Il aura fallu attendre trois ans pour assister à la dixième édition du Haunting the Chapel Festival. La précédente édition avait eu lieu en 2020, à quelques semaines du premier confinement. L’association Damage Done Prod a dû reprogrammer à deux reprises cette dixième édition en raison de la pandémie de Covid. Alors que la soirée de la veille a vu Benighted enflammer la chapelle des Trinitaires en conclusion du premier jour du festival, ce sont les Allemands de The Ocean accompagnés des fous-furieux de Psykup qui sont programmés pour ce second soir. Mais pour l’heure, place à deux formations locales puisque Damage Done n’oublie pas de soutenir l’underground.
Drogher
Tout droit venu du Luxembourg voisin, Drogher est un quatuor œuvrant dans un metal protéiforme, lorgnant tour à tour vers le post metal, le prog, ou encore le thrash avec un soupçon de deathcore dans la voix de Sacha Breuer. Difficile d’ailleurs de croire que le groupe n’a été fondé pas plus tard qu’en 2021 quand on voit la solide prestation qu’il nous propose ce soir.
Loin de proposer un set linéaire, les musiciens s’amusent à travers de belles cassures rythmiques, proposent des ambiances variées et donnent l’impression d’une très longue expérience des petites salles. Felix Faber (basse) groove tout du long et n’hésite pas à sauter dans tous les sens sur scène, donnant régulièrement des high kicks à un ennemi invisible.
Le public relativement nombreux en ce début de soirée n’hésite pas à applaudir chaleureusement Drogher et propose un bel accueil aux Luxembourgeois. Belle prestation qui donne réellement envie de se pencher plus en avant sur le combo, qui détient d’ores et déjà de beaux atouts à faire valoir sur scène.
A Very Sad Story
Changement de registre après une courte pause avec la montée sur scène de A Very Sad Story. Contrairement à ce que son patronyme laisse suggérer, le groupe de Bar-le-Duc (Grand Est) officie dans un style à l’énergie positive, entre sludge et stoner.
Le bassiste / chanteur, Ray, propose un timbre de voix rocailleux qui colle à merveille avec la musique du quatuor, évoquant parfois Down. Le groove inhérent à ce style musical est de mise, même si comparativement à Drogher, A Very Sad Story s’aventure moins vers des terrains techniques et privilégie l’efficacité avant tout. Les titres sont courts mais percutants et certains spectateurs se lancent même dans des mosh-pits bon enfant, sourire aux lèvres.
A Very Sad Story bénéficie d’une trentaine de minutes de temps de jeu. De quoi largement apprécier les riffs du quatuor et passer un très agréable moment en sa compagnie. Avec les deux premiers groupes de la soirée, Damage Done Prod a montré la qualité et la diversité de la scène locale du Grand Est. Une initiative que l’on ne peut que saluer !
Psykup
A en croire le nombre de t-shirts à l’effigie de Psykup, les fans du groupe sont présents en nombre ce soir. Et comme s’il y en avait besoin, rien de tel pour mettre l’ambiance et se trémousser que de diffuser en intro le classique du surf rock, « Surfin’ Bird », tandis que sur le backdrop, une tête d’autruche nous fixe droit dans les yeux. C’est « Family Burlesque » issu d’Hello Karma (2021) qui se charge d’ouvrir les hostilités et nous permet de découvrir le nouveau venu au micro, Matthieu Romarin. Le dernier opus du quintette sera d’ailleurs particulièrement mis à l’honneur ce soir, au côté de classiques tels que « Love is Dead » ou « Teacher ».
Psykup fait le show ce soir, avec son metal fusion protéiforme, rappelant aussi bien Mr Bungle que Frank Sinatra (le chant parfois jazzy de Julien Cassarino fait toujours son petit effet). Dorian Dutech, qui a récemment rejoint le groupe à la six-cordes, semble pleinement intégré et s’amuse régulièrement aux côtés d’un Julian Gretz (basse) qui fait groover les titres avec une approche funk à la Primus qui n’est pas pour nous déplaire.
« Vous aimez Satan ? » demande Julien avec malice avant de démarrer « Lucifer is Sleeping ». Avec six titres d’Hello Karma, Psykup montre qu’il est particulièrement fier de son dernier rejeton. Et dans le public, les compositions de cet album sont bien accueillies par de nombreux spectateurs qui pogottent et slamment joyeusement.
L’ambiance est clairement à la fête, si bien que l’on ne voit pas passer l’heure de jeu dévolue au combo. Au moment où Psykup annonce « Masturbation Failed » comme dernier titre de leur set, on sent qu’une frange non négligeable de l’audience en aurait bien repris encore. Quoi qu’il en soit, le quintette toulousain a marqué des points et montré une fois de plus qu’il fallait compter sur lui au sein de la scène hexagonale.
Setlist Psykup
Family Burlesque
Nothing to Sell
We Will Win this War
Teacher
Chaos why Not
Sun is the Limit
Love is Dead
Cooler than God
Happy Sad
Your Vision
Lucifer is Sleeping
Masturbation Failed
The Ocean
Place à la tête d’affiche de ce second soir du Haunting the Chapel Festival. Le collectif berlinois The Ocean vient poser ses valises à Metz, sur le retour de leur tournée en ouverture de Karnivool. La veille, les Allemands étaient encore à Londres et ne sont pas fâchés de rejoindre le continent comme le signale Loïc Rossetti (chant) qui évoque avec plaisir la possibilité d’avoir enfin accès à des douches chaudes et un bon repas.
Mais pour l’heure, place à la musique, et c’est avec l’excellent « Triassic » tiré de Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic (2020) que The Ocean démarre son set. Dès le début du concert, le groupe est survolté, à l’image du vocaliste qui n’attend pas longtemps avant de se positionner debout sur la crash barrière. Le son du groupe alterne entre puissance et subtilité, à l’image des parties de batterie de Paul Seidel, aussi propres que sur la version studio, qui se marient à merveille avec les vrombissements de la basse de Mattias Hagerstrand. De leurs côtés, Robin Staps et David Ramis Åhfeldt (guitare) sont juchés sur des flightcases et surplombent la foule. On se rend alors rapidement compte qu’en dépit des nombreux changements de line-up qui ont eu lieu au sein du collectif, la formation actuelle apparait particulièrement soudée et qu’une réelle alchimie se dégage au sein de The Ocean, chacun trouvant naturellement sa place pour sublimer l’ensemble.
Alors que la musique de The Ocean peut parfois paraître introspective en studio, les musiciens donnent énormément à leur public : Mattias et Robin tapent régulièrement dans les mains des spectateurs du premier rang tandis que Loïc, en tant que francophone, parle français entre les titres. Le vocaliste tend également son micro à plusieurs reprises aux fans présents à la barrière pour que ces derniers le relayent sur les parties de chant. Mais ce qui est le plus impressionnant, c’est de le voir régulièrement se jeter dans la foule, porté par celle-ci pour hurler dans son micro (ne faisant que peu de cas du câble qui peine parfois à le suivre).
Du côté de la setlist, c’est un beau best of de la seconde partie de carrière du groupe auquel nous avons droit. Phanerozoic II est pleinement représenté (avec six titres sur huit tout de même !), mais les Allemands n’oublient pas Pelagic à travers les deux premiers actes de « Batyalpelagic ». Le set est varié et entre les déferlements de violence post metal (« Pleistocene » sur lequel les stroboscopes sont de sortie), The Ocean nous offre de belles pauses salutaires avec les très ambiants « Oligocene » et « Holocene ». Sur ce titre, préfigurant le prochain album studio de la formation, c’est Paul Seidel qui se retrouve au chant, Peter Voigtmann (claviers) le remplaçant derrière les fûts, tandis que Loïc Rossetti s’offre une place aux claviers.
Mais le set ne saurait être complet sans « Jurassic | Cretaceous », que Robin Staps présente comme « la dernière chanson, même si elle en comporte plusieurs en une seule ». Ce titre constitue probablement l’une des compositions les plus abouties du groupe et représente lui seul l’esprit The Ocean. Sur les parties les plus énergiques, Loïc est une nouvelle fois déchaîné, se jetant dans la foule et passant le micro aux spectateurs, mais il parvient également à interpréter à merveille les passages les plus calmes initialement chantés par Jonas Renkse (Katatonia) sur la version studio. Auprès du public, ce « Jurassic | Cretaceous » fait largement mouche, si bien que lorsque le sextette s’éclipse, l’audience réclame vigoureusement un rappel.
Au moment de remonter sur scène, Loïc Rossetti nous propose d’interpréter en guise de rappel « un vieux titre…enfin tout est relatif », avant de jouer « Firmament » (tiré d’Heliocentric, album remontant à 2010). Une belle façon de conclure la soirée et de prouver qu’à leur actuelle, The Ocean est au sommet (au firmament ?) de son art. Cela se confirmera d’ailleurs un peu plus tard dans la soirée, puisqu’à l’issue du set, c’est une bonne partie du public qui fera la queue pour tenter d’accéder au stand de merchandising du combo d’outre-Rhin.
En dépit de trois ans d’attente en raison de la pandémie de Covid-19, Damage Done Prod a su nous régaler avec une très belle affiche, trouvant un bel équilibre entre scène locale et formations établies. On attend désormais avec impatience la onzième édition d’un festival qui a décidément compris comment régaler ses spectateurs.
Setlist The Ocean
Triassic
Silurian: Age of Sea Scorpions
Bathyalpelagic I: Impasses
Bathyalpelagic II: The Wish in Dreams
Miocene | Pliocene
Oligocene
Pleistocene
Holocene
Jurassic | Cretaceous
Encore :
Firmament
Photographies : Des Photos au Poil 2023
Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe
Merci à Damage Done Prod pour l’accréditation