"Testament fait partie de la génération perdue du thrash"
Quelques heures avant le concert de Testament à La Machine du Moulin Rouge, le guitariste soliste Alex Skolnick a accordé quelques minutes à La Grosse Radio pour évoquer la tournée, le récent succès de l’album Dark Roots Of Earth et les 25 ans de carrière du groupe.
Bonjour Alex, Testament se prépare à donner le dernier concert sa la tournée européenne. Comment cela s’est passé ?
Ça s’est très bien passé, le public était excellent à chaque fois, toutes les salles étaient bien remplies, on a eu quelques concerts sold out, comme celui de ce soir. Nous sommes d’ailleurs très heureux et reconnaissants envers le public français pour ça ! C’est le genre de concerts qu’on a toujours voulu avoir.
Cela faisait longtemps que Testament n’avait pas joué en France. Que s’est-il passé ?
Je ne sais pas. Je suis revenu entretemps, avec Rodrigo y Gabriela notamment, au Zénith, mais j’ai du mal à comprendre pourquoi on ne revient pas plus souvent, ce sont des histoires de booking sur lesquelles nous n’agissons pas. J’aimerais bien revenir plus souvent, je suis un grand fan de la France, d’ailleurs je vais rester une semaine à Paris, pendant que les autres seront revenus aux Etats-Unis.
Avez-vous prévu de sortir un DVD de cette tournée ?
Nous avons filmé le concert à New York le 15 février et nous sommes en train de revoir tous ce qu’on a enregistré et de monter tout ça. Ce sera le premier DVD qu’on sortira depuis longtemps, le précédent, Live In London, date de 2005. Ce concert avait capturé la reformation du groupe, à l’époque nous ne savions pas si nous referions des albums… En cela, le Live In London est assez unique.
Qu’avez-vous pensé de la réaction des fans par rapport aux nouvelles chansons ?
C’était excellent ! Nous commençons le concert avec de nouvelles chansons et c’est comme si le public les connaissais depuis toujours. La première chanson qu’on joue est "Rise Up" et on en joue trois nouvelles d’affilée trois chansons plus tard. Le public n’a pas l’air de s’ennuyer et réagit aussi bien qu’avec les autres, comme cela devrait marcher à chaque fois !
Dark Roots Of Earth a remporté un franc succès l’année dernière, avec de bonnes places dans les classements. Qu’en penses-tu ?
C’est un honneur. En termes de succès, nous étions un peu des outsiders. Nous ne faisons pas partie des groupes du big four, qui étaient là avant nous, et nous ne faisions pas partie de la vague qui a suivi. En France, on parle de la "génération perdue" [Référence d’Ernest Emingway lorsqu’il était à Paris dans les années 20 et qu’il a écrit Paris est une fête]. Je pense qu’on fait partie de la génération perdue du thrash, dans un sens. Les groupes comme Exodus, Death Angel, Forbidden ou Overkill ont eu la chance d’être à la tête de cette génération perdue. Donc se retrouver maintenant bien placé dans les tops de vente et faire des concerts comme celui-ci, à La Machine du Moulin Rouge, est un honneur, même si ce n’est pas le Zénith non plus.
Le clip de "Native Blood" a reçu une récompense par le Native American Film Institute, ce qui est un fait rare pour un clip de metal. Qu’en penses-tu ?
Je trouve ça génial. C’est assez nouveau pour nous. Quand on a commencé, on était identifiés juste en tant que groupe de metal américain. Mais en vieillissant, chacun des membres a appris à mieux affirmer sa personnalité. Je peux faire un parallèle avec les Beatles : quand ils ont commencé, ils se ressemblaient tous et c’était dur de les différencier. En quelques années, ils ont développé de fortes personnalités : John Lennon a eu ce côté activiste, George Harrisson était le gars qui amenait le côté world music… De la même manière, Chuck [Billy, chanteur] a décidé d’affirmer ses racines amérindiennes, et la réponse générale fut très positive.
A propos de Gene Hoglan [batteur], qui est venu dans le groupe juste pour enregistrer les parties de batterie, est maintenant en place depuis un an environ. Peut-on le considérer comme un membre permanent ?
Je pense qu’on vit dans une époque où la notion de « membre permanent » n’est plus ce qu’elle était. Tu peux te considérer comme permanent, mais la suite des évènements ne l’est pas forcément. Regarde ce qu’il se passe avec Slayer et Anthrax ! Je ne pense pas que cette notion soit importante. En revanche, tout se passe bien avec Gene. Quand il a commencé avec nous, il était très occupé avec Fear Factory, mais maintenant qu’il n’est plus dans le groupe, le seul autre groupe avec lequel il peut y avoir des chevauchements de planning est Dethklok, donc il est bien plus disponible. Quand on a commencé avec Gene, on ne pensait pas qu’il ferait autant de concerts avec nous, et que chaque concert avec lui serait une occasion spéciale. Mais au final, l’exception était le fait qu’il ne joue pas avec nous, comme l’hiver dernier, lors de notre précédente tournée européenne, qui était assez réduite, où nous avions un autre batteur. Il est revenu depuis qu’on a recommencé à tourner en janvier et il sera avec nous pour tous les concerts prévus, ce qui en fait un paquet.
Testament ne fait pas beaucoup de ballades. On en trouve une dans Dark Roots of Earth, "Cold Embrace". Qu’est-ce qui vous a amené à l’intégrer ?
On travaillait déjà dessus dans les sessions de Formation Of Damnation (2008). A l’époque, on n’était pas très à l’aise avec le fait d’inclure une ballade. L’album précédent, The Gathering, était très heavy et était sorti neuf ans auparavant. Donc il y avait pas mal d’opinions sceptiques venant de l’extérieur, venant du fait qu’on n’avait pas sorti d’album depuis longtemps, que le line-up avait pas mal changé entretemps, et même si c’était quasiment le line-up classique qui était revenu, j’avais fait du jazz entretemps… Donc nous avions décidé que Formation Of Damnation serait direct et heavy. Cet album nous a ressuscités, nous a permis de remonter sur scène avec Slayer, Megadeth, Judas Priest... et de ramener les fans de thrash. Vu que nous avions fait nos preuves et que nous avions aussi des chansons très directes sur Dark Roots Of Earth, comme "True American Hate", ça ne nous a pas posé de problème de l’intégrer. Nous ne l’avons pas jouée sur scène, mais cela pourrait arriver, nous avons déjà inclus Dark Roots Of Earth dans la setlist, qui est assez lente aussi et ça marche plutôt bien, donc pourquoi pas ?
Qu’est-ce que cela fait d’être dans un groupe qui a maintenant plus de 25 ans de carrière derrière lui ?
Ca fait très bizarre, parce que je n’ai pas senti toutes ces années passer. Nous sommes toujours jeunes dans nos têtes, je pense que cela à un rapport avec les professions liées à la musique, dont les producteurs, les journalistes… Nous ne vieillissons pas de la même manière que les avocats ou les banquiers ! [rires] Donc je n’ai pas l’impression qu’il s’est passé autant de temps, certains de mes amis ont entre 18 et 20 ans, ils n’étaient pas nés quand on a commencé, ce qui est un peu surréaliste quand on y pense.
Puisque le thrash metal semble revenir en force depuis quelques années, quel conseil donnerais-tu aux groupes qui commencent ?
C’est un univers à double-tranchant. Tu te mets à la musique parce que tu veux en faire ta vie, et non prendre un travail qui ne te plait pas, mais sur certains aspects, c’est un vrai travail, sérieux, tu dois étudier d’autres groupes, d’autres musiciens. Quand tu vas à des concerts, tu ne peux pas te permettre de boire et d’aller dans les moshpits comme un fan. L’univers de la musique n’a plus autant de paillettes qu’avant. Nous n’avons pas vraiment atteint ce point non plus, à part à de très rares occasions. Mais voyager en jet privé ou aller dans des hôtels de luxe ne s’obtient plus en faisant de la musique. Pour toucher à cet univers, il vaut mieux faire de la finance ! [rires] Mais si tu aimes vraiment la musique, malgré les déconvenues, comme un concert annulé à cause d’un avion raté par exemple, accroche-toi !
Un dernier mot aux fans français ?
Merci beaucoup ! Nous sommes très reconnaissants, les français sont indépendants et ne suivent pas la mode, j’aimerais qu’on ait plus de fans comme ça aux Etats-Unis et j’espère continuer à vous voir dans les années à venir !
Un grand merci à Robin Lambert pour les photos.