Malemort … Malemort ? Malemort !
Groupe sorti de nulle part, dont je n'avais jamais entendu parler et surgi au détour d'une discussion sur le réseau social le plus étendu au monde (vous savez celui qui vous tire l'oreille en feignant de trouver étrange que vous vous adressiez à des gens que vous ne connaissez pas personnellement, mais qui limite votre nombre d'amis à 5000 – parce que, c'est bien connu, on a régulièrement 5000 proches avec qui on veut garder un contact régulier pour partager des souvenirs de l'école maternelle ou de discussions autour d'une machine à café !). Bref, Malemort m'est tombé dessus à l'improviste, avec fraîcheur et humilité par le biais d'un lien permettant d'écouter quelques titres.
Le hasard a voulu que cette rencontre virtuelle intervienne au moment précis où des pseudos gloires passées ou des apprentis vedettes (pleine d'un talent…incroyable) s'évertuaient à convaincre le microcosme que leur talent et leur passion ne sauraient souffrir la moindre remise en question, le moindre petit reproche. Des groupes affichant une technique hors du commun, un soutient médiatique ou encore un son énorme par un grand nom pour justifier une sorte d'intouchabilité. Des gens qui m'ont royalement insupporté et qui semblent ignorer que leur passé, leur fric ou leurs relations ne les mettront jamais à l'abri de mon mépris.
Le rapport avec Malemort ? Aucun (ou plutôt si, le contraire !) Un contact chaleureux, humble, et puis une phrase dans la bio (feuillet qui d'ordinaire finit directement à la poubelle après avoir suscité indifférence dans le meilleur des cas, sourire voire francs sarcasmes dans les pires) qui cadre parfaitement avec ce que je viens de dire et ce que je pense de la musique du combo :
"N'attendez avec Malemort ni la plastique clinquante de la machine, ni la démonstration du singe savant, ni encore la caricature des glorieux aînés : la musique se joue avec le cœur et les tripes".
Faut-il voir dans ce "French Romances" une sorte de croisement improbable entre le "French Cuisine" de Sons Of Secret et "Brütal Römance" de Mörglbl, la réponse est clairement non ! Malemort, c'est un cocktail qui déborde d'une sincérité, d'une rage positive et même d'une forme de candeur (non pas dans le sens béni oui-oui, mais une vraie pureté de sentiment, sans aucune arrière-pensée, "voilà ce qu'on a envie de faire, de dire, sans concession ni prétention").
Alors oui, les textes sont en français et ne tentent pas de faire du Baudelaire 2.0. C'est bien écrit et brut de décoffrage (souvent), avec un ton tantôt énervé tantôt désabusé, parfois plus intimiste, humain quoi ! Oui le chant choquera certains de prime bord car il ne donne pas dans la surenchère violente, gutturale. Une voix plutôt aigue, surprenante, mais qui donne tout son charme à ce disque. Xavier ne joue pas à ce qu'il n'est pas, balance la sauce avec tout ce qu'il a, sans chercher à ressembler à tel ou tel et impose sa marque à ce disque qui du coup, et contrairement à bien d'autre a priori plus "puissants", possède une vraie identité.
Foncièrement très rock "in your face", la musique de Malemort est très bien valorisée par un son très clair, pêchu mais léger. Ce n'est pas un mur de guitare qui va vous arracher la tête pendant que la batterie (tenue par l'omniprésent - et toujours au service des gens pour qui il joue – Aurélien Ouzoulias) vous défouraille les entrailles. Non, c'est un son très live, très naturel qui favorise, une fois de plus, l'authenticité du propos. La basse est ronde, profonde mais sans affoler les capteurs sismiques, la batterie joueuse à souhait (j'adore la caisse claire), les guitares tranchent et le chant expose autant sa conviction que ses limites (pas de tentatives d'exploits, de l'énergie, de la colère, mais aussi de l'émotion).
Difficile au final de coller une étiquette sur un truc pareil, et ce n'est pas la moindre des qualités de ce disque. Si pour vous l'usage de la langue de Molière n'est pas rédhibitoire, jetez-vous sur cette galette qui transpire l'amour du rock avec un grand R (même si les influences du combo l'attirent inévitablement vers des contrées hard ou metal).
Certains titres sont franchement rock ("Diamond") avec de belles enluminures de six-cordes, d'autres proposent de jolies atmosphères. Je parle là tout particulièrement du sublime "Le Domaine". Celle-là vous filera des frissons car c'est juste une superbe chanson où texte et musique se marient à merveille dans une ambiance lourde et nostalgique. Bien qu'un peu décalée par rapport au centre de gravité du disque, elle est pour moi LA pépite de l'opus. A l'autre bout du spectre, on trouvera une belle salve de brûlots qui, telles des balles en argent, viendront vous frapper en pleine tête (et qui resteront graver dans le crâne) comme "Home Sweet Home", "Atomique Diplomatie" (et son entêtant refrain limite punkysant) ou "Japan Airline". Et toujours le souci de proposer des mélodies mémorisables (vous savez, le truc qui fait qu'une chanson peut devenir un hit) comme sur "La Meute" ou "Jamais".
L'album se clôt superbement par "Fils d'Eve" qui mixe bien tous les éléments qui font la force de ce disque : émotion, énergie, plaisir de jouer.
Et puis, qu'en 2013 (ok le disque est sorti l'an dernier), des musiciens prennent encore le temps de réaliser un très beau livret pour accompagner un disque qu'on peut tenir dans ses mains, c'est déjà en soi un acte tellement militant qui mérite le respect et le soutien !
Malemort, c'est une preuve de plus que le rock n'est pas mort et que la passion vaut bien plus que les diplômes, le matos où les relations. L'essence est là, celle qui fait frissonner, vibrer, trembler…vivre, tout simplement !