Hangman’s Chair – A Loner

Quatre ans après le tournant marqué par l’excellent Banlieue Triste, Hangman’s Chair dévoile aujourd’hui son nouvel album studio, A Loner. Le quatuor francilien poursuit son irrésistible ascension en affirmant sa singularité et en esquissant de plus en plus franchement les lignes d’un genre qui lui est propre, celui d’une plongée dans un sentiment de solitude existentielle.

Dévoilant son propos sans euphémisme ni pudeur, Hangman’s Chair joue d’emblée cartes sur table, comme avec les précédents albums invoquant ambiances glauques et tendances à l’auto-destruction (This Is Not Supposed To Be Positive, Hope//Dope//Rope, Bus de Nuit). La pochette, le titre A Loner, les paroles, tout annonce déjà cette immersion inévitable dans un monde d’isolement, de mal-être et de mélancolie.

Les quatre musiciens ont trouvé dans leur art une façon d’accompagner, le temps d'un album, les pérégrinations malsaines et autres pensées noires qui nous envahissent tous, même furtivement. Car il y a ici une portée universelle : certains titres s’adressent à la faille en chacun de nous, cette cassure et cette vulnérabilité tantôt à vif, tantôt réprimée. Le morceau-fleuve "A Thousand Miles Away" met à l’honneur le deuil et l’absence, à moins qu’il ne s’agisse de faire le deuil d’une vie de regrets. L’atmosphère lourde et dépressive de "An Ode to Breakdown", aussi basse dans le moral que dans l’accordage, repose sur les notes suspendues de guitare reconnaissables entre mille signées Julien Chanut, et le chant poignant de Cédric Toufouti, entre souffrance et clarté angélique pour narrer les désillusions et la tentation de la destruction.

Tout n’est pas pour autant sombre, car Hangman’s Chair sait faire résonner une délicatesse inouïe, par des accords ou tremolos de guitares, des parties instrumentales traînantes, contemplatives et sublimes, où la basse et même la batterie de Mehdi Thepegnier rivalisent d’effets d’échos ("Supreme"). Lenteur et réverbération sont également les instruments-phares du titre au questionnement existentiel "Storm Resounds", sur lequel Cédric Toufouti livre une prestation incroyable, insufflant de l’intimité et de la tendresse dans ses envolées finales.

Il est inutile de résister à la tentation de fermer les yeux pour plonger dans l’atmosphère des compositions du groupe et se laisser emporter par cette vibration si caractéristique – ceux qui ont déjà vu Hangman’s Chair en concert le savent bien. Sur A Loner, la prestation de Clément Hanvic à la basse est tout simplement exceptionnelle, que ce soit dans les morceaux où la lourdeur se fait hypnotique, dans la maîtrise parfaite de la lenteur traînante et de la puissance ("Cold and Distant"), ou sur des titres plus entraînants, sorte de clé de voûte solennelle et vrombissante mettant en valeur de superbes effets de réverbération, comme dans le single "Loner", sombre et plein d’émotions, tutoyant la douceur en dépit de la noirceur des émotions évoquées.

L’excellente production est signée, une fois de plus, Francis Caste au Studio Sainte Marthe. L’écho devient ici presque un instrument à part entière, véritable forme d’expression, apportant une profondeur parfaitement adaptée au propos. Les teintes de cold wave s’imposent sur de nombreux titres, la réverbération créant un effet immersif sombre et désespérément oppressant ("Pariah and the Plague"). "Who Wants To Die Old" porte en son écho tout un mal-être, partagé entre la qualité aérienne et tragique du duo guitares-voix et le groove prenant de l’intense seconde partie, où les déflagrations de batterie et les riffs viennent percuter de leur lenteur l’auditeur déjà conquis.

Le propos est sombre, mais la musique n’entraîne pas vers le fond. Elle décrit, elle magnifie même ce combat intime et ce sentiment de ne plus rien attendre des autres ni de ce monde. Et de l’évocation du pire peuvent aussi, parfois, surgir des élans plus lumineux, moments où domine un (relatif) entrain retrouvé. Les tempos varient, l’écho reste mais l’énergie et l’intensité tourbillonnent davantage, comme pour signifier une tentative de mouvement vers le haut ("Second Wind", "Supreme").

On ne saurait être surpris par les titres sans équivoque, les paroles entre amertume et autodestruction, le déferlement de désolation et cette reverb enveloppante, prenante, omniprésente et destructrice. Les quatre hommes sont en cela restés droits dans leurs baskets, en faisant, envers et contre tout, du Hangman’s Chair. Loin d’avoir perdu son âme (torturée) en intégrant l’écurie Nuclear Blast, le quatuor a plutôt profité d’une ampleur bienvenue pour cultiver encore sa signature.

Hangman's Chair band 2

Loin des sentiers battus, le groupe a su tracer son propre chemin, semé d’épreuves et de moments difficiles, en quête d’une forme d’expression aussi cathartique que nécessaire. Comme si désormais l’identité musicale de Hangman’s Chair ne faisait plus qu’une avec ces fragilités, cette colère sourde face aux absurdités du monde moderne, et cette tentation incessante du repli sur soi.

A Loner, album de l’isolement, du confinement, et du mal-être, ne pourrait pas être plus dans l’air du temps. Et pourtant, le combo y brille par sa singularité affirmée, son identité inégalée, assumant pleinement ce décalage et ces paradoxes qui font sa force. Une plongée dans cette rage silencieuse, cette torture douce-amère, ce mal-être se muant en espoir naissant, malgré tout, voilà ce qu’offre cet opus abouti, honnête et poignant qui saura dépasser les attentes des fans de la première heure, et susciter à coup sûr l’intérêt des nouveaux venus.

Tracklist A Loner

1. An Ode To Breakdown (6:41)
2. Cold & Distant (5:09)
3. Who Wants to Die Old (6:06)
4. Storm Resounds (5:15)
5. Supreme (7:00)
6. Pariah and The Plague (4:00)
7. Loner (4:31)
8. Second Wind (4:04)
9. A Thousand Miles Away (9:16)

A Loner sort le 11 février 2022 via Nuclear Blast Records.

Hangman's Chair A Loner

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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