Mysterium : épique et épuré
Manilla Road, groupe de heavy metal mystérieux et hors du commun, a sorti son 16e album, Mysterium, après 35 ans de carrière. Toujours sur la même lancée, Mark Shelton et sa bande présentent une musique forte et guerrière avec un son brut et une production vierge de tout arrangement superflu. Rugueux et relativement difficile d’accès, ce disque peut séduire malgré ses imperfections.
Après 35 ans de lutte pour servir un metal épique et guerrier, le grisonnant commandant Mark Shelton est toujours debout, avec guitare rugueuse comme épée émoussée, mais toujours solide, et sa volonté de conter ses légendes passionnantes et mystérieuses. De cette lutte perpétuelle nait une nouvelle bataille, celle de Mysterium, sorti cette année. Il s’agit d’un album qui montre que l’escadron Manilla Road maintient sa direction, avec le même état d’esprit old-school.
Ainsi, les compositions sont simplifiées au possible, pour mettre en valeur à chaque fois le saint riff. Peu de fantaisies d’introduction, de narration et d’ajouts d’éléments superflus ou de couches inutiles. Faisant cela, le groupe ne fait que mieux ressortir ses riffs épiques sur des mid-tempos ("The Grey God Passes", "Hallowed Be Thy Grave"), qui sont légion dans cet album. Malheureusement, ces compositions ne sont pas toujours heureuses, notamment la bien trop longue "Hermitage" et la pauvre "Do What Thou Will". Les solos appliqués de Mark Shelton sont aussi utilisés à bon escient pour mieux rendre l’aspect épique de l’ensemble.
Manilla Road se permet de varier les plaisirs, avec des accélérations de tempo salutaires sur "Stand Your Ground" et "Only The Brave", au riff qui rappelle "I Don’t Know" d’Ozzy Osbourne, ou encore des ambiances merveilleusement rendues, notamment grâce à des arpèges de toute beauté, sur l’évocateur "The Battle Of Broadchester Bridge" ou sur le morceau-fleuve "Mysterium". Toujours dans le but de proposer des choses différentes, le groupe réussit l’exercice de la ballade sur "The Fountain", morceau acoustique à jouer au coin du feu et s’autorise l’utilisation d’un clavier comme seul instrument sur le mystérieux interlude "The Calling".
Sur ces chansons se pose la voix reconnaissable de Bryan Patrick, qui conte toujours ses histoires de guerriers avec un chant qui ne fait pas l’unanimité. Si sa voix de conteur est convaincante sur les passages posés, ses lignes de chant auraient mérité d’être mieux travaillées sur les titres plus lourds. Ainsi, certains refrains, comme celui d’"Hermitage" ou de "The Grey God Passes" auraient gagné en relief et en intérêt.
Avec ces compos épurées et des lignes de chant simplistes, la production ne dépareille pas. Hormis les deux derniers titres, le groupe n’utilise aucun effet ni arrangement. Ainsi, les guitares apparaissent rugueuses, rendant le son unique mais peu sexy au regard des productions actuelles. Dans le cas d’un groupe comme Manilla Road, ce parti pris est cohérent avec les compositions et permet ainsi de mieux mettre en valeur les riffs. Ainsi, l’aspect épique en ressort d’autant plus. Dans sa vision old-school, Manilla Road a compris que les chansons définissaient ce paramètre, pas les arrangements qui alourdissent de nombreux albums qui sortent aujourd’hui.
Mystique et dépouillé, Mysterium n’a pas vocation à mettre tout le monde d’accord. Dans sa bataille, Mark Shelton ne cherche pas la gloire. Cela donne ainsi un album sincère et jusqu’au-boutiste dans sa démarche, mais qui demandera une attention particulière à l’auditeur non-initié à sa vision du metal. On regrettera tout de même certains écueils malvenus, qui abaissent le niveau de l’album sans l’enfoncer.