Quelques heures avant un show explosif au Forum de Vauréal, c'est dans le tour bus de la tournée que le tour manager de Vader nous amène vers Peter, le guitariste-chanteur/leader et fondateur historique du groupe, pour un entretien exclusif. D'une gentillesse et d'un professionnalisme irréprochable, l'ami Piotr Wiwczarek (de son vrai nom) se livre ainsi à un jeu de questions/réponses sans langue de bois et avec une passion intacte. Un instant rare et précieux que La Grosse Radio Metal est très heureuse de vous offrir.
Ju de Melon : Premièrement, comme te sens-tu alors que la tournée actuelle semble bien avancée ?
Peter : Oui, elle est même bientôt terminée ! Elle se passe plutôt bien. Même mieux que je ne l'aurais imaginé ! On a une bonne équipe avec des groupes très sympathiques qui assurent. Les gens aiment bien la musique proposée, extrême et assez variée.
Lionel/Born 666 : Avec 6 groupes en tout ce soir, c'est beaucoup...
En fait c'est 5 permanents et un 6ème groupe qui change selon les endroits que nous visitons.
Ju : Sur cette tournée spéciale vous mettez l'accent sur deux sorties plutôt old school de Vader, l'album Back to the Blind et l'EP Sothis. Y a-t-il une raison particulière à ce choix ?
C'est un peu la suite logique de ce que nous avons entrepris depuis deux ans. Nous aimons revisiter et ainsi jouer des vieux classiques de Vader en live, c'est même devenu assez populaire parmi les fans et je sais que pas mal d'autres groupes font la même chose. Nous avions commencé avec l'album De Profundis en Pologne en arpantant quelques clubs locaux, c'était différent de notre tournée européeenne plus centrée sur le nouvel album. La réaction a tellement été positive que nous avons décidé de remettre ça, en partant de la Pologne mais en étendant le concept à l'Europe de l'ouest. Nous poursuivrons d'ailleurs en avril-mai avec la seconde partie de cette tournée ! Par contre, pour les festivals à venir, nous jouerons une setlist plus diversifiée et plus large, le contexte étant différent.
Ju : Techniquement le groupe fêterait ses 30 ans cette année si on compre la première formation... es-tu sensible à cela ?
Pas vraiment, déjà en fait nous avons fêté nos 25 ans il y a deux ans, en décalé si on peut dire, donc je pense sincèrement que cela suffit et je me vois mal célébrer des évènements spéciaux tous les 5 ans. Franchement nous avons mieux à faire car nous avons une actualité, alors inutile de célébrer le passé tous les 5 ans comme ça, on joue pour les fans et cette nouvelle génération à venir alors aucun intérêt de leur rappeler que nous sommes aussi... âgés ! (rires)
Lionel : Puisqu'on évoque le passé, comment était ta vie en Pologne à l'époque du communisme, à tes débuts ?
C'est difficile d'expliquer cela à quelqu'un qui a vécu dans un monde totalement différent, à l'époque en Pologne il n'y avait pas d'influences occidentales telles que McDonald's ou de grands centres commerciaux. Pour la musique c'était un peu la même chose au fond. Et chez nous, il y avait peu de groupes "professionnels", nous étions tous plus ou moins amateurs et underground avec du matériel très simpliste dans les années 80-90. Nous avons su créer une scène metal dans des clubs obscurs et ainsi nous faire un public, surtout parmi les jeunes et les étudiants. C'était du bouche à oreille, il n'y avait pas de communication officielle. Au fond, ce n'était pas plus mal, car les clubs dans lesquels nous jouions n'étaient pas intéressés par le profit, et on pouvait s'y produire librement... ce qui n'est plus trop le cas de nos jours malheureusement ! A l'époque, notre musique était plus exotique et attirait plus la curiosité, les seules formations un peu connues localement jouaient principalement une musique à la AC/DC, Iron Maiden ou Judas Priest. Alors que nous, nous avons proposé quelque chose de différent, de plus extrême, ce qui a été notre force.
Lionel : Et le gouvernement de l'époque ?
Il s'en fichait, il ne s'est jamais occupé de ce qui était musique metal ou extrême. Au contraire d'aujourd'hui, c'est bien pire... il y a plus de censure qu'avant finalement ! Mais nous ne sommes pas concernés car nous ne parlons pas de politique et surtout nous chantons en anglais, du coup ils ne s'intéressent pas forcément à nos paroles. Au départ pourtant nous faisions des morceaux en polonais, mais très vite on a commencé à échanger avec des fans sur des K7 audio alors on s'est mis à l'anglais, c'était d'ailleurs passionnant comme procédé... plus compliqué qu'aujourd'hui mais bien plus enrichissant selon moi. On s'envoyait pas mal de courriers... pas des e-mails, de vraies lettres et des colis ! (rires)
Ju : Reveons au présent de Vader. Le dernier album Welcome to the Morbid Reich semble avoir bien été reçu des fans, que penses-tu des commentaires qu'il a suscités ?
Cela prouve surtout que nous sommes toujours là, bien présents, en tant que groupe ! Les fans sont toujours fidèles et nous commençons à toucher une troisième génération de metalleux... et en fait nous sommes déjà tournés vers la suite, comme toujours ! Nous continuons le travail et ne sommes pas prêts de nous arrêter. L'album le plus important est toujours le prochain, car ce n'est pas à nous de dire si un disque que nous venons de faire est bon ou non, la parole est aux fans... et aux média aussi... mais souvent les média donnent une opinion qui influence trop les gens selon moi, ce qui n'est pas forcément une bonne chose, mais bon c'est comme ça que cela fonctionne de nous jours. Bref, nous avons reçus de bons commentaires de la part des fans... et des média, donc tout va bien ! (rires) ! Et tant mieux au fond, surtout avec les nouveaux gars qui apportent une énergie nouvelle.
Ju : Maintenant, j'imagine que t'espères que le line-up actuel va rester stable...
Tu sais, je suis plein d'espoir ! Surtout que nous formons une excellente équipe et qu'il est aisé de travailler avec eux.
Lionel : Et bientôt en studio avec eux on espère !
A la fin de l'année oui, normalement nous avons prévu de retourner en studio au mois d'octobre. En attendant nous avons de quoi faire avec les tournées et les festivals de l'été.
Lionel : Est-ce qu'il y a déjà des chansons qui sont plus ou moins finalisées ?
Non, pour nous le véritable départ d'un nouvel album est le choix d'un titre, même s'il ne s'agit que d'un titre de travail en premier lieu. Entre nous, nous l'appelons déjà Straight to Hell, même si nous ne sommes pas du tout certains qu'il s'agira du titre final. De ce fait, le mentionnant ici devant vous, je lance le début d'une nouvelle aventure qui n'en est qu'à son point de départ, aucune chanson n'est véritablement sur le point de naître pour l'instant.
Ju : Vous avez pris l'habitude de jouer quelques reprises en fin de show, notamment depuis quelques shows le morceau "Black Sabbath" du groupe du même nom... sans oublier "Raining Blood" de Slayer !
Oui, "Black Sabbath" faisant partie de l'EP Sothis, il est logique que nous la jouions... encore faut-il qu'on en ait le temps, je ne sais pas pour ce soir (NDLR : En effet, ils ne la joueront pas en ce 2 février au Forum de Vauréal). Quant à la reprise de Slayer, cela fait plusieurs années que nous la faisons, les fans l'adorent et c'est devenu une sorte de tradition.
Ju : Justement, parlons de Black Sabbath... une vraie référence pour toi ? Malgré le fait que tu joues du death metal assez éloigné de ce style.
Black Sabbath est pour moi le groupe le plus important. Ma vie a véritablement commencé le jour où j'ai découvert cette formation, cela a changé ma vie. Avant cela, je n'étais pas vraiment à fond dans la musique, j'écoutais des trucs comme ABBA ou les Bee Gees, sans être vraiment fan. Black Sabbath a agi comme un poison violent, je devenu accroc et aujourd'hui encore je les adore.
Ju : Et as-tu "peur" du nouvel album à venir ?
Peur ? Au contraire, je suis très heureux ! Je sais que les gens adorent raconter de la merde en disant que ce sera nul parce que si, parce que ça... mais ils verront bien ! Je suis un vrai fan de leur musique et n'oublions pas que ce sont des légendes.
Lionel : Parlant de légendes, pour beaucoup tu en es devenu une sur la scène death ! Qu'en penses-tu ?
Je sais pas (rires), je ne me sens pas si vieux (rires) ! Mais je suis fier que certaines personnes qualifient Vader de légende, bien sûr, surtout que nous ne sommes pas le style de groupe poussé à fond par les média. Notre musique atteint le coeur des gens et c'est la meilleure chose qui puisse arriver au compositeur que je suis. Et cette ferveur se transmet de génération en génération, maintenant je vois souvent en concert des jeunes fans accompagnés de leur père eux-même fans de la première heure, je trouve ça fantastique !
Ju : Quelles sont tes liens aujourd'hui avec les autres groupes de la scène polonaise comme Behemoth par exemple ?
Ils sont toujours bons dans l'ensemble ! Il est vrai que nous sommes moins proches que par le passé car nous avons aujourd'hui nous avons moins de temps et faisons moins de shows ensemble, tu as cité Behemoth mais on pourrait parler de Decapitated ou Hate qui sont de bons amis. Alors parfois on se croise dans des festivals, ou au hasard de certains évènements, ça m'arrive de croiser Nergal de temps en temps et je suis content qu'il aille meiux.
Lionel : En parlant de Nergal, tu n'es pas trop dans son trip "popstar" j'imagine...
Disons que c'est différent, c'est une célébrité en Pologne au-delà du metal car il sort avec une chanteuse pop très connue chez nous. Il est donc très lié aux média, il participe aussi à cette émission là "The Voice", il n'est donc pas seulement pour eux le chanteur de Behemoth mais une sorte de personnage qui choque et qui fait peur (rires) ! Disons qu'en effet c'est pas trop ma came mais c'est son choix et sa vie.
Ju : Parlons un peu du metal aujourd'hui, ce fameux débat comme quoi le style est un peu sur le déclin et que personne ne pourra supplanter les légendes actuelles...
Je ne pense pas que ceux qui sont à fond dans le metal pense cela. Le problème dans tout ça c'est avant tout le business, et je pense que les gens ne devraient pas voir les choses comme ça. Avant tout était différent, il fallait avoir la passion et une vraie patience pour découvrir des groupes, c'était bien plus compliqué... aujourd'hui tout est trop simple à avoir, plus besoin de voyager ou même de payer, en deux clics tu as tout avec ce système où le MP3 est devenu maître. Il n'y a plus le même respect pour le travail des groupes, et ceux-ci ont donc tout le mal du monde à émerger. Heureusement tout le monde n'est pas dépendant du système, et il reste les concerts où les vrais passionnés viennent partager avec nous. C'est ça qui est encore "vrai" de nos jours, car chaque show est différent avec des gens différents.
Lionel : Une dernière question... il y a deux, vous faisiez une étrange tournée avec le groupe de black metal norvégien Gorgoroth et nous ne sembliez pas très épanouis disons. Peux-tu nous en parler ?
Tout d'abord, je précise une chose : peu importe avec qui nous jouons, nous n'avons pas peur. Après ce n'est pas nous qui faisons ces choix-là... tout dépend de l'agence qui nous booke, ici ils ont fait un choix pour être sûr que cela allait attirer un maximum de personnes. L'atmopshère dans le tour bus était étrange disons mais il y aurait quelques histoires sympathiques à raconter je pense... Je pars du principe qu'ici (NDLR : il désigne le tourbus) il n'y a pas de place pour l'arrogance et la prétention, c'est une règle que je me suis toujours fixée.
Ju : Merci beaucoup pour cet entretien, as-tu quelques derniers mots à rajouter ?
C'est dommage que nous ne jouons pas plus souvent en France, mais c'est sympa car nous alternons entre les petites salles et les plus gros évènements comme le Hellfest...
Lionel : Y serez-vous cette année d'ailleurs ?
Non cette année nous n'y serons pas, mais nous espérons l'an prochain avec le nouvel album.