
MILLION DOLLAR RELOAD
Bon, bref, il fait froid dehors, autant essayer de se réchauffer à l'intérieur, et ce sont les irlandais de Million Dollar Reload qui s'y collent. Et ils le font bigrement bien, les bougres ! Avec deux albums sous le bras, le quintet va s'emparer de la scène avec une détermination et une maîtrise impressionnante. Ca envoie sec, ça joue du feu de Dieu sans se poser de question et au final, ça balance un set de quarante-cinq minutes qui auront un goût de trop peu ou de revenez vite nous voir !
Parfaitement mené par le chanteur Phil Conalane, dont la gestuelle pour occuper l'espace n'a d'égale que la qualité de l'interprétation vocale (rocailleuse, énergique mais toujours juste), le groupe s'impose d'emblée comme une pointure du genre, ni plus ni moins. Un hard rock couillu gorgé de guitare et à la personnalité très affirmée. La paire de six-cordistes (avec à gauche B.A.M et son jeu assez moderne, et à droite Andy Mack au look et au touché plus old school r'n'r) fait feu de tout bois pour décocher riffs et soli incendiaires, tout en assurant le spectacle avec une complicité évidente (notamment sur une partie de twin guitars jouée tête-bêche sur la guitare de l'autre – inimaginable tant qu'on ne l'a pas vu sur scène).
Difficile d'imaginer en voyant ce show qu'il ne s'agit que de l'opening act tant le combo est à l'aise, enchaine les titres sans faiblesse ("Blow Me Away" ou "Can't Tie Me Down") passent vraiment très bien), jusqu'à l'arrivée du méga hit qu'est "Bullet In The Sky" (dommage qu'il n'y ait pas un ou deux autres brûlots du même calibre car avec ça, ce concert aurait été le meilleur de la soirée). Une découverte fascinante qui gagnerait juste à avoir une section rythmique un peu plus originale et présente (le bassiste au look Paul Di Anno reste scotché en fond de scène). N'empêche qu'à la fin de cette prestation, beaucoup se demandaient quand nous aurions la chance de revoir la troupe en tête d'affiche. Un joli carton !
Ben
Après avoir discuté avec pas mal de monde (le Bataclan est correctement rempli, mais sans plus, mais garni de têtes connues) et fait un tour obligatoire par la case "bar" afin de lutter préventivement contre la déshydratation, c'est maintenant l'heure d'accueillir un des deux co-headliners de cette date, à savoir les frenchies de Blackrain. Pour cela, je laisse la plume à Ivanhe….
BLACKRAIN
On y est enfin ! Bien qu’il y ait deux têtes d’affiche ce soir, je suis là pour le quatuor français qui a fait tant parler de lui ces derniers temps : BLACKRAIN. Depuis leur participation à l’émission "La France a un incroyable talent" sur M6, j’ai pu lire de nombreuses critiques sur le groupe les jugeant ou de vendus ou qu’ils ne sont pas métal… d’autres préfèreront ne pas lancer le débat. De notre côté à La Grosse radio, nous avions décidé de les suivre dans cette aventure en les interviewant avant la finale afin de mieux connaître ce groupe qui monte très vite, n’en déplaise à certains. Je les connaissais depuis la sortie de leur deuxième album en 2008, "License to Thrill" mais je ne les avais jamais vus en live, du moins en électrique. Je les avais quand même remarqués durant leur tournée acoustique dans les FNAC en 2010. Étant un très grand fan de sleaze et de leurs deux derniers albums, je me devais de les accompagner ce soir au Bataclan. Le glam, en plus d’être de la musique, c’est une attitude. Et leurs trois prestations sur M6 m’ont confirmé que les savoyards ont gagné en énergie, en rage et qu’ils s’envolent tel un Phénix (ou un Coq ?) vers la gloire.
Le décor est assez impressionnant : un énorme drapeau français avec le logo de BlackRain et le titre de leur dernier album "Lethal dose of...Fuckin blast". Sur les deux côtés de la scène, les visages des quatre musiciens dessinés en squelette zombie rappelant un peu les covers de Maiden. Les pieds de micro de Max et Matt ont évolué : avec des éclairs à la KISS pour le guitariste et avec des flèches pour le bassiste (chercherait-il à égaler l’esthétisme du pied de micro de Swan ?).
Après une dizaine de minutes, l'obscurité envahit la salle, le public commence à se déhancher et à pousser… ah non c’est juste moi avec quelques amis, les autres ont sorti leur téléphone ou appareil photos pour filmer l’intégralité du concert. Participer à une émission grand public permet de se faire une bonne publicité, toucher un nouveau public - rappelons-nous Lordi à l’Eurovision en 2006 - mais j’aurais dû me douter qu’une bonne partie des personnes présentes se croiraient dans leur canapé et n’aurait qu’une envie : se vanter d’avoir été rebelle une soirée à un concert rock, n’ayant comme souvenir qu’un petit écran de téléphone et non une scène avec de vrais artistes en live.
Avant l’arrivée des membres, entrent sur scène cinq joueurs de cornemuse interprétant "Amazing Grace" qui, à en juger par le choix de la chanson, montre à quel point BlackRain est français. Frank, le batteur, et Max, le guitariste soliste, habillé d’un perfecto blanc et de diverses couleurs flashies, monte sur la scène en jouant la mélodie des cornemuses. Le public hurle (surtout les filles …et ... moi aussi d’ailleurs). Matt, le bassiste, et Swan débouchent côté scène en courant, tapent la pose et se placent afin d’entamer la première chanson "I Need My Doctor". Dès le début, ils se donnent à fond en affichant leur professionnalisme. On sent que la mise en scène est orchestrée, chaque musicien connaît chaque mouvement qu’il doit effectuer. BlackRain tient également à frapper fort du côté des compos en piochant dans trois de leurs albums. Les six premières chansons sont tirées de "Lethal dose of...Fuckin blast". Malgré la puissance des compositions, le public restera assez figé malgré votre serviteur qui tentera de mettre une certaine ambiance (ça se discute peut-être ?), notamment sur le titre "Get a gun" qui envoie bien. Matt me remarquera et me fera un signe de la tête agrémenté d’un smile hollywoodien. Je me retrouve à chanter dans la fosse, regardant Swan, droit comme un I derrière son pied de micro couvert de roses. Il est concentré, ça se voit mais n’hésite pas à bouger un peu plus que d’habitude en rejoignant son orchestre pour les solos. On en avait parlé durant mon interview. Aurait-il entendu votre serviteur ?
Swan nous annonce qu’ils vont exécuter des titres de leur album de 2008 : "License to Thrill". Quelle joie pour moi qui les ai découverts grâce à ce CD. Malheureusement, ils décident de nous balancer les ballades "No Forever" et une version émouvante de "Shining down on you" au synthé. Malgré ma demande de les jouer vite, même très vite, ce qui fera rire Swan, je me retrouve piégé. Une fois les briquets - ou plutôt les téléphones - rangés, le groupe envoie l’une de mes préférés : "Innocent Rosie". Plus question de faire le sage. Comme le précise le tatouage du chanteur, « Nice Boys Don’t Play Rock’N’Roll », je me dois de lancer un vrai pogo digne du groupe et à ma grande joie, je serai enfin rejoins par du beau monde. Au moment de "Blast Me Up", extrait qui a été joué sur M6 et qui sera sur leur prochain album à paraître en Mars 2013, c’est la cavalcade dans la fosse, impossible de tenir debout, je ne sens déjà plus mes jambes, mon bandana rouge est tombé (encore !) et je me sens obligé de monter sur scène afin de slammer et de vénérer ce titre qui m’emporte. J’adore déjà cette chanson !
Sans prendre la moindre pause, ils balancent une de leur hymne "Overloaded" chanté par une grande partie du public. Lors de leur passage à la télévision, Max avait souligné qu’ils rêveraient que leurs fans chantent leurs chansons comme on le fait avec les titres d’AC/DC ou de Deep Purple. "Ne te fais plus trop de soucis à ce sujet Max !".
Les deux ballades en milieu de set étaient très bien placées. En effet, les compos les plus agressives seront jouées jusqu’à la fin du concert : "N.A.S.T.Y" et "Rock Your City" avec leurs refrains entraînants, et termineront sur "Burn ‘n Die" avec des riffs tout simplement venimeux. Mais le meilleur est pour la fin quand nous leur demandons … Que dis-je, leur hurlons de revenir. N’ayant pas d’autre choix, Swan et sa bande remonteront sur scène pour exécuter "True Girls Are 16" et une reprise d’AC/DC "It's a Long Way to the Top (if you Wanna Rock'n'Roll)" sur laquelle les joueurs de cornemuse viennent taper l’incruste et exécuter cette chanson comme dans la version des australiens.
Deux regrets pourtant :
• Terminer sur une reprise et non sur l’une de leur propre création. Cela aurait été intéressant qu’ils performent une chanson du dernier album afin de la découvrir.
• Aucun des membres n’a effectué un solo. Peut-être le feront-ils quand ils rempliront le Zénith voir Bercy. En tout cas, je serai là.
Le groupe salue le public, heureux de l’accueil qu’ils ont reçu. Ils le répéteront d’ailleurs assez souvent sur la fin. Ils ont distribué leurs médiators à quelques personnes du public. Un concert en accord avec mes espérances et même plus. Ces quatre jeunes français jouent avec passion, ils aiment ce qu’ils font et ne sont pas là que pour le sexe, la drogue mais bien pour nous faire danser le rock’n’roll !
Ivanhe (et seulement lui)
KORITNI
Et hop, je reprends le stylo (oui le terme plume tout à l'heure, c'était une figure de style…"stylo" aussi, vous ne croyez tout de même pas qu'on note tout sur un calepin ? Ok je suis vieux, mais j'arrive tout de même à utiliser un ordinateur !) tout en précisant que je ne partage pas du tout (mais alors pas du tout) l'enthousiasme de mon jeune collègue, qui lui n'adhère en rien à ce qui va suivre (à croire que seul Million Dollar Reload aura fait une certaine unanimité !).
Koritni de retour en France pour cinq dates à l'occasion de la sortie d'un nouvel album live ("Alive And Kicking"), c'était une occasion inespérée de retrouver un de mes deux combos préférés de ces cinq dernières années. Toujours accompagnée de Manu Livertout à la guitare et sans leur bassiste Matt Hunter (retenu en Australie) remplacé pour l'occasion par Yves "Vivi" Brusco (Trust, Handfull Of Dust), la bande du grand Lex va une nouvelle fois faire étalage d'un savoir-faire bluffant pour faire frémir le public.
Koritni, c'est, et on ne le souligne que trop rarement, une setlist qui bouge beaucoup et qui réserve donc son lot de surprises. La première intervient ce soir dès l'ouverture du gig, avec un "The Devil's Daughter" superbement maîtrisé qui aura ravi tous les fidèles. Le retour de cette chanson ne sera pas le seul, puisqu'au fil de ce concert sans temps mort, ce sont aussi "By My Side" ou "Heaven Again" qui font leur réapparition. Une vraie bouffée d'oxygène, qui enrichit une prestation qui compte toujours parmi ses temps forts "Red Light Joint" ou "Let It Go". Mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'aura pas fallu longtemps aux morceaux tirés du dernier opus pour devenir des incontournables ! "Better Off Dead" son riff d'intro et son refrain bien heavy, "Lost For Words", "Sydney In The Summertime", "TV's Just a Medium", autant de brûlots qui foutent le feu aux planches et qui incitent Manu à danser et taper du pied comme un forcené (oubliant qu'une de ses chevilles est fraîchement déplâtrée – le lendemain fut sûrement douloureux).
Musicalement, les guitares sont toujours au top et on se dit que Manu s'est imposé naturellement comme un membre à part entière du groupe aux côtés d'un Eddy qui fait maintenant preuve de beaucoup plus d'assurance et de décontraction qu'il y a quelques années. Derrière, Chris Brown est l'archétype du batteur de rock "à l'australienne" ! Au fond du temps, kit minimaliste, donnant chaque coup avec force et conviction, mais sans se la jouer numéro de cirque. Une machine à groover. A la basse, Vivi à très bien assuré son rôle de remplaçant de luxe, avec un enthousiasme et une fraîcheur dont devrait s'inspirer bien des musiciens plus jeunes, même si on ne retrouvera pas l'entente quasi fusionnelle de Matt avec son batteur (on ne peut pas demander à un duo basse batterie d'avoir en quelques jours la cohésion d'une paire jouant ensemble depuis pas mal d'années). Plus proche des guitares que de la batterie, Vivi aura tout de même très bien tenu la baraque, assurant également de nombreux chœurs et distribuant, comme ses collègues des sourires à tout va.
Puisque je dis depuis déjà pas mal de temps que j'adore ce groupe et que je mets souvent l'accent sur le talent et la sympathie de ses membres, il faut, car cela m'a vraiment frappé en ce samedi soir, mettre en avant l'incroyable présence de Lex. Ce mec-là arrive sur scène, fixe le public et hop, naturellement, tous les regards se fixent sur lui. Ensuite il chante et on ne peut que constater qu'il est de plus en plus à l'aise, capable de développer une puissance phénoménale par moment puis de passer à une voix beaucoup plus calme et claire, de jouer sur des registres bien différents, aussi à son avantage sur les up tempi que sur les chansons lentes. Monsieur Koritni, chapeau (et pas celui de Manu que vous lui avez effrontément subtilisé) ! Et merci pour vos efforts de parler en français la majeure partie du set.
Quand arrive l'heure des rappels, on attaque par la reprise du "Fortunate Son" de Creedence Clearwater Revival dans une version musclée à souhait (très éloignée, cela va sans dire mais je sais qu'en la citant certains curieux pervers iront la chercher, de celle immortalisée par notre Jojo nationale sous le titre "Le Fils de Personne"). Nouvelle preuve qu'en plus d'avoir son propre répertoire en béton, Koritni reste un des maîtres de l'exercice pas si évident de la reprise. Le furieux "Under The Overpass" déboule juste derrière dans une ambiance des plus festives, avant que "Sweet Home Chicago" ne mette fin à la fête (comme l'an dernier) avec le traditionnel gimmick de Lex jouant l'un des solos sur la gratte d'Eddy (celui qui viendra me dire que c'est trop prévisible risque de se prendre une réflexion que je me suis pour l'instant interdit de faire à d'autres, OK ?) dans une dernière orgie de chant et de guitare.
Ben (et seulement lui)
Au final, et malgré des avis très tranchés et parfois fort divergents, cette soirée aura permis de voir évoluer trois groupes qui auront fait plaisir à tous les spectateurs, et c'est bien le principal. Toutefois, on ne pourra que regretter la détestable habitude qui s'est installée dans les salles parisiennes d'organiser une deuxième manifestation le même soir, ce qui incite le personnel de la salle à (excusez l'expression, mais ça me fout hors de moi ce truc) foutre tout le monde dehors dans les cinq minutes chrono après la fin du dernier gig ! C'est simple, on nous laisse tout juste le temps de commander une dernière mousse et hop, "Allez la boire dehors", ce qui vu le temps était ma foi peu agréable (les plus optimistes me diront "au moins comme ça, elle reste fraîche" ! Certes, mais sur le moment, j'avais peu envie de rire !). Dommage qu'une soirée si belle et si bien remplie se termine de la sorte. Mais encore un grand bravo aux groupes qui ont chacun dans leur style parfaitement rempli leur contrat (malgré les avis très tranchés et étonnamment contradictoires concernant les deux co-headliners) !
Merci à Sam Prévot pour les accréditations.
Photos : © 2013 Olivier GESTIN / INTO The PiT Photography
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Setlist Koritni : The Devil's Daughter – TV's Just a Medium – Game Of Fools – Never Say Goodbye – Better Off Dead – Sick Again – Sydney in the Summertime – Red Light Joint – Lost For Words – Let It Go – By My Side – Down At The Crossroads – Heaven Again
Rappels : Fortunate Son – Under The Overpass – Sweet Home Chicago
Setlist Blackrain : I Need My Doctor - Into The Groove - She's in Love - Heart Screams - Get A Gun - Dead Boy - No Forever - Shinning Down On You - Innocent Rosie - Blast Me Up - Overloaded - N.A.S.T.Y - Rock N' Jive - Rock Your City - Burn N' Die
Rappels : True Girls are 16 - It's a long way to the top (if you wanna rock n' roll) (AC/DC Cover)