Il fait de plus en plus froid, la nuit a définitivement mis le jour à terre en ce dernier mois de l'année qui vient de s'achever, les hypocrites fêtes célébrant la joie cruelle de passer d''une obscurité à l'autre vous ont donné la crise de foie ( foi ?), votre bien aimée s'est barrée avec le concierge de l'immeuble, votre grande tante est en train d'agoniser dans une chambre d'hôpital sordide, votre chat ( le seul être vivant qui vous apportait un peu de chaleur réconfortante en ces froides heures ) vient de se faire renverser par un chauffard, vous avez perdu votre emploi après un tirage au sort désignant qui sera le prochain employé à être sacrifié dans le projet de restructuration de votre ancienne entreprise et la fin du monde ( dont vous vous foutez éperdument tellement votre univers s'écroule ) est proche. Vous êtes donc passé du statut de demi-loser à celui de perdant définitif. Vous souffrez et toutes les larmes de la terre ne pourront apaiser votre tristesse hivernale.
Et pourtant je vois une lueur catharthique dans cette nuit profonde. Et elle a pris la forme d'un jardin suspendu qui vient du grand froid, là où l'obscurité reine donne naissance à l'épanchement des peines.
Hanging Garden est un groupe finlandais ( le pays qui détient le record mondial en terme de suicides ) qui avec At Every Door ( disponible chez Lifeforce Records dès le 25 janvier 2013 ) sort déjà son troisième album dont la pochette plutôt intrigante ( cette femme oiseau au profil menaçant ) me rappelle celle du 1er album d'Anathema : Serenades. La bio jointe au disque indique un mix entre Cult Of Luna, Sisters Of Mercy, Daylight Dies, Ghost Brigade et The Cure. Rien que ça...Autant vous l'avouer, je connais très mal Cult Of Luna ( et la scène Postcore en général )et Daylight Dies ( des clones américains du early Katatonia apparemment ), ce que j'ai entendu de Ghost Brigade ne m'a pas déplu et j'ai pensé surtout à The Cure par le nom du band qui semble être une référence au cultissime album Pornography mais un peu moins pour la musique ( ou alors dans certaines lignes de basse assez Cold Wave comme sur « Ash and Dust » par exemple ), en revanche pour les Sisters Of Mercy j'ai eu plus de mal à m'y retrouver (ou alors peut-être dans les quelques arpèges assez Gothic Rock disséminés dans les morceaux ). A vrai dire le seul point commun que l'on peut trouver entre Hanging Garden et les formations énumérées ci- dessous se situe dans la noirceur du propos.
Les finlandais jouent un Metal qui jongle entre lourdeurs Doom et désespoir gothique, pas de voix féminines éthérées, ni de passages symphoniques ici, juste deux chants : L'un death, rugissant comme le vent d'hiver dans une maison vide et abandonnée, l'autre clair exprimant avec détachement toute la tristesse du monde, on y trouve aussi des guitares lourdes comme un cadavre rigide, une basse accordée aussi bas que l'était le moral de Kurt Cobain avant son dernier geste et des arrangement au clavier qui font plus office funéraire que fête du village
Si l'on devait rapprocher Hanging Garden d'une autre formation, ça serait plutôt du côté de leurs compatriotes Swallow The Sun qu'il faudrait aller voir, en effet on y retrouve cette même patte nordique, si particulière pour exprimer la douleur. Voilà pour les présentations, avant de fermer la bière passons plus en détails à la musique pratiquée par nos nordiques, At Every Door est un très bon album mais je dois avouer qu'il m'a fallut du temps pour réellement l'apprécier car s'il y a un défaut que ce disque possède c'est la longueur de ses morceaux ( parfois même excessive comme la dernière, et moins bonne de l'album, plage « To End All Ages » et ses 10 mn 33 affichées au compteur ), de plus le tempo plutôt lent ( Doom quoi ) et l'ambiance pesante, voire dépressive, ne rendent pas non plus les premières écoutes évidentes. Je dirais qu'il faut même être dans un certain état d'esprit pour réellement apprécier ce groupe, par exemple un matin d'hiver gris, déjà fatigué avant de partir au travail, At Every Door peut prendre toute sa signification ...
Dès « Ten Thousand Cranes » et son growl de désespoir, nous sommes pris dans un tourbillon d'opacité qui va nous mener dans les fonds d'une eau noire où grouillent les plus sombres desseins d'une existence. Et il n'y a pas d'accalmie tout au long de At Every Door, que ce soit sur « Hegira » avec sa mélodie d'une tristesse infinie au piano et sa voix déclamée qui semble exprimer un monologue torturé ou « Ash And Dust » avec ses claviers qui rappellent My Dying Bride ( on pense aussi aux Lords anglais sur « To End All Ages » ) et sa sensation d'apaisement cathartique alors que le morceau s'achève. Citons aussi les plus Gothic Metal comme « Wormwood », ses arpèges de guitare, ses roulements de toms et sa batterie « loopée », sa voix claire contemplative ( encore ) et son très bon refrain qui rappelle les grandes heures du genre dans les années 90's ( Paradise Lost ou les suédois un peu oubliés de Cemetary ) mais aussi « The Cure » avec sa voix claire lancinante, son refrain où la voix death semble exprimer la colère qui se superpose au désespoir, ce titre est mon préféré ( malgré sa longueur un peu excessive, encore une fois ), j'adore particulièrement les petites notes de clavier discrètes répétées pendant le refrain. A écouter lorsque l'on en a marre de tout et que le tourbillon nous a pris pour nous noyer définitivement.
Je l'ai dit la dominante est plutôt Doom et pesante mais deux morceaux sortent un peu du lot : Déjà le titre qui donne son nom à l'album « At Every Door » qui commence de façon douce et mélancolique ( bah oui, on est pas chez Poison hein ? ) qui est plus un interlude, une respiration au milieu de cette lourde noirceur qu'un véritable morceau à vrai dire et « Evenfall », titre plus mid- tempo, où la voix death est dominante ( même si le chant clair intervient au milieu et déclame à la fin, ce qui accentue encore le côté poétique et mélancolique du disque ) qui débute sur un gros riff et est le morceau le moins long de l'album, efficace. Je voudrais insister sur la production très soignée de At Every Door et notamment ces effets d'écho sur la voix claire ( on peut aussi y voir éventuellement le « côté Sisters Of Mercy » évoqué dans la biographie du groupe car c'était un gimmick très utilisé sur les disques sortis par la troupe d'Andrew Eldrith ) qui renforcent l'ambiance de désolation contemplative que l'on retrouve sur ce troisième album des finlandais qui s'avère être une des pièces majeures du Metal sombre de ce début d'année 2013. My Dying Bride, Saturnus, Swallow The Sun et Paradise Lost ont sorti leurs derniers opus en 2012 et ont laissé libre place à Hanging Garden pour se glisser dans le peloton de tête des meilleures
formations de Metal spleenique ( et pourquoi pas détrôner un Katatonia qui devient moribond au niveau inspiration ? ). A eux de ne pas s'endormir sur leurs lauriers car comme le chante Robert Smith : « Dans le jardin suspendu, personne ne dort. »
Liste des titres :
1 «Ten Thousand Cranes »
2 « Ash and Dust »
3 « Hegira »
4 « Wormwood »
5 « At Every Door »
6 « The Cure »
7 « Evenfall »
8 « To End All Ages »
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