C’est un retour fort attendu que signe la formation originaire d’Andorre qui, en deux décennies d’existence, s’est progressivement fait un nom parmi les groupes incontournables du paysage du metal progressif / death mélodique européen. Persefone est de retour avec metanoia, sixième opus d’une discographie impeccable marquée par une technicité hors pair, une abondance d’acrobaties musicales mais aussi un univers unique chargé en émotions.
Cinq ans après l’excellent Aathma (2017), Persefone propose une fois de plus une expérience aussi dépaysante que déconcertante en dévoilant les dix titres de ce nouvel album. Metanoia emmène l’auditeur dans de riches paysages sonores, déclinant une multiplicité de genres et d’influences. Un soin particulier a été réservé à la production, le mixage étant signé David Castillo, (Leprous, Soen, Opeth) et le mastering Tony Lindgren (Enslaved, Ihsahn, Sepultura).
On est d’emblée particulièrement séduit par les touches orientales distillées habilement tout au long de l’album, par des motifs de cordes ou des lignes de chant clair, masculin ("Metanoia") ou féminin ("Katabasis"). Le chant clair rayonne d’ailleurs sur metanoia, et les passages mettant en avant ce côté mélodique sont particulièrement porteurs d’histoires, de sens, et d’intention. Sans pour autant suivre de schéma préétabli, Persefone semble affectionner les outros délicates et éthérées tendant à apaiser les moments plus brutaux qui ont précédé ("Merkabah", "Anabasis Pt2"), ou les introductions solennelles prenant une dimension cinématographique, à l'instar d'"Anabasis Pt1", ou le prélude "Metanoia", lent et solennel, au chant clair vibrant rappelant Leprous.
Se distinguent également les morceaux instrumentaux, véritables pépites de l’album et non pas simples interludes. Les Catalans maîtrisent l’art des compositions riches, intenses, en créant des atmosphères variées, invitant l’auditeur dans des contrées quasi cosmiques, vers une autre dimension. Sans l’appui du chant, se révèle pourtant une force narrative, dans des pièces épiques monumentales, comme l’orchestral "Leap of Faith" ou l’intense et éminemment proggy "Consciousness Pt3", où les cordes donnent l’impression de se multiplier. L’intense conclusion de l’album se fait quant à elle sans parole mais avec une présence vocale aérienne et onirique : "Anatabasis Pt3" croît en intensité et démultiplie les textures, cordes, piano et chœurs entrent en réverbération pour un point d’orgue prenant, sorte d’invitation au voyage entre douceur et émotion.
Persefone maîtrise incontestablement une palette imposante de textures et de sons, servie par une technique impeccable. Les six hommes parlent la langue de la puissance et des riffs via des compositions complètement folles explorant les extrêmes, dans des moments de virtuosité sans pareille. Il faut s’accrocher pour suivre ces moments de shred épiques et ne pas avoir peur de se laisser submerger par de – très – nombreuses lignes de sept-cordes... Le single "Katabasis", aussi brutal que technique, martèle une énorme rythmique, avant que surgissent des syncopes, le tout se trouvant équilibré par les envolées presque spirituelles au chant clair dans les moments plus mesurés. La basse, enfin, lie souvent les instants plus doux et les passages féroces, comme dans "Merkabah" où le son ravageur et moderne de la batterie et des riffs introduisent des growls se muant en scream, avant un retour au thème plus délicat du début.
De cette opulence peuvent néanmoins surgir des sonorités se fondant plus difficilement avec le reste. Des passages au synthé apportent une touche moderne voire électro qui peut faire perdre légèrement leur âme aux élans presque folk et organiques de certains titres ("Aware of Being Watched"). De même, quelques compositions font échapper quelque peu le sentiment de fluidité et en cohérence, avec l’arrivée de la distorsion dans le chant, certains passages de growl ou scream semblant parfois aller trop loin ("Architecture of the I").
Ces quelques déséquilibres, par ailleurs indissociables d’élans expérimentaux propres au metal progressif, ne ternissent pas pour autant le talent indéniable du groupe qui s’exprime tout au long de la dizaine de titres de l’ambitieux metanoia. Grâce à des compositions audacieuses, surprenantes, et une technicité impressionnante, les prises de risques s’avèrent payantes pour les Andorrans qui confirment, avec ces pérégrinations atmosphériques entre noirceur et onirisme, leur statut de piliers du genre.
Tracklist metanoia :
1 Metanoia
2 Katabasis
3 Architecture of the I
4 Leap of Faith
5 Aware of Being Watched
6 Merkabah
7 Consciousness (Pt.3)
8 Anabasis Pt1
9 Anabasis Pt2
10 Anabasis Pt3
Sortie le 4 février 2022 via Napalm Records.