Mastodon (+ Bokassa + Planet of Zeus) à la Salle Pleyel (Paris) – 07.06.22

Entre Mastodon et Paris, c’est une histoire qui dure : après le Zénith en 2014 (en ouverture de Slayer), l’Elysée Montmartre en 2017 et le Casino de Paris en 2019, les Américains ont donné rendez-vous à leurs fans français ce mardi 7 juin à la Salle Pleyel, l’occasion de voir un petit public d’avertis arpenter fièrement les beaux quartiers de la capitale et se presser dans l’ambiance luxueuse du grand hall de cette salle plutôt réputée pour les concerts de musique classique.

Certes, Mastodon n'est pas revenu en France depuis 2019, et pourtant l’entrée dans la salle confirme ce que l’on pouvait suspecter dès l’extérieur.  Peu de billets ont été vendus pour cette soirée à l’affiche pourtant prometteuse. Les balcons sont fermés, le public s’installe donc debout dans la partie avant de la fosse ou assis dans la partie arrière. S’agit-il d’une frilosité post covid, ou de la présence, le même soir, de KISS pour sa tournée d’adieu à l’autre bout de Paris ? Impossible de le savoir. Néanmoins la tête d’affiche de ce soir aurait mérité mieux, compte-tenu de son parcours impeccable, et de sa discographie incroyable parachevée il y a quelques mois par le sublime Hushed and Grim.

Bokassa

Le dynamique trio Bokassa n’est pas inconnu du public parisien, le combo ayant déjà assuré la première partie de Metallica au Stade de France en 2019. 19h30 précises, les trois musiciens entament leur set rapidement, alternant passages lourds, du stoner des familles et des accélérations punk efficaces. Des soli de guitare se fraient un chemin dans le groove ambiant, la basse étant bien mise en avant (prenant même le lead au début de certains titres) ainsi que les refrains accrocheurs.

Le guitariste et chanteur Jørn Kaarstad, très en forme, se distingue autant par sa présence dynamique pendant les titres que par son humour lors de ses échanges avec le public. Même si, à l’applaudimètre, il estime que seuls 12 % du public connaissent le nouvel album (Molotov Rocktail, sorti l’an dernier), et que 35 % des gens de la fosse – encore clairsemée – sont prêts à bouger, il semble satisfait et continue de plaisanter tout en sirotant du vin rouge entre les morceaux.

Les compositions de Bokassa sont rythmées, et le public parisien s’implique progressivement et applaudit la prestation, tout en semblant rester sur sa faim. Il faut dire que les chœurs / cris hardcore du bondissant bassiste Bård Linga et du batteur Olav Dowkes sont inaudibles, et que le set entier souffre d’un son assez brouillon, qui résonne plutôt bien à l’avant de la fosse mais qui aurait mérité d’être bien plus fort et mieux mixé (surtout pour la guitare) pour donner la pleine mesure de la puissance des sympathiques Norvégiens.

Setlist Bokassa :

- Freelude
- Last Night (Was a Real Massacre)
- Mouthbreakers Inc.
- Walker Texas Danger
- Burn It All (P.T.S.D.E.A.D.)
- Hereticules
- Molotov Rocktail
- Vultures
- Immortal Space Pirate
- Five Finger Fuckhead

Planet of Zeus

Les balances s’éternisent après le premier groupe, et les amplis crachotent. Sur scène, musiciens et techniciens semblent rencontrer quelques problèmes. Planet of Zeus va même entamer son premier morceau sans prévenir le public qui croit un instant qu’il s’agit d’un ultime réglage. La formation originaire d’Athènes engage une belle énergie pour proposer un stoner rock bien gras qui semble séduire le public de la Salle Pleyel, de plus en plus nombreux, et ce même si la rythmique des compositions est légèrement moins entraînante que celle de Bokassa.

Le groupe, rompu au live et extrêmement connu dans son pays d’origine, fait preuve de virtuosité en dépit des petits problèmes techniques qui perdurent tout au long du set, et d’un jeu de lumières chaotique. Ainsi, des espaces vides se retrouvent éclairés, mais la salle et les musiciens sont plongés régulièrement dans le noir quasi complet. Le guitariste et vocaliste Babis Papanikolaou passe du chant clair au cri inspiré et tient le devant de la scène avec charisme, détermination – et professionnalisme, maintenant le cap même sans retour lorsque des bourdonnements intempestifs s’invitent dans le set.

Le reste du quatuor ne ménage pas ses efforts, les soli de Stelios Provis et le timbre de basse superbement groovy de Giannis Vrazos mettant en avant les compositions entêtantes issues en majorité de deux albums, Faith in Physics (2019) et Macho Libre (2011). C’est finalement une belle prestation que signent les Grecs, dont le set aurait toutefois été mis en valeur par un son de meilleure qualité.

Setlist Planet of Zeus :

- Macho Libre
- Gasoline
- All These Happy People
- Your Song
- Leftovers
- A Girl Named Greed
- The Great Dandolo
- Loyal to the Pack
- Vanity Suit

Mastodon

La batterie surélevée est un élément de décoration en soi, Brann Dailor mettant un point d’honneur à personnaliser son drumkit à chaque tournée. La version Europe 2022 est donc pailletée de bleu, le clou du spectacle étant la tête de caniche sur la peau de grosse caisse, clin d’œil au film Le Silence des Agneaux.

La salle, en configuration limitée certes, est désormais bien pleine pour les têtes d’affiche de la soirée. L’excitation se fait ressentir dès les balances, et une clameur s’élève à l’arrivée des musiciens, qui d’ailleurs ne sont pas quatre mais cinq. Le membre supplémentaire est le claviériste João Nogueira, choix logique puisque ce dernier a participé à l’enregistrement du dernier album du groupe, Hushed and Grim, et que ce magnus opus est largement représenté ce soir avec huit morceaux sur les quinze interprétés par le groupe.

Ces nouvelles compositions passent d’ailleurs extrêmement bien, et leur force mêlée d’émotions électrisent la salle. On retiendra l’efficacité de "Pain With an Anchor" et "The Crux", le solo de basse rugueux sur "Teardrinker" et les moments de grâce des superbes "More Than I Could Chew" et "Gigantium". Les trois vocalistes désormais chevronnés signent une performance impeccable ce soir.

Pour compléter sa setlist Mastodon s’est servi dans plusieurs albums emblématiques de sa carrière, de Remission sorti il y a deux décennies (pour la brutalité sans équivoque de "Mother Puncher") à The Hunter (avec l’excellent "Black Tongue", tout en prog). La structure se fait aussi alambiquée dans "The Czar", issu de Crack the Skye, joué dans sa version longue. Enfin, la lumière est mise sur les excellents Blood Mountain (2006) et Leviathan (2004), avec deux titres chacun. "Crystal Skull" et "Bladecatcher" marquent la salle de leur emprise tribale et guerrière, et "Blood & Thunder" et "Megalodon" lancent des attaques thrashy par une rythmique monstrueuse.

Une folie collective s'empare de la fosse désormais pleine. Les pogos se lancent, et les nombreux slammers défilent sur les passages les plus lourds ou les plus rapides de la setlist ("Pushing the Tides", "Mother Puncher", "Bladecatcher", sans oublier l’impitoyable apogée "Blood and Thunder").

L'illustration du backdrop est superbe et les jeux de lumières travaillés : la qualité visuelle est là. En revanche, au niveau du son, c’est une autre histoire. À l’avant de la fosse, la proximité avec la scène et les enceintes plonge les côtés dans un brouhaha dominé par la batterie et la guitare rythmique, occultant complètement le chant de Brann et Brent et les soli de guitare de celui-ci. Il faut s’éloigner pour que le mix s’équilibre un peu plus, mais même plus loin dans la section assise, basse et claviers restent peu audibles. La solidité et la force des riffs signés Bill Kelliher et la puissance de frappe du batteur, cependant, s’imposent avec fracas pour mettre cette soirée sous le signe de la puissance.

Mobiles et énergiques, interagissant sans cesse avec le public, Troy Sanders et Bill Kelliher semblent infatigables. Brent Hinds, plus statique et concentré, ne lâche pas le côté gauche de la scène, tandis que Brann Dailor se démène avec une agilité déconcertante en assurant de très nombreuses parties vocales tout en déployant une surpuissance hallucinante derrière les fûts. Il rejoint l’avant de la scène à la fin du show remercier chaleureusement le public et distribuer quelques baguettes, ce qui relancera quelques affrontements bon enfant dans la fosse.

Quel plaisir d'avoir pu profiter d'un concert de qualité offert par Mastodon dans une configuration plutôt intimiste, une dizaine de jour avant leur show prévu sur la main stage du Hellfest ! Cette halte parisienne a prouvé une nouvelle fois la générosité et la force tranquille des Américains, désormais incontournables, que l'on espère retrouver bien vite sur une nouvelle tournée française, pourquoi pas en régions cette fois-ci ...

Setlist Mastodon :

- Pain With an Anchor
- Crystal Skull
- Megalodon
- The Crux
- Teardrinker
- Bladecatcher
- Black Tongue
- Skeleton of Splendor
- The Czar
- Pushing the Tides
- More Than I Could Chew
- Mother Puncher
- Gobblers of Dregs
- Gigantium
- Blood & Thunder

Crédits photos : David Poulain. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 



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