Depuis quelques années, le groupe finlandais Amorphis excelle dans une sorte de dark metal mélodique épuré aux influences diverses depuis l'arrivée en tant que frontman de Tomi Joutsen. Comme il l'avait fait pour la sortie de The Beginning of Times il y a trois ans, le chanteur nordique s'est une nouvelle fois entretenu avec La Grosse Radio, expliquant ainsi ce nouveau départ que semble constituer le nouvel opus Circle à paraitre ce vendredi 19 avril chez Nuclear Blast.
Ju de Melon : Bonjour Tomi et merci de répondre à nos questions, c'est que nous avons pas mal de choses à nous dire...
Tomi Joutsen : Oh ! Je suis prêt.
Après 4 albums, il était donc temps pour Amorphis de refermer un cycle. Et vous voici avec le début d'une nouvelle ère pour le groupe et un album intitulé Circle... un clin d'oeil ironique au destin ?
Je pense surtout que c'est le titre parfait pour un tel album. C'est un mot à la fois simple, universel et percutant. En fait, cette idée vient des paroles et du concept de ce disque. Ici c'est plus le "cercle" en tant qu'intégrité, avec l'histoire d'un homme qui prend son passé comme point de départ afin de créer un nouveau départ, avec donc l'accomplissement d'un cercle complet.
C'est donc une autre histoire, un autre concept, pas du tout lié à celui des précédents albums...
Tout à fait, il a été créé par le même gars qui avait écrit nos précédentes paroles, à savoir Pekka Kainulainen. Mais nous voulions prendre nos distances avec le Kalevala et explorer d'autres horizons, bien qu'il se soit encore un peu inspiré de ce livre. Je pense que l'histoire est plus liée ici à sa propre vie, à ses expériences personnelles bien que quelque peu adaptées pour l'occasion. Il existe d'ailleurs un documentaire sous forme d'interview de l'intéressé qui présente un peu les détails du concept.
La première chose qui a surpris les fans a été la révélation de cette pochette très étrange en rupture par rapport aux précédentes. Qui a eu cette idée et que représente-t-elle ?
Surpris en effet, mais dans le bon sens ? (rires)
Oh je pense qu'on a eu un peu des deux, mais globalement les gens semblent l'apprécier au final...
Oui à mon avis ça a dû un peu diviser. En fait là aussi nous voulions partir sur quelque chose de différent. Franchement, Travis Smith avait fait du très bon travail visuel sur les précédents albums, mais nous voulions cette fois-ci quelque chose de plus organique se rapprochant plus d'un croquis ou de quelque chose qui aurait été dessiné à la main. Et le personnage rajouté sur cette pochette est assez intéressant, un peu mystique même, ça s'accorde parfaitement avec la musique de l'album selon moi.
Et comment ce nouvel artiste a-t-il été trouvé ou choisi ?
C'est Esa qui l'a contacté et lui a demandé de faire l'artwork de l'album. Il ne vient pas de la scène metal à proprement parler, même s'il a réalisé quelques pochettes d'albums de doom il me semble.
Nouvelle ère, nouveau producteur. Pour la première fois Amorphis a travaillé avec Peter Tägtgren (Hypocrisy, Pain). Qu'a-t-il apporté au groupe et en quoi cela a changé l'approche de certaines chansons?
Il nous a déjà énormément donné de conseils au niveau de la batterie, il a été très exigent sur ce point. Il a apporté quelques idées à ce niveau, en simplifiant un peu son utilisation. Ensuite, la première chose frappante en écoutant le CD, ce sont les guitares qui sont vraiment mixées en avant et mises en en valeur, et c'est grâce à Peter qui a voulu que l'album soit plus heavy. Niklas, notre bassiste, a aussi joué pour la première fois sur une 5-cordes sur les conseils de Peter, rendant certaines chansons plus lourdes. Au final, ça sonne un peu différemment qu'avant mais pas complètement non plus, il nous a juste aidé à exprimer différemment notre musique.
Etiez-vous plus ou moins familiers de ses projets tels que Pain ou Hypocrisy avant de le prendre comme producteur ?
Nous connaissions bien Hypocrisy, j'en écoute personnellement depuis plusieurs années, mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous l'avons choisi. En fait nous connaissions Peter depuis une tournée que nous avions faite avec Hypocrisy il y a quatre ou cinq ans, et nous l'avons revu il y a deux ans à Helsinki à la Finnish Metal Expo. C'est là que cette idée est née, il voulait travailler avec nous. Cependant, nous nous sommes avant tout tournés vers lui car nous avons un peu le même plan de carrière, nous avons chacun débuté au début des années 90 et il a bien perçu l'évolution de notre scène. Nous lui avons donc fait pleinement confiance et ce, je pense, à raison.
Musicalement, Amorphis va donc plus loin dans une approche progressive mais ne délaisse pas ce qui fait sa marque de fabrique, avec un son très personnel. Etait-ce important de garder tout de même une base, une ambiance qui a façonné Amorphis au fil de ces années ?
Oui, et ça s'est fait plutôt naturellement, comme à chaque fois. Nous avons la chance d'avoir plusieurs compositeurs dans le groupe et chacun sait ce qu'il a à faire pour que ça reste du Amorphis. Chacun apporte son ingrédient au cocktail final. Quelqu'un comme Esa (NDLR : Holopainen, l'un des guitaristes) sait par exemple composer des morceaux dans différents styles, il a toujours quelque chose en tête qui nous guide vers un résultat final plutôt varié et intéressant, entre folk, émotions, éléments progressifs et "gros metal".
Quand on parle de prog, on peut penser au côté plus rock de la scène, de Rush en passant par The Alan Parsons Project, ou alors sur un plan plus metal les incontournables Dream Theater. Est-ce que le groupe en général, ou certains de ses membres, se sentent plus proche d'une de ces formations en particulier ?
En ce qui me concerne ça ne m'intéresse pas trop, disons que pour moi le prog c'est un groupe comme Tool. Ca m'arrive d'écouter du Porcupine Tree mais je ne pense pas que ça m'inspire plus que ça. Esa et Tomi Koivusaari, nos guitaristes, ainsi que Santeri Kallio notre claviériste, sont beaucoup plus influencés et intéressés par cette scène. Ils sont très axés prog des années 70. Personnellement, j'aime la musique plus directe.
Parlons de quelques chansons de l'album. Par exemple "Enchanted by the Moon" apporte une obscurité quasi doom, voire même funeral doom sur son final, qui prouve la versatilité du groupe sur cet opus. Un peu antithétique lorsqu'on lit le titre, on s'attendrait presque à une ballade...
C'est un morceau assez lent et spécial il est vrai, il me rappelle pas mal certains groupes des années 90, comme Paradise Lost par exemple. Je suis très content que ce morceau figure sur l'opus, car au départ nous avions 14 chansons de prêtes et nous avons dû en choisir 9. Celle-ci était en balance mais il fallait la garder. Elle est différente mais garde ce côté émotionnel dans son refrain très typique du groupe, et ce dernier surprend beaucoup car on ne l'attend pas ainsi forcément lorsque le morceau se lance.
Sur "Narrowpath", un côté celtique resplendissant apparait, qui n'est pas sans rappeler Gary Moore. Un petit hommage caché ici à ce grand guitariste qui nous a quitté récemment ?
Franchement je ne sais pas, je pense qu'il a plus été influencé par un groupe comme Jethro Tull. C'est une chanson amusante qui peut prêter à rire quand tu l'écoutes, mais elle est au final très sentimentale. Je pense aussi qu'elle sera très appréciée en live, un véritable petit hymne en puissance.
Un mot sur le single "Hopeless Days" que les fans ont pu découvrir en avant-première ?
Oui, ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler un single typique, il a dû pas mal surprendre. Il est très heavy et ce n'est pas le type de hit qu'on peut entendre à la radio, c'est certain.
Et bien sûr comment ne pas s'arrêter sur ce côté black de "Nightbird's Song" qui va en surprendre plus d'un. Un morceau que n'aurait pas renié Dimmu Borgir sur ses couplets... et sur lequel tu sors une voix d'outre tombe ! Parle-nous en un peu.
Ca c'est une idée de Peter, il voulait que je fasse quelque chose de différent dans mon chant extrême. J'avais déjà un peu chanté ainsi mais plus en voix d'accompagnement, jamais en lead. On voulait voir ce que ça allait donner en "black metal", au départ je ne pensais pas en être capable et j'étais à deux doigts de demander à Peter de faire un guest (rires) ! Mais il m'a poussé à aller au bout et c'était vraiment fun à faire. Ce n'est pas facile à faire mais au final je suis content d'y être parvenu, ça m'ouvre plusieurs possibilités pour la suite et rajoute ainsi une corde à mon arc.
Vivement le live du coup ! (rires)
Oh oui, j'ai hâte de me casser la voix dès le premier show ! (rires)
En parlant de ton chant, outre ce morceau tu pousses également des growls bien marqués sur "Shades of Gray" ou "Enchanted by the Moon"...
Nous jouions déjà "Shades of Gray" dans quelques concerts avant l'enregistrement, elle n'avait qu'un titre de travail à l'époque. Sinon oui, de bons gros growls, là aussi Peter Tägtgren a été d'une aide précieuse, je voulais garder le côté "sombre" de ma voix sur l'album et donc le diversifier.
Tu n'as donc cette fois-ci point travaillé avec Marco Hietala (Nightwish, Tarot) pour préparer l'enregistrement en studio... ça a dû changer tes habitudes !
Marco était trop occupé avec Nightwish, donc il n'avait pas la possibilité de venir m'épauler. Au débaut j'étais sceptique car c'est véritablement un génie au niveau des arrangements vocaux, et c'est quelqu'un avec qui je m'entends super bien, mais au final cela nous a permis d'aborder les choses différemment ; et c'est ce que nous voulions sur ce disque. C'était un vrai défi pour moi mais au final on se rend compte que le résultat est très bon, même sans Marco, donc ça va ! (rires)
Pas trop de stress au moment d'aborder ce travail avec Peter ?
Un peu,. Disons que, Marco étant finlandais, nous parlions ensemble dans notre langue natale. Avec Peter, j'ai dû m'exprimer en anglais et ce n'était pas évident car je ne suis pas autant à l'aise dans cette langue. Pour Peter ce n'était pas évident non plus car au départ nos paroles étaient en finnois, et lorsque nous les avons traduites nous avons dû réarranger la musique ou les mélodies vocales en conséquence. Or il avait du mal forcément à saisir l'émotion de base de ces paroles, beaucoup de choses étant intraduisibles littéralement... Mais il s'est adapté, un peu comme moi. Nous avons d'ailleurs envie de poursuivre cette collaboration à l'avenir, car là c'était parfois un peu frustant de ne pas pouvoir aller aussi loin que nous aurions aimé à cause du manque d'habitude.
Au niveau des compositions, est-ce que comme d'habitude chaque membre a proposé son travail au groupe ou avez-vous écrit quelques morceaux ensemble ?
Ca n'a pas trop changé à ce niveau, globalement chaque chanson est l'oeuvre d'un seul compositeur même si bien sûr nous ne nous interdisons pas quelques propositions d'arrangements ici et là sur les choeurs, les refrains, ou autres.
As-tu cette fois-ci plus imposé certaines idées ou chansons écrites par tes soins ?
J'en ai composé une oui... mais elle n'est pas sur l'album, elle n'était pas assez bonne pour être honnête (rires) ! On a écrit en tout 20 chansons environ, enregistrées en mode démo, mais nous n'en avons retenu que 14 qui ont été refaites en studio.
Nous aurons donc quelques bonus tracks ?
Oui, il y aura quatre ou cinq bonus tracks !
Quelques précisions sur qui compose quoi sur l'album ?
Je ne me souviens plus trop des détails... Tomi, Esa et Santeri en ont écrit la plupart en tout cas. Notre bassiste Niklas en a écrit quatre mais elles ne sont pas sur l'album, comme la mienne... (rires)
Quid de la future tournée live ? Vous serez du Hellfest, ainsi qu'au Wacken pour un set acoustique... d'ailleurs celui-ci sera-t-il uniquement pour ce festival ou allez-vous l'étendre sur toute une tournée ?
En fait cette tournée acoustique a déjà été faite et donc achevée en Finlande, au Wacken ce sera un peu un bonus. La tournée devrait démarrer après cet été, le show au Wacken sera un peu unique, il y aura quelques guests pour l'occasion - j'espère que le soleil sera de la partie ! (rires)
Du coup le Hellfest sera presque le premier show où certaines nouvelles chansons seront jouées ?
Probablement oui, j'attends ce show avec impatience en tout cas car il y a beaucoup de bons groupes cette année à l'affiche. Il n'y a pas que du metal en plus, j'ai vu qu'il y avait du punk par exemple, j'espère que j'aurai le temps de voir d'autres shows sur place.
On en parlait à l'instant, avez-vous l'ambition de réaliser un album 100% acoustique un jour avec le groupe ?
Disons que ce n'est pas trop ma tasse de thé pour être honnête (rires), les autres membres aiment beaucoup mais bon... pour moi nous sommes un groupe de heavy metal avant tout !
Petit mot sur ta carrière personnelle, tu es le frontman du groupe depuis cinq albums maintenant mais as-tu d'autres projets en tête ? Genre si on te proposait de faire un guest dans un metal opera par exemple...
Je ne dirais peut-être pas non, ça dépend du temps et si j'aime les morceaux en question. J'ai déjà fait quelques chansons en guest avec Swallow the Sun et Waltari par exemple. J'ai aussi quelques projets moins sérieux avec des amis dans la ville où je vis. Sinon mon autre groupe Sinisthra est encore plus ou moins en activité, nous avons presque enregistré un album mais je ne sais pas quand nous aurons le temps de le finaliser et le sortir... nous sommes un peu paresseux ! (rires)
Pour conclure, peut-on dire que Circle est le début d'une nouvelle séquence et qu'une sorte de suite logique est à prévoir pour le groupe à l'avenir ?
Je l'espère ! Je pense que nous avons démarré quelque chose de nouveau pour Amorphis. Je n'ai aucune idée de comment sera le prochain album mais je sais que celui-ci sera déjà une bonne chose, j'ai hâte de le défendre sur scène.
Peut-être que le prochain album sera encore plus black metal au niveau de ton chant ! (rires)
Pourquoi pas... ou black metal acoustique ! (rires²)