Les codes du chroniqueur voudraient que j’entame ce papier par une présentation stérile du groupe en question. Si cette démarche peut apparaitre comme superficielle, il faut admettre qu’elle s’avère nécessaire lorsque ledit groupe n’a pas encore eu accès au panthéon du metal et demeure donc dans un certain anonymat. Or c’est le cas de DGM, groupe de power prog italien qui roule sa bosse depuis une quinzaine d’année mais qui peine à atteindre la reconnaissance. Et si cette situation n’a a priori rien de scandaleux (combien de groupes sont dans le même cas ?), on ne peut que s’insurger face à ce dédain des foules pour les transalpins, tant la qualité des albums de DGM est certaine et constante. En effet, que ce soit à l’époque de ses fondateurs (qui ont donné leurs initiales au nom du groupe) avec l’onirique Dreamland ou dans des temps plus récents avec le délicieux Different Shapes, DGM s’est démarqué de la masse de clone de Symphony X en insufflant leur vision propre aux bases apportées par les américains. Pourtant malgré l’intérêt croissant de la presse pour ces italiens, Rock Hard et Metal Hammer congratulant allégrement Different Shapes, le groupe n’a su acquérir une popularité réelle. Momentum tracera peut être un horizon plus glorieux pour les italiens.
Depuis l’arrivée de Simone Mularoni à la six-cordes, la musique de DGM s’est de plus en plus éloignée de son power prog originel prenant autant à Symphony X qu’à Angra. Désormais, le groupe concise son propos en mettant de côté les longueurs du prog pour fournir une musique intense et foncièrement metal. Et le premier morceau nous confirme cette radicalisation. Pas d’intro de vingt-minutes, ça tabasse d’entrée de jeux et un gros riff vient déjà solliciter nos cervicales. "Reason" est le single parfait. Efficace à souhait, le morceau repose sur un duo entre Mark Basile et Russell Allen, voix de Symphony X. Si de tels duo ont trop souvent un but foncièrement marketing, on ne peut que saluer l’excellence des lignes vocales que ce soit dans l’entame impitoyable de Russell (No more tears, the raining is over !) ou dans ce pré refrain/refrain splendide. Et s’il est inutile de vanter les qualités de Russell, il faut souligner la force de la prestation de Mark, offrant une alternative plus mélodieuse mais tout aussi prenante à la puissance d’Allen. Duel clavier/guitare succulent (ce phrasé imparable à 3:42), rythmique habile sans être démonstrative, ce morceau annonce la qualité du disque.
Car le plus difficile après une telle entame, c’est d’enchainer derrière et de maintenir ce niveau d’excellence. Avouons par exemple que Misplaced, opus de 2004 des italiens, peinait par moment à tenir la cadence après une accroche aussi réussie que "Living On The Edge". Frame contenait lui aussi ses moments de faiblesses ("Not In Need", "Rest In Peace") mais brisons le suspense, Momentum n’en a pas. Que ce soit dans la rythmique pachydermique de « Numb », dans l’embardée power symphonique de « Universe » ou dans le clavier virtuose d’ « Overload », DGM fait mouche à tous les coups. On se doit d’ailleurs de relever la magnificence du refrain d’ « Overload » ou Mark nous offre une envolée des plus rafraichissantes que l’on ne tardera pas à reprendre en chœur. Même l’exercice, au combien casse gueule, de la ballade est soldé par un succès. En effet, « Repay », accalmie dans ce déluge de riff, offre une intensité ascendante touchante où Mark comme Simone laisse éclater leur sensibilité. On ne peut alors que succomber à cet élan d’optimisme (I believe in tomorow !) et si l’ombre du Dream Theater de Octavarium n’est pas loin, DGM réussit là où la bande à Petrucci s’est pathétiquement vautré sur A Dramatic Turn Of Events ("Far From Heaven", "Beneath The Surface"…).
Le travail sur les claviers et la guitare est impressionnant. Si la technicité d’Emanuele et Simone est évidente, c’est avant tout leur complicité qui les démarque des autres virtuoses du prog. Celle-ci est flagrante sur des morceaux comme « Pages » où nos deux comparses laissent jaillir leur sens de la mélodie(le jeu d’Emanuele rappelle celui de Rudess dans ses grandes heures) avant de se rejoindre pour aboutir sur un refrain impérial. A noter d’ailleurs la pertinence des chœurs vindicatifs sur les couplets. De même, comment ne pas évoquer le pont planant (l’adjectif « aérien »aurait pu porter à confusion) de « Void » où le piano d’Emanuele nous amadoue avant que Simone nous assène un ultime solo. Tant que l’on est sur la six-corde, autant parler du deuxième guest de Momentum. Viggo Lofstad de Pagan’s Mind a daigné mettre sa folie au service de DGM sur le morceau "Chaos". Le solo est merveilleux et il suffira aux fans de Pagan’s Mind d’aller directement à 3’50 pour reconnaitre le jeu atypique du norvégien. Les exploits des guitaristes et du claviériste ne doivent néanmoins pas masquer la performance de la rythmique, que ce soit dans la précision et la rudesse de Constantino ou le feeling d’Arcangeli conférant une tension certaine à la fin de "Remembrance".
Que dire de plus ? Deux morceaux ont particulièrement retenu mon attention et se posent comme les climax de ce Momentum. Le premier, "Trust", offre le refrain le plus beau de l’album et affirme définitivement Mark comme un des meilleurs vocalistes de la scène italienne…ce qui compte tenu du niveau de celle-ci fait de lui une des plus belles voix européenne. A côté de ça, le morceau est boosté par un solo une nouvelle fois de pure beauté. Le deuxième est la conclusion de l’album, "Blame". Jouant sur une rupture entre une ligne de clavier cristalline et un riff épique, le tout amené par des orchestrations tout en finesse, ce morceau s’impose comme un épilogue de grande qualité. Mark est une fois de plus au sommet et c’est le sourire aux lèvres que l’on termine ce voyage en compagnie des transalpins.
DGM offre un metal classieux, raffiné tout en étant percutant et Momentum s’impose comme le joyau de leur discographie. Si des défauts minimes demeurent avec des chœurs un peu niais sur "Blame"(remember what I say ) ou une ligne de clavier plastique et kitsch sur "Void", DGM continue de perfectionner son power prog, sans rien inventer en soi, mais en amenant le style à des sommets rarement atteints. Une comparaison entre l’artwork de ce Momentum et celui du Nine de Circus Maximus semble désormais plus que pertinente, les deux groupes s’imposant comme les dignes héritiers des Vanden Plas, Symphony X ou Dream Theater. Un groupe à ne pas louper si vous allez au PPM cette année !
Note: 8.5/10