"Je n’ai jamais été aussi excité par la sortie d’un nouvel album"
A l'occasion de la sortie de Nemesis, 14e album de Stratovarius, ce vendredi 22 février, Timo Kotipelto, chanteur du groupe et membre en poste depuis le plus longtemps, a accordé une interview à La Grosse Radio pour évoquer la confection de l'album, la prochaine tournée ainsi que certains changements récents de personnel. Toujours avec le sourire, le chanteur finlandais a communiqué son enthousiasme de sortir le disque et sa hâte de revenir jouer en France.
Vyuuse : D’où vient le titre Nemesis ?
Timo Kotipelto : Cela vient de la mythologie grecque, je pense que c’est Matias [Kupiainen, guitariste] qui l’a suggéré. L’été dernier, nous étions tous crevés avec la gueule de bois dans un aéroport en Espagne, après un festival. Matias m’a envoyé un SMS sur lequel était écrit "Nemesis". Ensuite, c’est Jens [Johansson, clavieriste] qui m’envoie le même message. Je me suis demandé ce qui s’était passé et ensuite j’ai compris qu’ils suggéraient un titre pour l’album. Je l’ai trouvé bizarre, mais après, l’idée d’un titre à un seul mot m’a plu, ce qui est drôle, c’est que c’est un mot à sept lettres, comme Polaris, Elysium, Visions, Destiny, Episode… drôle de coïncidence ! La chanson "Nemesis" ne parle pas vraiment du mythe grec, c’est l’histoire d’un prêtre qui libère de leurs pêchés ceux qui cherchent le pardon, mais punit ceux qui agissent mal. Je ne suis pas sûr de savoir ce qu’a voulu exprimer le gars qui a fait la pochette, pour moi cela représente les anges qui viennent pour rendre la justice sur Terre, parce que les humains ont été mauvais et ont maltraité leur planète.
Les chansons semblent plus directes sur cet album. Est-ce là le but recherché ?
En fait, si Elysium était un peu progressif, notamment sur la chanson titre qui fait plus de 18 minutes, cet album l’est aussi, il y a pas mal de couches de guitare et de clavier en arrière-plan dans les chansons. C’est aussi un album plus sombre. Pourquoi ? Il n’y a pas de but recherché à ce niveau. On ne se réunit pas pour se dire comment un album doit sonner, mais pour mettre nos idées de chansons sur la table avant de nous mettre à l’enregistrement. Peut-être que cette ambiance sombre vient du fait que 2011 et 2012 n’étaient pas de si bonnes années pour nous : Jörg [Michael, ex-batteur] a eu un cancer, j’ai moi-même été malade quand nous devions jouer en France, nous avons changé de batteur… Tout cela peut nous inspirer pour écrire des chansons, sachant que tout le monde peut soumettre ses idées. Au moins, nous avons pu rester créatifs ! Ce disque sonne aussi un peu différemment parce que, cette fois, Matias a tout mixé. Sur Elysium, il avait mixé la moitié et Mikko Karmilla (qui mixe les albums de Stratovarius depuis Episode).
Nemesis est votre premier album sans Jörg Michael à la batterie depuis 15 ans. Ca a dû faire bizarre d’enregistrer sans lui.
L’enregistrement n’a pas été si dur, puisque Rolf [Pilve, batteur] était déjà dans le groupe depuis quelques mois. Mais bien sûr, avec Jörg, nous avons été dans le même groupe pendant 18 ans. Quand tu travailles avec quelqu’un pendant autant de temps et que cette personne s’en va, ça fait quelque chose. En plus, il avait une forte personnalité, notamment sur scène. Mais cela faisait quelques années qu’il nous en parlait, donc le fait de l’annoncer en public n’était pas le résultat d’une surprise. Il voulait arrêter en étant encore en forme et pas arrêter parce qu’il était plus capable de jouer. Nous sommes toujours de très bons amis et il travaille encore pour le groupe, dans le management et le booking, il s’est d’ailleurs occupé de la prochaine date à Paris (le 31 mars à La Cigale). Donc il n’est pas complètement parti, mais il n’est plus derrière la batterie. D’autres choses ont changé. Quand nous nous sommes mis à rechercher un nouveau batteur, nous ne voulions pas un clone de Jörg, nous voulions un batteur moderne. Donc nous avons pris Rolf, un batteur qui peut jouer les anciennes chansons, mais qui sait aussi se montrer versatile, avec un jeu qui peut être rapide et technique. C’est un bon batteur, jouer avec lui est agréable.
Est-ce que le jeu plus moderne de Rolf Pilve a contribué à l’orientation musicale de l’album ?
Oui, il n’a pas composé de chanson, mais je pense qu’il a eu un rôle important, parce qu’avec Matias, ils ont vraiment travaillé les parties batterie ensemble, ce qui était plus compliqué avec Jörg, puisqu’il vit en Allemagne. Je vois bien Matias en train de botter le cul de Rolf en lui disant "essaie ceci, essaie cela…". (rires) On entend bien sur l’album que ce n’est pas le même batteur.
On parle d’essayer de nouvelles choses, la chanson la plus surprenante de l’album est "Halcyon Days". D’où viennent ces idées ?
C’est l’initiative de Matias. Quand j’ai entendu cette chanson pour la première fois, je me suis dit "mais qu’est-ce que c’est que cette putain de techno ?". Ensuite j’ai réécouté la démo et quand j’ai commencé à chanter dessus, ça m’a plu, avec ce beat étrange mais agressif. Si des artistes techno peuvent utiliser des grosses guitares, on peut prendre leurs samples ! J’étais très surpris au début, mais maintenant je dois admettre que c’est ma chanson préférée de l’album. Je ne pense pas qu’elle plaira à tous les fans de Stratovarius dans un premier temps, mais qu’ils se rendront compte un peu plus tard de ce qu’elle vaut. Je pense que c’est bien d’avoir quelque chose de nouveau comme ça. Que personne ne s’inquiète, nous ne sommes pas en train de nous transformer en un groupe de techno, c’est juste de nouveaux effets.
Pourquoi avoir choisi "Unbreakable" comme single ?
Pour moi, certaines chansons de cet album peuvent paraître difficiles à la première écoute, mais "Unbreakable" doit être la plus facile à apprivoiser. Il y a bien la ballade "If The Story Is Over", mais personne ne veut d’une ballade en tant que premier single. Même le mot "single" ne veut pas dire grand-chose pour un groupe de metal, ce n’est pas la musique qu’on entend le plus à la radio, mais c’est un teaser, pour prévenir les gens qu’il y a du nouveau qui arrive.
Stratovarius, après de nombreuses années d’activité, semble s’être offert une seconde jeunesse et continue d’aller de l’avant. Qu’en penses-tu, vu que tu es maintenant le membre le plus ancien à être resté.
C’est vrai, je suis dans le groupe depuis 20 ans et Stratovarius fêtera ses 30 ans l’année prochaine. C’est quelque chose que je vois comme excellent, incroyable et irréel à la fois. Ça me fait très plaisir, sachant que nous avons traversé une très dure période il y a huit ans et que certains membres avaient essayé de tuer le groupe. On parlait du single "Unbreakable", la chanson ne parle pas de ça, mais pour moi, le groupe est indestructible. C’est assez incroyable d’être encore en activité. Vers 2000-2002, nous étions au sommet de notre carrière et le power metal était au top, avant que la mode ne change et que les gens s’y désintéressent. Je sens qu’avec Nemesis, le power metal va revenir en force. Nous avons réussi à populariser le genre dans le milieu des années 90, en Finlande du moins. Je pense qu’on peut y arriver à nouveau. Tu ne sais jamais comment les gens vont réagir, mais c’est le troisième album depuis notre nouveau départ, avec Matias et Lauri [Porra, bassiste]. Ce que je vais dire est peut-être cliché, mais c’est sincère : je n’ai jamais été aussi excité par la sortie d’un nouvel album, Si Visions, Destiny et Infinite étaient nouveaux pour moi, quand mes amis me demandaient de leur passer le nouvel album, je le faisais un peu à reculons vu le nombre de fois que j’avais dû écouter les chansons. Avec cet album, c'est moi qui leur demande d'écouter.
Timo Tolkki, qui avait violemment critiqué certains albums de Stratovarius après son départ, a dit beaucoup de bien d’"Unbreakable" et "Halcyon Days" sur sa page Facebook. Qu’en penses-tu ?
Ça fait plaisir, c’est la première fois que j’entends des commentaires positifs de sa part depuis longtemps ! Il vaut mieux l’avoir de son côté, donc je suis content. Je lui souhaite du succès dans sa carrière, nous avons pris deux directions différentes, mais je sais qu’il est en train de préparer quelque chose. J’espère que ça va marcher pour lui.
Lors de la dernière tournée, dont Paris n’a malheureusement pas pu profiter, vous n’avez pas joué beaucoup de chansons d’Elysium sur scène. Comptez-vous en jouer plus de Nemesis ?
Lors des concerts qui ont suivi les sorties d’Elysium et Polaris, il nous paraissait évident qu’on n’allait pas jouer plus de trois ou quatre chansons du nouvel album. Pas que c’étaient des mauvaises chansons, bien au contraire, mais nous ne ressentions pas le besoin d’en jouer beaucoup, puisque nous avions tous ces anciens albums à jouer aussi. Sur Nemesis, il y a 11 chansons, je pense qu’on pourrait en jouer sept ou huit en concert. Sur un set de 75 minutes, vu qu’on joue avec deux autres groupes sur la prochaine tournée, ça laisse peu de place pour les classiques, sachant qu’on a sorti 14 albums, dont 11 avec moi au chant. J’aimerais qu’on en joue plus parce qu’elles ont l’air de bien rendre en live. Par contre elles sont très difficiles à jouer ! Lors des premières répétitions, nous avons joué "Unbreakable" et "Halcyon Days", en plus des vieilles chansons, mais le reste des membres a repris les répétitions pendant que nous [Jens et Timo] sommes en tournée de promotion, et Matias m’a appelé pour me dire que ces chansons, qu’il a lui-même composées sont très dures à jouer ! C’est dommage qu’on ne fasse qu’un seul concert à Paris, Lyon et Strasbourg. Je préfèrerais qu’on fasse deux dates à chaque fois, ça nous permettrait de changer les setlists. La situation idéale serait que les gens aiment l’album, viennent en masse aux concerts, comme ça on pourrait faire une nouvelle tournée cet automne. Je ne suis pas sûr que ça arrive, mais on ne sait jamais.
Lors de cette prochaine tournée, vous partagerez la tête d’affiche avec Amaranthe. As-tu eu l’occasion de les écouter ? Qu’en penses-tu ?
J’ai écouté quelques chansons, c’est intéressant, un groupe avec trois chanteurs et des influences modernes. Je pense qu’ils sont dans une veine plus pop que nous, avec quand même des gros riffs. Jens doit connaître deux-trois membres dans le groupe, ce qui explique peut-être pourquoi ils tournent avec nous. J’ai hâte de voir ce que ça donne. Il y a aussi ce groupe américain qui tourne avec nous, Seven Kingdoms, je n’ai jamais écouté, mais on m’a dit que c’est du power metal pur et dur avec une chanteuse.
Le concert à La Cigale le 31 mars sera le premier à Paris depuis 2010, puisque celui de 2011 avait été annulé (pour des raisons de santé). Qu’est-ce que ça fait de revenir jouer à Paris ?
C’est très important pour moi de revenir. La dernière fois, j’avais cette bactérie qui m’avait empêché de chanter. Ça m’a vraiment énervé, les trois mois que j’ai passé malade m’ont vraiment été difficiles. Je suis toujours content de venir jouer ici, mais cette fois-ci, je le suis deux fois plus, j’ai vraiment envie de faire un bon concert et de présenter les nouvelles chansons.
As-tu écouté Devil’s Train, le projet de Jörg Michael et Jari Kainulainen (anciens membres de Stratovarius) ? Qu’est-ce que ça fait de les revoir jouer ensemble ?
Je n’ai pas l’album mais j’ai entendu deux chansons, c’est du vrai bon rock n’roll à l’ancienne, très bien fait vu les bons musiciens qu’ils sont. Je me souviens avoir fait un concert avec Jari Kainulainen en mai dernier lors d’un concert privé en Finlande. Le promoteur m’a demandé de faire un concert avec des chansons de Stratovarius, des chansons de ma carrière solo et des reprises. Jari Liimatainen (ex-Sonata Arctica) était à la guitare, Jens au clavier et Jari à la basse. C’était sympa de jouer dans une espèce de cottage, avec trois jours de répétition pendant lesquels on a pas mal bu (rires).
Tu as enregistré un album acoustique avec Jani Liimatainen, qui est sorti l’année dernière. Comment êtes-vous passés de concerts acoustiques en duo à un album ?
Nous avons fait pas mal de concerts acoustiques durant ces trois dernières années, presque tout le temps quand je n’étais pas occupé avec Stratovarius. On s’amuse pas mal, mais c’est aussi un moyen de garder ma voix en forme. Pendant ces concerts, certaines enregistraient ce qu’on faisait avec leurs appareils photo et leurs téléphones alors qu’ils nous avaient peut-être vus 10 ou 20 fois. Quand je leur ai demandé pourquoi ils enregistraient ce qu’on faisait, ils m’ont répondu : "Nous voulons écouter vos chansons chez nous, quand est-ce que vous sortez un album ?" Je trouvais que ça n’avait aucun sens, personne ne sort des albums de duos acoustiques ! Puis on nous l’a redemandé, encore et encore, jusqu’à ce qu’on cède en quelque sorte. Quand j’ai soumis l’idée à Jani, il m’a dit "ça pourrait bien rendre, puisque personne ne veut le faire, peut-être qu’il faut qu’on s’y mette". A la base, on voulait juste enregistrer quelques chansons et vendre le disque simplement après les concerts. J’en ai parlé à Ear Music (label de Stratovarius), comme quoi j’allais enregistrer un petit album acoustique pour le sortir juste en Finlande sur mon propre label. Ils m’ont demandé de leur envoyer les démos, ce que j’ai fait et ils ont ensuite voulu le commercialiser à grande échelle. Ce n’est pas un album très commercial qui est destiné à finir sur les radios. Au moins, les fans qui sont allés aux concerts ont pu l’acheter, le disque est fait pour eux à la base. L’album a été plutôt bien reçu de manière générale.
Y a-t-il des chances que vous tourniez hors de la Finlande, peut-être à Paris ?
Ce n’est pas impossible, nous avons déjà reçus des propositions de promoteurs en Amérique du Sud et en Europe, mais cela ne sera pas pour tout de suite, je suis déjà bien occupé avec Stratovarius. Mais pourquoi pas, après la tournée Nemesis, ce serait assez simple à mettre en place, nous n’avons pas besoin de techniciens ou de besoins spécifiques nous avons juste besoins de voyager en avion.
Elysium semblait être un album ambitieux à sa sortie. Comment le vois-tu maintenant ?
Quand nous sommes entrés en studio pour enregistrer l’album, nous avions tout juste reçu la confirmation que nous partirions en tournée avec Helloween. Nous avons donc manqué de temps pour travailler dessus, je pense que le résultat aurait été meilleur avec deux semaines de plus, surtout pour promouvoir l’album, ce qui était difficile, vu que nous étions en tournée. C’est un album qui a été perdu entre les problèmes de tournée, le cancer de Jörg, mes problèmes de santé… Nous n’avons vraiment pas eu de chances sur ce coup-là. C’est dommage, car je trouve que c’est un bon album.
Un dernier mot aux fans français ?
Merci pour le soutien pendant toutes années. J’ai hâte de revenir et de pouvoir chanter devant vous cette fois ! Je ne peux rien promettre, mais je ferai de mon mieux. J’espère que vous apprécierez l’album et qu’on se verra sur la tournée !
Un grand merci à Anne-Axelle Heckel pour les photos (excepté la n°4, Ear Music)