Buckcherry de retour en 2013 avec un opus intitulé "Confessions", ça sent la crise de la quarantaine pour Josh Todd et son compère Keith Nelson ! Au-delà de la boutade un peu facile, j'avoue que l'arrivée de cet opus m'a fait grand plaisir car je fais partie de ceux que "All Night Long" a réjoui il y a trois ans déjà.
Alors oui, le Buckcherry de 1999 qui chantait "I love the cocaïne…" est mort et bien mort. Exit le groupe délicieusement malsain, transpirant la dope et l'alcool par tous les pores, qui jouait avec ses excès pour produire son propre carburant et balançait un hard teigneux, âcre, quasiment dérangeant. Leur passage en première partie de Kiss sur le "Psycho Circus Tour" avait laissé plus d'un spectateur sur le carreau, tant le groupe donnait la sensation de s'auto consumer en public.
Aujourd'hui, le combo s'est beaucoup calmé, et s'il garde une empreinte musicale aisément identifiable, il officie davantage dans un big rock bien plus mainstream ! Dommage diront certains. Personnellement, je les préfère ainsi et vivants que partis trop tôt rejoindre les pseudo-martyrs d'une sacro-sainte trilogie "Sex, drugs and rock'n'roll" qui ne fait fantasmer que ceux qui n'ont jamais vraiment goûté les joies simples de l'existence !
Bref, si Buckcherry ne fait plus peur, il sait encore sacrément bien faire frissonner à coups de riffs hargneux, de mélodies bien trouvées et d'un chant qui se bonifie avec le temps. Ce que la formation a perdu en dangerosité, elle l'a gagné en profondeur et en savoir-faire.
Contrairement à ce qu'on a pu lire ici où là, "Confessions" n'est pas un concept album à proprement parler. Il aurait dû l'être, certes, puisqu'au départ, Josh Todd souhaitait faire un EP avec pour trame les sept péchés capitaux. Seulement au fil de l'écriture, le projet a débordé de ce strict cadre. On retrouve ainsi les péchés, mais d'autres tranches de vie, avec le regard un tantinet désabusé mais souvent très lucide sur ses propres errances que le chanteur exprime grandement depuis la reformation du combo en 2005. Il pousse simplement l'exercice encore plus loin que sur les galettes précédentes et nous livre du coup un opus violemment humain.
Si Buckcherry s'est relativement "assagi", le groupe n'en demeure pas moins capable de baffer sévère tout ce qui se présente. En atteste ainsi l'opener "Glutony", véritable profession de foi d'un amoureux de l'excès. A la gratte, Keith Nelson, au son si caractéristique s'y emploie à merveille dans un style ultra direct, tout comme sur "Wrath" qui déboule juste derrière. Un départ plein de fureur, qui expose la facette la plus méchante du groupe (faut dire que même avec un discours qui s'est calmé, rien que visuellement, chez Buckcherry, on ne donne pas dans le boys band glamour). Mais déjà (et c'est en cela que le groupe a beaucoup progressé tout au long de sa carrière) une terrible faculté à balancer des gros refrains très accrocheurs et à faire complètement basculer l'ambiance au sein d'un morceau en une fraction de seconde.
La variété de l'album, elle démarre vraiment à partir du troisième titre, "Nothing Left But Tears" dont l'intro n'a absolument rien à voir avec les riffs précédents. La ballade qui tue qu'est "The Truth" est un morceau assez classique, un genre de slow à la Aerosmith (des bons jours) mais qui aurait du fond, en plus de la forme !
La suite de l'album est constitué d'une magnifique collection de chansons alternant passages énergiques, moments assez crus où la voix de Josh fait tout le travail ("Dreamin Of You" un duo six-cordes acoustiques/voix accompagné de violons en arrière-plan, avec petit solo éthéré, Buckcherry capable d'une telle retenue pour un résultat aussi fin, voilà une bien belle surprise), arrangements limite pop par moment (au minimum très radio friendly, mais les radios US, par NRJ ou Skyrock hein ?! On est quand même en train de parler d'un gang dont l'amour pour la castagne, la bibine et les tatoos sont plus connus que la passion pour le crochet au point de croix !). Dans cette veine (sans aiguille s'il vous plait), on classera "Water", "Air", "Pride" (et son superbe texte à rallonge sur l'évolution d'un homme au fil de sa vie).
"Seven Ways To Die" est probablement le titre le plus typique du groupe avec son tambourin, son riff dégainé tel un colt vengeur et son refrain expédié droit devant, direct en pleine tête. "Lust" et son gros groove à faire fondre le bitume des highways, "Envy" et sa tension permanente sauront aussi vous faire chavirer les oreilles
Dans un groupe dont la paire Todd/Nelson éclipse un peu les autres membres, il faut bien sûr un moment où la complicité tutoie la magie. Le grand moment ici, c'est "Sloth" ! Un texte douloureux où Todd tord le cou à son passé en posant son cœur, ses tripes sur la table, un sentiment incroyable de voyeurisme qui vous saisit devant ce mec qui se dévoile ainsi ("How could you leave us behind ? I was only a boy. And you made mother cry, So I burry my grief far below, deep inside") sur fond de musique terriblement poignante (il y a du "November Rain" là-dedans).
Finalement, Buckcherry est allé bien plus loin dans ses confessions qu'avec un simple concept album. Ce disque prouve une fois de plus que le rock n'est jamais aussi prenant que lorsqu'il est fait sincèrement et qu'il véhicule de vraies tranches de vie (avec les blessures qui vont avec). Poignant sans être larmoyant, énergique sans être bordélique, maîtrisé sans être formaté, "Confessions" est le magnifique témoignage d'un groupe dans lequel l'humain prédomine encore sur le business, et rien que pour ça, on en redemande !