Alpha Tiger – Beneath the Surface

Le metal actuel peut se montrer bien cocasse. Il est commun à toutes les époques de livrer un certains nombres de modes stupides que le temps rendra très vite risibles et le XXIe siècle avec sa horde de rebelle coreux à mèche ne fait pas exception. Seulement la dernière décennie a cela de particulier qu’en plus d’apporter sa pierre à l’édifice du mauvais gout, elle s’amuse à reprendre les horreurs du passé. Ainsi, des jeunes loups en manque d’authenticité metallique ont décidé de singer l’imagerie du thrasheur alcoolo ou du pot-de-peinture glam se paluchant à longueur de journée sur un bon Motley Crüe. Et si certains groupes comme Steel Panther ont su user de ces clichés avec humour, le revival a trop souvent fait émerger des groupes anachroniques, sans originalité et flirtant avec le ridicule. Et bien mes amis, mettez votre amour-propre de côté et enfilez votre moule burne parce qu’Alpha Tiger a décidé d’incarner le heavy 80s jusqu’au bout, pour le meilleur comme pour le pire !

Allons-y franchement, il y a pléthore d’éléments prêtant à sourire chez nos jeunes allemands.  A commencer par cette pochette qui réussit à faire encore plus kitsch que celle de Man Or Machine, précédent effort du groupe. Ainsi on retrouve des costards-cravates dont les reflets ne sont rien d’autres que des beaux démons  qui jettent des dollars en feux en compagnie de Belzébuth avec en fond de toile le triangle illuminati… Au moins ils y vont à fond.  Ensuite, on ne pouvait pas passer à côté du look du chanteur. Même si je ne doute pas des choix vestimentaires douteux des groupes de heavy ou de power des 80s, on est plus proche de Satchel (Steel Panther) que de Geoff Tate (Queensryche). Enfin cela rajoute un côté déjanté à la formation. Néanmoins, je vous conseille le visionnage du clip de "From Outer Of Space" pour observer les savoureuses gimmicks de notre frontman. Mais après tout cela passe au second plan, l’essentiel c’est ce que sont capables de faire les bonhommes instruments en main.

« Perfectible » est vraiment l’adjectif adapté à ce Beneath The Surface. Pourtant les choses démarrent plutôt bien avec "The Alliance" qui s’ouvre sur un riff bien speed qui sera par moment nuancé par une rythmique plus mid tempo et dansante. On tape du pied, les cervicales commencent à souffrir et le refrain sans être mémorable est efficace, bref c’est du speed de bonne facture qu’on nous sert là. L’éponyme joue également sur un terrain très proche d'un Running Wild et là encore, le riff fait mouche. On a là les deux brûlots de l’album purement heavy speed et franchement efficaces. Comme sur l’ensemble de l’album, la rythmique s’avérera en béton armé, ici on ne fait pas dans la finesse, ça cogne fort et vite même si certains breaks sont assez imprécis. A ce versant speed vindicatif de l’album s’ajoute une facette beaucoup plus mélodique illustrée par des titres comme "Along The Rising Sun", gentillet et chaleureux. Le single "From Outer Of Space" est plus énervé et se rapproche d’un power metal à la Helloween où Dietrich singe Kiske sur un refrain d’ailleurs plutôt bon.

Pourtant, c’est bien le chant qui s’impose comme le gros point faible de l’album. Si sur les refrains, Dietrich peut proposer des montées sympathiques, ses couplets oscillent entre aigus abusifs, vocalises niaises au possible et égarement soit disant déjanté purement ridicules et agaçants. Prenez le morceau "Eden Lies". Les choses débutent plutôt bien avec une approche typiquement teutonne rappelant les récents travaux d’Accept par exemple. Puis le tempo ralentit, Dietrich passe en mode mélodrame, combinant le soporifique, le mielleux et parfois, le faux. Continuons sur notre lancée, à 1 :55 toujours dans cet "Eden Lies", le fourbe récidive et sonne totalement faux. Personnellement, je ne suis pas adepte du timbre du bonhomme que je trouve très adolescent et poussif mais là ça va plus loin qu’une simple question de gout, c’est tout simplement faux. Enfin ne nous acharnons par sur le chanteur car il n’est pas le seul responsable puisque si l’entame du morceau tombe à l’eau c’est avant tout parce que les lignes de chant sont mal écrites et s’enchainent de façon totalement incohérentes. Les choses s’améliorent néanmoins par la suite mais l’on reste dans le domaine de l’anecdotique et la frontière du juste sera à nouveau titillée. Notons néanmoins qu’après un duel de guitare , le groupe offre un riff très accrocheur à 5’38 que l’on se doit de souligner.

"Rain" et son entame au clavier s’en tire déjà mieux et Dietrich nous montre que lorsqu’il fait dans la sobriété, il s’avère tout à fait écoutable. Le fond « orchestral » est néanmoins assez pauvre et c’est dans la douleur qu’arrive un riff tout droit sorti de Somewhere In Time sous fond de drum solo. L’empreinte de la Vierge de Fer est flagrante et sauve le morceau de la noyade, le rendant même plutôt bon. Enfin on ne se refait pas et Dietrich n’arrive pas à s’empêcher de nous asséner une petite montée désopilante très girly à 2’54. Allez, la troisième sera peut-être la bonne et "Crescent Moon" se montre plus maitrisée, on se surprend même à chantonner un refrain où Dietrich arrive enfin à nous faire vibrer. On embarque dans cette cavalcade épique (là encore, Maiden n’est pas loin) riche en riff inspirés, tempérés par les ronronnements de la basse. "Waiting For A Sign" n'est malheureusement pas du même acabit et si la rupture offerte par le premier riff donne un certain élan au morceau, le refrain affligeant de banalité saura calmer nos élans.

Alpha Tiger est un groupe plein d’envie et d’énergie mais en plus de livrer une musique trop peu originale, les teutons font des erreurs d’interprétation assez regrettables, particulièrement dans le chant. A l’avenir, il faudra éviter d’abuser autant des aigus et envisager une sérieuse refonte sur le plan vocal en général car si certains refrains arrivent à briller, l’écriture des couplets laissent bien souvent à désirer.  Néanmoins, c’est sur une note positive que je conclurais ce papier avec le  "We Came From The Gutter". Emmené par une basse emplie de feeling et un riff beaucoup plus hard rock et massif, ce morceau est une petite perle d’efficacité, si bien qu’on aurait voulu le voir en single. Le refrain est fédérateur, immédiat et deviendra assurément l’un des moments forts des live d’Alpha Tiger. C’est peut-être  dans ce style plus épuré que le groupe devra travailler à l’avenir. 

Comme dit plus haut, Beneath The Surface est un album perfectible, ne manquant pas de bonnes idées mais qui peinent à être concrétisées. Du travail, c’est tout ce que l’on peut exiger d’Alpha Tiger car les bases sont là et ce dans des domaines allant du hard rock (We Came From The Gutter) au speed (Beneath The Surface) en passant par le power (From Outer Space) et le heavy prog (Crescent Moon).  Puis tant qu’on est sur les clichés, le 3e effort des allemands sera peut-être le fameux album de la maturité !

 

NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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