Gorgasme sur un divan
Il est de notoriété publique que les Français sont considérés comme hautains et blasés par le reste du monde. Toute légende urbaine a sa part de vérité, et concernant la scène musicale française, il est forcé de constater que cette dernière pâtit régulièrement de notre légère tendance à la critique facile, et le métal est loin de faire exception sur ce point, bien au contraire.
C’est en cela que ce samedi 5 avril 2013 avait toute sa saveur et restera dans les mémoires, car il démontra de manière flagrante que la majorité de ces critiques ne sont pas fondées.
Oui, le métal français regorge d’excellents groupes, professionnels, inventifs, et ayant la rage de se faire entendre. Ainsi, Mass Hysteria foulait les planches de la légendaire Olympia pour y tourner un DVD fêtant ses 20 ans de carrière. Ce concert évènement était à marquer du sigle « Made in France », puisque les groupes de première partie n’étaient autre que The Arrs et Punish Yourself.
Ce même soir, le Divan du Monde abritait un concert tout autant remarquable, car le groupe culte de death metal Supuration y jouait, après avoir sorti Cu3e, masterisé par Dan Swanö (Opeth, Therion …), et troisième opus d’une trilogie d’albums concept commencée en 1993 avec The Cube, et étoffée en 2003 avec Incubation. De plus, le groupe n’était pas accompagné de menu-fretin, puisque la première partie était assurée par Gorod, probablement l’un des groupe de death metal les plus originaux de sa génération, et qui doit être le groupe de métal français à avoir le plus de notoriété internationale actuellement, après Gojira. Il est d’ailleurs amusant de rappeler que les deux groupes se connaissent très bien, et faisaient des tremplins musicaux ensemble alors que les 2 groupes s’appelaient encore respectivement Gorgasm et Godzilla.
Gorod
Lorsque la piste d’introduction du set de Gorod retentit dans les enceintes du Divan du monde, on peut affirmer que la majeure partie du public n’a aucune idée de ce qui va lui arriver… Gorod remet les pendules à l’heure dès la première chanson, « Birds of Sulphur », de l’excellent A Perfect Absolution, dernier album en date du groupe. Ce dernier va littéralement enflammer la salle avec un set de 45 minutes énergique et servi par des musiciens bourrés de talent. Ô joie, le son est excellent, et le public peut donc apprécier la richesse de la musique du groupe dans des conditions optimales.
L’intégralité du groupe a l’air très content d’être là, en particulier le bassiste Barbie Claus et le guitariste Mathieu Pascal, qui jouent tout sourire dehors !
La set est très intelligemment reparti sur les 3 derniers albums du groupe, nous faisant cadeau du meilleur du répertoire de Gorod, avec notamment « Chronicles from The Stone Age », avec son groove implacable, et « State of Secret » , avec son pont de guitares harmonisées absolument magnifique et si caractéristique de la musique du groupe.
Le groupe est mené avec brio par Julien « Nutz » Deyres , qui impressionne avec sa panoplie de growl et autres hurlements qui accompagnent parfaitement l’instrumental. Le public semble de plus en plus conquis par le combo de Toulouse et Bordeaux, et le fait savoir au groupe par des encouragements qui se font nettement plus bruyants au fur et à mesure du set.
Le seul réel défaut de ce concert est sa brièveté, ce que le public ne manque pas de manifester quand Julien annonce qu’il ne reste que 3 morceaux. Et Gorod ne va pas repartir sans panache, puisque sont enchaînés "Carved In The Wind" ainsi que le diptyque "Programmers of Decline"/"Disavow your God" , cette dernière étant le tube du groupe, avec ses riffs assassins et sa partie de tapping harmonisée de toute beauté. Ce soir, Gorod est venu, a vu et a vaincu.
Supuration
Après le set survolté des Gorod, on aurait pu penser que Supuration n'arriverait pas à faire aussi bien. Erreur, car le groupe a assuré un show sobre mais extrêmement efficace.
Conformément à l’obsession des frères Loez qui est de raconter des histoires tout en jouant de la musique, le concert commence sur des chansons d’Incubation, premier volume chronologique de la trilogie The Cube par rapport à son histoire.
Moins technique et véloce que celle de Gorod, la musique de Supuration n’en est pas moins impressionnante à écouter, et est exécutée avec maestria. Concentrés, les frères Loez ne feront que peu d’interaction avec le public, léger manque qui sera pleinement compensé par le bassiste Frédéric Fievez, qui headbangue comme un fou et incite plusieurs fois le public à battre l’air en rythme à grand coup de metalfingers ou simplement à taper des mains. Le batteur Thierry Berger délivre lui aussi une très bonne performance, particulièrement avec son jeu de grosse caisse dévastateur.
Le groupe jouera ensuite l’intégralité de son album The Cube, deuxième de la trilogie, qui a beaucoup contribué à apporter son statut culte à Supuration.
Passionné de cinéma de science fiction et d’horreur, le groupe reproduit cela sur scène avec 3 écrans projetant des images inquiétantes, un jeu de lumières épileptique mais efficace, et énormément de fumée, qui rappelle indirectement que les influences du groupe sont aussi dans le doom/goth.
La fosse est peu agitée, mais ne fait qu’écouter religieusement un excellent concert, servi par un son massif, précis et puissant, qui est à l’image de la musique de Supuration.
Fort logiquement, le concert se termine avec des chansons tirées du dernier album de la trilogie, Cu3e, et conclut magistralement cette magnifique soirée. Comme à son habitude, le groupe ne joue pas de rappel, et se retire sous les vivats. Chapeau bas, en espérant que le groupe se fera moins rare sur scène.
Photos : un grand merci à Marjorie Coulin / © 2013 Hard Force
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