Deftones au Hellfest 2022 : un concert onirique mais un groupe en retrait

Deftones - Week-end 1 - Main Stage 1 - Vendredi 17 juin - 23h35

En 25 ans de carrière, les Californiens ont su imposer leur style à part, souvent assimilé par raccourci au neo-metal. Si Deftones jouit d’un public fidèle et conséquent, ce n'est pas non plus un groupe absolument incontournable pour la majorité des gens. Pour beaucoup, le mettre en tête d'affiche était donc un vrai pari. La bande à Chino Moreno l'a-t-elle réussi ?

Il y a en tous cas foule pour le quintette de Sacramento, et alors que Five Fingers Death Punch est encore en train de de jouer sur la Main Stage 2, le public devant la Main Stage 1 est déjà plus nombreux. "Quand il y a plus de monde pour Deftones que pour toi plusieurs minutes avant la fin de ton concert, tu as des questions à te poser", ironise d'ailleurs un des festivaliers à l’attention du groupe du Nevada.

L'attente est donc réelle pour Deftones, même si l'affluence ne sera pas la plus importante du week-end. A l'heure prévue, le groupe débarque sur scène et chacun s'installe à son poste pour lancer "Genesis", issu de l'excellent dernier album Ohms. Le morceau, entre accès d'agressivité et passages éthérés, fonctionne très bien en live. Le vocaliste Chino Moreno semble en forme, il bondit sur les praticables, et pousse des cris suraigus absents de la version studio assez saisissants, même si la toute fin du titre est un peu plus compliquée.

Les musiciens de Deftones sur la scène du Hellfest 2022
Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Deftones n’est pas forcément à la base un groupe avec une scénographie très sophistiquée, et savoir si le groupe allait être capable d’assurer le spectacle était l’un des enjeux de cette tête d’affiche. Clairement, le groupe reste dans quelque chose de sobre – tenter de faire du grand spectacle à la Ghost ne fonctionnerait de toute façon pas – mais il a haussé son niveau de jeu visuellement : les installations lumineuses tout en triangles sont du plus bel effet, rehaussées par un jeu de lumière travaillé, qui participent tous deux de l’ambiance onirique du set, conférée par les chansons du combo.

Chino Moreno et Deftones au Hellfest 2022
Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Au niveau de la setlist, le groupe fait l’effort d’équilibrer les différentes époques : si seuls deux morceaux sont tirés du dernier album, les années 2010 et 2020 représentent la moitié du set (seul Gore est complètement oublié, mais qui s’en plaindra ?), et sur les deux décennies précédentes, tous les albums sont représentés à part Saturday Night Wrist, avec le deuxième album Around The Fur qui se taille la part du lion.

Un pari relativement osé (mais auquel le groupe est habitué), tant la musique du groupe a varié au fil des albums, du neo-metal des débuts à un metal plus expérimental et atmosphérique au fur et à mesure des années. Mais la musique du groupe garde un son reconnaissable et une cohérence, de par l’alternance entre des passages très brutaux, dans le chant crié comme dans les guitares distordues, et des plages très planantes et contemplatives.

Chino Moreno de Deftones au Hellfest 2022
Chino Moreno, chanteur de Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Cette cohérence et cette diversité s’équilibrent bien dans le concert de ce soir, qui alterne les morceaux à dominante agressive (notamment « My Own Summer (Shove it) », délicieusement brutal, ou encore « Around the Fur », joué pour la première fois sur cette tournée et depuis plusieurs années) et d’autres beaucoup plus atmosphériques, avec notamment un très bel enchainement « Tempest » - « Swerve City » - « Digital Bath », suivi de près par le triplé « Sextape » - « Diamond Eyes » - « Rosemary » .

Si l’on se laisse facilement transporter par l’ambiance si particulière des chansons de Deftones, le show souffre de certaines imperfections. Le quintette n’affiche pas sa forme optimale, car le guitariste Stephen Carpenter a préféré ne pas participer à la tournée pour différentes raisons, notamment familiales et sanitaires, et le bassiste depuis 2009, Sergio Vega, a été remercié abruptement il y a quelques mois. Les deux remplaçants font de leur mieux et ne commettent pas d’impair majeur, mais cela manque encore un peu de fluidité. La formation est tout de même globalement au point et sa musique reste puissante, avec une lourdeur intensifiée par le mix.

Abe Cunningham et Chino Moreno de Deftones sur la Main Stage du Hellfest 2022
Abe Cunningham et Chino Moreno Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Par ailleurs, la notion de groupe semble quelque peu absente sur scène. Il y a très peu d’interactions entre les musiciens, contrairement à des performances précédentes du combo, chacun reste dans sa partie, et les instrumentistes sont très en retrait, à se demander si les récents événements n’ont pas joué sur l’entente du groupe. Le vocaliste Chino Moreno semble porter l’ensemble du concert et occupe l’espace sans difficulté, se perchant régulièrement sur les praticables et arpentant la scène.

Mais vocalement, c’est là aussi inégal : il est toujours capable de pousser des cris surhumains, et s’essaye d’ailleurs plusieurs fois avec succès à des cris suraigus sidérants qui ne figuraient pas sur les versions studio. Les changements de registre soudains qui sont une de ses marques de fabrique sont aussi très présents, et s’il est capable d’impressionner, à d’autres moments, il peine à se faire entendre (parfois tout simplement parce qu’il chante beaucoup trop loin du micro, ce qui semble particulièrement stupide pour un chanteur de son niveau, mais ce n’est pas la seule raison) et manque un peu de souffle sur certains passages. Ce n’est clairement pas le souvenir qu’avait laissé la prestation de 2018 sur cette même scène, et il est dommage que sur une tête d’affiche, de tels manquements viennent un peu diminuer notre plaisir.

Chino Moreno de Deftones au Hellfest 2022
Chino Moreno de Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Cela n’empêche pas le vocaliste, qui prend la guitare sur plusieurs morceaux, d’interagir de temps en temps avec le public – plus qu’avec ses camarades de jeu en tous cas – de remercier chaudement la foule et de la complimenter. « Merde ! Quel public magnifique », s’exclame-t-il ainsi quand il demande à l’ingénieur lumière d’illuminer l’auditoire, avant de poursuivre « Merci infiniment de chiller avec nous, cela signifie beaucoup pour nous ».

Deftones au Hellfest 2022
Deftones au Hellfest 2022. Photo : Florentine Pautet

Alors que la fin du concert approche, le groupe sort « Ohms », tiré du nouvel album éponyme, tout aussi prenant et émouvant en live que sur disque, porté par un texte nostalgique sans être sentimentaliste, avant d’enchaîner les anciens « Head up » (pour la première fois de la tournée), « Lotion » puis « Seven Words », issu du premier album Adrenaline. A la fin du concert, le chanteur semble réellement sonné, touché par le concert et l’accueil du public.

C’est un set légèrement en demi-teinte qu’a offert Deftones ce soir, probablement moins prenant que sa dernière prestation ici en 2018, malgré un temps de jeu plus long ayant permis de mieux déployer son univers et une scénographie plus aboutie. Néanmoins, la prestation reste globalement convaincante, toujours portée par une atmosphère particulière, et voir enfin le groupe en tête d’affiche à Clisson laisse espérer un renouvellement nécessaire dans les headlines du festival.

Setlist

Genesis
Rocket Skates
Be Quiet and Drive (Far Away)
My Own Summer (Shove It)
Tempest
Swerve City
Digital Bath
Around the Fur
Sextape
Diamond Eyes
Rosemary
Bloody Cape
Change (In the House of Flies)
Ohms
Headup
Lotion
7 Words

Photo : Florentine Pautet. Reproduction interdite sans autorisation de la photographe



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