La nouvelle avait crée le buzz il y a quelques années, souvenez-vous : Brian « Head » Welch, guitariste de Korn quittait le groupe dont il avait grandement contribué à constituer le son inédit, afin de se consacrer à sa fille et à Dieu. Tous les canards reprenaient la nouvelle, et la sphère metal se retrouvait pour la première fois depuis longtemps (depuis les frasques de Tommy Lee et Pamela Anderson peut-être ?) auréolée à nouveau de ce doux parfum de tabloïd typiquement Made in US.
Après une épiphanie qui avait littéralement éveillé le guitariste Californien au monde, selon ses propres dires, la vie de Brian (non ! pas celle à laquelle vous pensez) en avait été changée, et il décidait ainsi de redéfinir ses priorités. Etayé d’une autobiographie fort intéressante (le livre Save Me From Myself) ainsi que d’un premier album solo, Brian s’attelait désormais à tenter d’impacter positivement sur la vie des jeunes gens, en répandant un propos un peu plus responsable que « All day I dream about sex » (la chanson « A.D.I.D.A.S. » de Korn). Il avouait avoir désormais compris sa mission en tant qu’artiste, et en tant que père ; l’argent et l’abondance de biens (que ce soit au figuré ou au littéral) que lui offraient sa vie passée ne présentant rien de bon pour son salut spirituel, il décidait de les mettre au service d’actions humanitaires, afin d’en faire profiter les plus nécessiteux.
Après ce premier album solo qui avait défrayé la chronique, Brian Welch et son groupe nous reviennent aujourd’hui avec Between Here & Lost, un nouvel album placé sous le patronyme Love And Death afin de bien faire à présent la distinction entre ses activités musicales et ses activités extra-musicales (allocutions personnelles concernant sa foi, actions humanitaires, etc..). Constitué de Michael Valentine (basse et chœurs), J.R Bareis (guitare et chœurs), Dan Johnson (batterie) et Brian donc (chant et guitare), le groupe relate dans Between Here & Lost les épisodes marquants de ces dernières années dans sa vie : sur fond d’amour et de mort (les deux notions prédominantes dans la vie de chacun, selon leurs propres confidences), il évolue sur les thèmes de la souffrance, l’anxiété, les drames personnels, la dépression, et se veut à la fois plus brut et honnête.
L’album commence fort sur un riff de guitare entêtant, avec la griffe distinctive du guitariste qui contribua jadis à créer le son de Korn, immédiatement reconnaissable et réminiscent des grandes heures des pionniers du neo metal. Le refrain interpelle: « master … don’t give up on me now, cos’ that’s what I’ve already done ». L’album est riche en titres catchy et dans une veine quelque peu metal FM, avec des titres comme « By The Way » ou « Chemicals », qui accrochent instantanément l’auditeur ; mais aussi très groovy comme « Whip It », « Meltdown » ou « Fading Away ». « Paralyzed » conte l’histoire détaillée par Brian dans son livre, un moment de paralysie littérale où il en recourt à Dieu : « I’m dying inside, knowing it’s my fault (…) I’m paralyzed, I need you now ». L’album entier est véritablement au service du propos dispensé par la personnalité hors-du-commun de Brian Welch. Tout comme « Chemicals », qui narre la manière dont l’artiste s’est délivré de l’addiction des drogues, seul dans une chambre d’hôtel avec l’aide de Dieu. Episode relaté dans son livre, et relevant du miracle, car comme il le disait lui-même dans une interview : « il faut réellement une force toute-puissante pour opérer un tel miracle ».
Le groupe de Brian Welch, Love And Death
Un soin particulier a été apporté à l’élaboration des mélodies, la production est très soignée et plutôt massive (Made In US en somme !), les riffs de guitare sont catchy et rappellent bien l’identité de Welch, mais sans tomber dans le remaniement ou dans l’écueil de la formule qui rapporte. Ce qui marquera plus ici est la recherche d’ambiances bien spécifiques qui portent au mieux le propos extrêmement intéressant de Welch. Que l’on soit croyant ou pas, et que l’on adhère à ses convictions ou pas, n’est ici pas pertinent car le propos est universel : la descente aux enfers d’un homme, que sa chute spirituelle rend brutalement conscient et ouvert aux réalités de ce monde.
Il est important de s’affranchir du style pratiqué par Korn, et donc de la lourde épée de Damoclès qui pèse sur la tête de Brian Welch par là-même. Between Here & Lost n’a à souffrir d’aucune comparaison avec la musique des innovateurs de Bakersfield, et gagne à être considéré pour ce qu’il est, à savoir : une œuvre sensible et vraie. De manière la plus impartiale possible, cette nouvelle sortie s’avère un bon album dans lequel l’artiste se livre à une mise à nu complète. C’est quelque chose d’admiré et d’envié chez nos amis d’outre-Atlantique que cette capacité pour un artiste de se confondre avec l’œuvre qu’il crée. De se livrer entièrement, de confier ses peurs et ses faiblesses d’une manière innocente et réellement authentique qui fait toujours dire aux détracteurs de notre vieux continent : « ah quelle naïveté ! » et qui contestent toujours de sa véracité. Qu’on le veuille ou non, c’est cette dimension intime et encore une fois « bigger than life » que l’on retrouve ici, et cette capacité extraordinaire qu’ont quelques rares artistes très inspirés de fondre totalement dans leur œuvre pour ne faire qu’un avec elle, leur vie (et leur corps souvent) servant d’illustration-même de leur propos. Brian Welch, et la vision portée par son groupe Love And Death, font partie de cette caste souvent imitée mais rarement égalée.