A l'occasion du Hellfest 2022, La Grosse Radio a pu s'entretenir avec Point Mort samedi 18 juin. Tout le groupe était présent, ravi après la prestation unanimement saluée du matin. Cette interview est l'occasion de parler du festival, de l'album Pointless... et des concerts à venir.
Bonjour Point Mort, et bravo pour le set matinal devant la Valley bien remplie. Alors, comment vous sentez-vous ? C’est un peu la consécration, non ?
(rires)
Sam : Je ne sais pas, consécration n'est peut-être pas le mot, c'est trop fort.
Olivier : Je dirais une très belle surprise. On ne s'y attendait pas du tout. Même devant 100 ou 200 personnes on était prêts à jouer et on aurait fait le même concert de toute façon. On était hyper surpris que dès le début il y ait eu autant de monde à adhérer à notre petite histoire. On a passé un très bon moment et j'ai l'impression que les gens aussi. C'était un beau moment de partage, ça fait cucul dit comme ça mais...
Finalement, 10h30 c'est tôt, mais vu les conditions caniculaires vous avez pratiquement eu le meilleur horaire de la journée !
Olivier : Carrément ! On avait des ventilateurs sur scène, c'était magnifique !
Sam : Ça, c'est une consécration ! (rires)
Damien : J'avoue, c'est-à-dire que pour une fois ce n'était pas nous qui les avions emmenés !
Olivier : Non mais on n'en emporte pas parce qu'avec les cheveux longs ça fait tout de suite Steve Veil (rires)
Simon : Heureusement qu’il est là !
Olivier : Voilà : un mot, une blague !
Sam : Je pense que c'était vraiment une chance de jouer si tôt, parce qu'au départ c'est normal quand tu ouvres la journée, tu te dis que ça va être compliqué. Mais là au final avec la chaleur, même pour nous, au niveau de ce qu'on a pu donner c'était le mieux. Je pense que je ne pourrais pas jouer là en ce moment. Enfin, si, mais je tombe.
Simon : Jouer sous 30 degrés c'était cool, parce que là.... (l'interview avait lieu en plein après-midi, le mercure montait beaucoup plus haut que pour le set, ndlr)
Votre set m’a surpris ! C’était super intéressant d'ouvrir sur "Olympe", alors qu’on s’attend souvent à du lourd dès le départ, genre une attaque sur “In Cold Blood”. Vous auriez ajouté quoi comme morceaux si vous aviez plus de 30 minutes de set ?
Aurélien : Hmmmm, "Les Corps Flottants" je pense.
Olivier : On aurait peut-être gardé le set du Post In Paris.
Sam : Oui, parce qu'en fait c'était plus ou moins le même set, avec deux morceaux supplémentaires. On aurait probablement joué ce set là, peut-être pas dans le même ordre parce qu'on aurait voulu un truc spécial pour ici, mais on serait resté sur un set assez solide et stable. Parce que c'est pas le moment de faire des essais en fait !
Olivier : Même si "Olympe" c'est un peu un essai, puisque la première fois qu'on l'a jouée en public c'était au Post In Paris ! Et on s'en est... sortis (rires). Donc là c'était une deuxième, sur un morceau qu'on a n’a pas encore pu user dans nos caves favorites. Mais ça s’est bien passé.
Damien : Je suis d'accord avec mes collègues
Simon : Disons que c'est un set que les gens de la famille, ceux qui nous suivent et nos proches connaissent bien. Parce que ce sont des morceaux qu'on a déjà joués avant. Il fallait qu'on soit rassurés au moins par la musique qu'on jouait.
Olivier : À part “Olympe”, mais quand t'arrives sur "In Cold Blood” et “Précision Chaos”, je vais pas dire que c'est l'autoroute, mais on est très confiants !
Simon : Ces morceaux, on les a joués à tous les concerts qu'on a fait depuis un an, donc on les a déjà bien dans les pattes. On ne voulait pas faire autrement.
Aurélien : Et on a commencé comme on a terminé aussi. Calmement.
Le Post In Paris en début de mois et maintenant le Hellfest, vous êtes en tournée des festivals cet été pour défendre Pointless. Qu’y a-t-il d’autre de prévu pour Point Mort ?
Sam : On a le Macumba Open Air de prévu au mois d'août (c'était bien !), et après ce sera le petit break d’été avant de repartir en tournée en octobre. On fait notre release party au FGO Barbara le 22 octobre, et autour plusieurs dates en France. Lille, Marseille, Albi, Montpellier, Bordeaux... Nous allons vadrouiller un peu. On commence la tournée par Rennes, le 21 au Marquis de Sade.
Ça fait quoi d’imaginer que des gens sont venus attendre des heures sous le cagnard pour vous voir jouer ?
Sam : C'est fou ce que tu dis mais moi je n'y ai pas du tout pensé. Je me dis qu'ils viennent plutôt voir tout sauf nous. C'était clairement une surprise pour nous qu'il y ait autant de monde. Nous on était là, on n'est pas tout pequeño tu vois, mais on est humble et on ne s'attendait pas à ça. Je suis d'accord avec toi, ils ont fait la queue mais pour moi ils viennent voir... bon du coup pas Metallica vu que c'est le week-end prochain mais tous les autres d'abord. Et de voir qu'il y avait aussi des gens pour nous c'est top.
Aurélien : C'est un honneur !
Quels sont les groupes présents au Hellfest cette année que vous auriez voulu, voulez ou allez absolument voir ?
Tous ensemble : Suicidal !
Aurélien : Mais on ne pouvait pas, ils jouaient trop tard hier... Moi c'est un groupe de mon adolescence que je ne voulais pas rater.
Damien : En plus, il y a dans Suicidal une collusion d'univers communs entre pas mal de gens, parce qu'il y a le gars de Dillinger (Ben Weinman) qui joue dedans.
Aurélien : Et moi j'adore Dillinger aussi, les deux en fait.
Olivier : Mais on n'a pas pu y aller parce qu'on devait aller dormir vu qu'on avait un concert le lendemain !
Simon : Ceci dit, on est là pour tout le week-end, on a encore des groupes à voir, on n'a pas envie de s'enfermer en loge et d'attendre que le temps passe.
Après avoir bien parlé du festival, abordons maintenant votre premier album, Pointless... Plus encore que les anciens EP, c'est un album de nuance et de contraste, où la violence côtoie les émotions et les mélodies. Y a-t-il des différences dans le processus de composition par rapport à R(h)ope (le précédent EP du groupe, sorti en 2019) ?
Olivier : Quand on est sortis de R(h)ope, qui a été un enregistrement hyper compliqué et très difficile, j'avais personnellement besoin d'écrire. C'était très difficile émotionnellement et on était mal préparés, mais ça c'est de notre faute... en tout cas, je sais que j'avais besoin d'enclencher le processus de composition tout de suite derrière. On avait déjà des grosses trames qui étaient déjà bien écrites, avec "Olympe" et le dernier…
... "Ash To Ashes" ?
Sam : Il le connaît mieux que toi !
Olivier : Moi je connais juste les notes, c’est pas mal déjà... (rires). Je vais dire un mauvais mot, mais pour moi c'était presque un rejet de R(h)ope, dans une forme de frustration. Parallèlement à ça, on avait déjà un titre qu'on jouait en live, "Les Corps Flottants". On a eu pas mal de difficultés sur celui-ci en studio, pour trouver un équilibre, éviter le côté patchwork, que l'assemblage ne fasse pas trop décousu...
Simon : Le premier, il est toujours très difficile !
Olivier : On ne voulait pas perdre de vue l'essentiel, la narration de ton morceau : où tu vas et ce que tu as à dire ! C’est plus facile pour Sam de se poser dessus si musicalement il y a un fil conducteur, même si on rebondit beaucoup sur ce que fait Sam. D'ailleurs Sam est tout le temps là et elle écoute ce qu'on fait même quand elle ne fait pas de voix. C’est un travail d’équipe. Si à la base les idées de morceaux sont personnelles, elles ne sont validées que lorsqu'elles ont passé la répète tous ensemble, que chacun a trouvé sa place dans le morceau, qu'on l'a corrigé ou affiné. Par exemple quand j'arrive avec des parties de batterie complètement débiles, à chaque fois il (Simon) m'envoie chier et il a raison. On reparle batterie après avec Simon, des patterns qu'il va faire et ça peut ouvrir des directions pour le morceau, une idée d'Aurel, une petite mélodie, Sam qui commence à poser des contre-chants... Et à force de s’enregistrer et de se réécouter on avance dans l'arrangement, avec toujours ce fil conducteur bien précis. Pour moi, c'est presque un morceau de 54 minutes avec des parties qui s'articulent.. Au final, c'est beaucoup d'écoute et de dialogue, de prises de becs parfois aussi.
Sam : Je trouve que ce ne sont pas des prises de becs, plutôt des discussions qui sont légitimes parfois, par rapport aux appétences et aux envies de chacun. Mais je n'ai jamais l'impression que c'est conflictuel, c'est plus du débat en fait.
Olivier : Oui c'est vrai, mais tu connais mon vocabulaire limité, j'essaie de communiquer avec vous humains, comme je peux.
Damien : C'est le mot débat que tu cherches en fait ?
Olivier : Des bas, c'est ce qu'on met sous une robe non ? (rires)
Sam : Pour revenir sur ta question, je pense que ce qui a changé n'est pas tant la façon dont on compose que l'équipe surtout. Simon était déjà là, mais quand on a enregistré R(h)ope il venait d’arriver et n'était pas aussi impliqué dans la composition, et Aurel n'était pas là du tout. Déjà, tu ajoutes deux nouvelles personnes et deux nouvelles personnalités musicales, forcément ça change la direction prise.
Olivier : D'ailleurs, Simon a amené beaucoup d'agressivité et d'impact dans la batterie, et ça nous permet d'écrire des choses qu'on n'aurait peut-être pas pu faire avant. Pareil pour Aurel qui apporte plein de stabilité et des trucs très techniques avec tous ses triggers, lui qui vient beaucoup du djent. Heureusement qu'il tient la baraque pendant que je fais le con sur scène. Il y a des morceaux de cet album que l'on n'aurait pas fait s'ils n'étaient pas dans l'équipe.
Simon : Au delà de tout ça, je pense qu'il y a un truc qui a vraiment changé entre les albums d'avant et maintenant. Avant, on acceptait des concessions. On se disait "Ok, ce morceau est pas parfait mais on le prend quand-même, on n'a pas le temps. Go !" Pour celui-là, on a fait attention qu’aucun de nous ne se dise en rentrant en studio "oh non, on va passer une journée à enregistrer une daube". Cette fois, c'était important d’être tous convaincus que les titres qu'on allait enregistrer en valaient le coup, qu'ils allaient nous plaire à la sortie et qu'on allait avoir envie de les jouer en live, parce que c'est pour ça qu'on enregistre. Il n'y a plus de concessions, on est plus rigoureux.
Olivier : Je pense qu'un dernier point important, c'est qu'avant d'enregistrer l'album on a fait une pré-prod avec Amaury (Sauvé). On a enregistré une première fois l'album complètement à l'arrache, on pensait être prêts mais en fait on ne l'était pas. Cette vraie photographie de l'album nous a permis de nous mettre un coup de pied au cul parce que le véritable enregistrement c'était juste un mois et demi après ! On a pu se rendre compte de ce qui allait, et surtout de ce qui n'allait pas. Parce que quand tu as des micros qui fonctionnent bien, ce n'est pas la même chose que quand tu prends ton petit iPhone en répète ! Tu te dis "ah c'est mortel" et quand tu places des beaux micros devant ton ampli en fait c'est plus si mortel que ça.
Parlons du chant chez Point Mort maintenant. On trouve à la fois du français et de l'anglais dans l'album. Les choix de langue se font-ils en fonction du feeling et des émotions que vous voulez sortir sur chaque titre ? Et pour le choix voix claire ou saturée ?
Sam : Avant de poser des mots je compose les lignes, donc ça passe par la fameuse phase de yaourt. Et même avant que je commence à poser des lignes de chant, j'entends souvent des sonorités, c'est ça qui engage la langue que je vais utiliser. Parfois, j'entends même des langues qui ne sont pas les miennes, par exemple de l'espagnol. Mais comme je ne les maîtrise pas, je ne suis pas encore allée sur ce terrain-là. L'essentiel pour moi, c’est ce que j'entends dans la musique et ce qu’elle m'inspire : c'est la musique qui dicte la langue.
C'est souvent en anglais parce que la culture rock veut ça, mais chanter en français c’est important aussi, même si on n'a pas tous l'appétence pour ça, moi y compris. Le chant en français dans notre culture est très associé aux paroliers, aux chansonniers et à la musique populaire, et c'est plus difficile de le passer dans un univers rock ou metal.
C'est pareil pour le choix du type de voix. En plus, pour moi c'est important de ne pas tomber dans le cliché de "c'est bourrin donc il faut gueuler" ou "c'est calme donc il faut chanter". C'est intéressant aussi de faire le contrepied. C'est pour ça que sur certains passages assez bourrins les lignes de chant peuvent être soft, "Olympe" en est un bon exemple. Dans ces moments-là je me laisse porter et au bout d'un moment ça devient évident. Quand on a essayé un truc quelques fois et que naturellement je le refais sans me poser de questions, c'est que c'est le bon équilibre.
Comment se passe l’écriture des textes ?
Sam : C'est simple, le seul fil conducteur que je veux garder c'est de respecter la musique : comme on a une musique nuancée, j'aime bien nuancer le propos aussi. Voir et le positif et le négatif, le lumineux/le sombre... Il y a toujours une dualité qui est présente dans la musique donc elle existe dans mes textes, c'est le fil rouge. Chaque morceau a un thème différent, et en général je parle des choses qui me touchent donc c'est souvent très personnel.
Est-ce que tu as déjà eu l’impression d'écrire directement ce que tu ressentais, et de montrer ensuite un journal intime aux autres ?
Sam : Non. Enfin, peut-être d'un point de vue émotif, mais je reste un peu une tarée de l'écriture donc cette spontanéité émotionnelle disparaît par le texte. Je veux vraiment que ce soit bien écrit et je mets du temps à écrire, ce n'est pas facile pour moi. Donc le premier jet vocal est instinctif, et la ligne de chant aussi, mais ensuite pour le texte c'est pesé, soupesé, modifié... Le but c'est que ça sonne bien. Donc il faut trouver les bons mots, et ça peut vouloir dire sacrifier un peu le thème initial pour trouver le mot qui sonne bien. Et je demande aux gars derrière s'ils sont d'accord ou pas. Jusqu'ici ce n'est jamais arrivé qu'ils ne soient pas d'accord mais c'est important, c'est comme pour la musique.
Aurélien : Tu as carte blanche de toute façon. Nous on est un peu comme une pyramide inachevée, et Sam c'est le sommet, la pointe brillante de la pyramide. Et à chaque fois... elle transcende complètement et unifie la forme. Sans elle, on n'est rien.
Sam : Et moi sans eux je ne suis rien.
C'est beau ! Un petit mot de fin pour LGR ?
Sam : Merci ! On est ravis !
Olivier : C'était une super interview ! Certaines questions m'ont permis de raconter n'importe quoi. (rires)
Sam : Bon courage pour la retranscription. Je demande juste à Damien s'il valide l'interview ?
Damien : Je valide l'interview !
Le rendez-vous est pris pour la release party de Point Mort !
Crédits photo : Jessica Salitra
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