Avec toute la singularité qui les caractérise, le grand démon tout puissant Mr. Lordi, l’Egyptien Amen-Ra, le Buffle Ox ainsi que deux nouveaux arrivants : Hella, la poupée schizophrène et Mana, le pasteur de la mort, sont de retour avec un nouvel album To Beast Or Not To Beast. Le septième (ou sixième si on exclut la démo) en dix-sept ans de carrière.
Je suis un admirateur inconditionnel de ce groupe et je me dois d’expliquer leur histoire afin de comprendre leur évolution et pourquoi ce groupe mérite sa place aux côtés des grands. Car, dans l’univers du metal qui, mieux que ces musiciens, peuvent dire qu’ils vivent de leur passion de façon extrême. Précisons que pour faire partie de l’équipe, aucun être humain, à moins d’être un zombie, n’est accepté. Seul les démons, les aliens ou autres bêtes mystiques peuvent signer.
Le groupe a été formé en 1992, lorsque Mr. Lordi a commencé à réaliser qu’il pourrait percer dans le monde du metal et utiliser comme bon lui semble ses nombreux pouvoirs. Le projet était donc un « one-man-band », malgré quelques membres qui jouaient des solos de guitare et de la basse ici et là. En 1996, le Dieu Egyptien et guitariste Amen-Ra rejoint le groupe. À ses côtés, on trouve Enary, Walkyrie et claviériste ainsi que G-Stealer à la basse. La batterie sera... une boîte à rythmes. Avec ce line-up, le groupe a enregistré son premier album studio. Cependant, il ne sortira jamais, en raison de soucis d’argent.
Après une décennie à envoyer des démos à des maisons de disques, Lordi a finalement obtenu un contrat en 2002 avec BMG Finlande. G-Stealer a été remplacé par Magnum à la basse et le batteur Kita qui ressemble énormément a G-Stealer (normal, il porte le même costume) a été le dernier à les rejoindre, ce qui fait cinq membres. La sortie de leur premier single « Would You Love A Monsterman » et le premier album Get Heavy ont vu le jour cette année-là. Magnum partira à son tour et un nouveau bassiste Kalma, le biker mort au chapeau haut de forme a pris sa place.
Cette combinaison audacieuse et effrontée, influencée par des mélodies métal lourdes accompagnées d'images d'horreurs, a immédiatement attiré l'attention des médias et des fans à travers le monde. Les Allemands seront les premiers à faire venir les lapons en dehors de leur terre natale en participant au festival Wacken en 2003.
En 2006, Mr. Lordi doit encore faire face à des départs au sein de son équipe. La sorcière-pianiste Awa et le puissant minotaure Ox à la basse acceptent de collaborer avec le Démon.
- Zappons la partie Eurovision, trop médiatisée et dont les retombées encore aujourd’hui agacent un tant soit peu le groupe -
Le troisième album The Arockalypse est de loin leur chef d’œuvre, leur « masterpiece », permettant à Lordi d’atteindre une célébrité internationale. Des compos fusionnant un metal old-school, avec des mélodies d’opéra, très soft. Certaines Rock Star sont même présentes sur cet opus comme Udo et Dee Snider.
Babez For Breakfast, leur cinquième album est sorti en 2010. En pleine promotion et tournée, Kita se séparera de ses acolytes. Les fans seront déçus du départ de l’Alien à la grosse mâchoire. Le boucher sanguinaire Otus sera le nouveau batteur mais décèdera malheureusement le 13 Février 2012. Lordi lui fera un bel hommage sur To Beast or Not to Beast avec le titre « SCG6: Otus’ Butcher Clinic » enregistré à Paris pendant son solo de batterie ainsi qu’avec le titre « The Riff » que Mr. Lordi a écrit le jour de la mort du batteur.
Les nouveaux membres (jusqu’à quand ?) sont donc le Prêtre de la mort Mana à la batterie et une poupée de plastique au piano appelé Hella (Awa, la claviériste depuis 2005 ayant décidé de partir pour raisons personnelles). Il s’agit de la première créature humaine à rejoindre le groupe. Et Lordi l’a accepté… Elle doit gérer en live !
To Beast or Not to Beast a été enregistré aux WireWorld Studio de Nashville, avec leur producteur Michael Wagener (Metallica, Megadeth…), déjà présent sur Babez For Breakfast. Rappelons que ce dernier opus avait reçu un accueil mitigé car s’il y avait quelques perles comme « rock police », « Loud and Loaded » ou encore « Give Your Life for Rock and Roll », la moitié des compos n’étaient pas à la hauteur vu leur notoriété.
Concentrons-nous à présent sur l'essentiel : la musique. Que nous réserve ce nouveau bébé des Monstres ?
Il mérite une écoute extrêmement minutieuse car vous risqueriez d’être surpris. Il s’agit de leur deuxième meilleur album après The Arockalypse. Mr. Lordi est entouré d’un guitariste et d’un bassiste inscrits dans la tradition blues et Glam avec une claviériste et un batteur aux sonorités plus modernes, disons indus. Mélange admirable ! On sent vraiment que le Démon gère ses Monstres et les fait cohabiter avec panache. On passe d'un riff heavy à des couplets assemblés et entremêlés de synthés afin de sortir le son le plus mélodieux. Mr. Lordi possède toujours sa voix criarde et rauque qui fait son succès. Amen réussit toujours des solos admirables sans pour autant mettre des tonnes de notes comme les shredders. Les chœurs viennent toujours en renfort du refrain. Chaque chanson possède sa propre introduction en rapport avec son titre. On sait que seul Lordi excelle dans ce domaine.
Les premières notes de « We’re Not Bad for the Kids (We’re Worse) » sonnent comme du Grind. C’est la première fois que j’entends le piano sur une compo aussi violente. Lordi prouve que la fusion musicale peut se faire avec talent sans pour autant entrer dans l’archétype du speed non compréhensible.
« I Luv Ugly » nous replonge instantanément dans l’univers morbide et destructeur du groupe avec ses harmonies glauques (comme au début de « Hard Rock Hallelujah »). Les chœurs ici sont remarquables et accentuent le côté militaire.
« The Riff » est de loin leur chef d’œuvre. Qui aurait pu mélanger des nappes de synthé avec une rythmique Indus et la réussir ?
« Something Wicked This Way Comes » a des soli sous mixés donnant une impression de profondeur, comme si les monstres approchaient petit à petit.
Mention spéciale pour « Horrifiction » et « Candy For The Cannibal » pour leur côté glam assumé avec la touche de musique pour enfant au piano qui dénote mais nous enchante.
« Sincerely With Love » restera légendaire avec ces insultes notoires que je suis tenté de vous dévoiler. Mais je dois m’y refuser, des enfants peuvent lire cette chronique.
« Happy New Fear » et « I’m The best » sont les deux bémols en raison de textes trop répétitifs et d’arrangements peu peaufinées.
« Schizo Doll » rappellera des films d’horreurs avec ces poupées comme Chucky. Encore le thème des enfants, Lordi retombera it-il en enfance ? Cela aurait été logique avec la pochette de Babez For Breakfast. Ici, la cover offre une vision modifiée d’Hamlet avec le fameux crâne tenu par une pin up au corps accueillant mais au regard zombie. Mr. Lordi en est l’auteur et a expliqué que cela n’est qu’une partie d’un projet plus grand qu’il a décidé de raconter au fur et à mesure de leur carrière. Affaire à suivre…
To Beast Or Not To Beast s'affirme comme un album de metal où se combine un travail d'arrangement inhabituel. Il mélange les sonorités qu’elles soient metal, orchestral, indus, grind … Lordi a su comme à chaque sortie d’albums rester fidèle à ses inspirations mais innove et nous surprend. Cette œuvre est une réussite car les arrangements sont d’une grande richesse.
Pas étonnant que Satan fasse pâle figure face à eux !