L’affiche du soir peut sembler surprenante : trois groupes aux univers complètement différents font halte à La Machine, dans le cadre de leur tournée européenne. Éclectisme et variété, donc, mais aussi efficacité et belle maîtrise pour ce plateau international fort attendu.
En co-headline ce soir, les Suédois de Soilwork et la formation québécoise Kataklysm annoncent du très lourd. Les deux groupes emmènent avec eux Wilderun, groupe de prog originaire du Massachusetts.
Wilderun
En formation quatuor sur cette tournée, (sans son guitariste lead Joe Gettler), le combo américain investit la scène à 18h30 précises devant un parterre encore bien clairsemé. Même si les conditions ne sont pas optimales, le groupe inaugure la soirée avec son prog aux sonorités folk envoûtantes, et emporte l’adhésion du public présent par la qualité de son interprétation et sa bonne humeur. Visiblement heureux de se produire (enfin) en Europe et à Paris, le chanteur / guitariste Evan Anderson Berry échange quelques mots avec les spectateurs dans un français tout à fait acceptable pour présenter les titres du soir – qu’il appelle ‘créations’.
Seuls quatre morceaux figurent sur la setlist, pour 45 minutes de musique ; c’est que les compositions de Wilderun sont des voyages à travers des univers variés, entre moments éthérés, passages solennels orchestraux, et accélérations death redoutables. Le combo à la carrière déjà longue propose ce soir deux titres issus de Veil of Imagination (2019) en ouverture et en clôture, entre promenade progressive et groove entraînant, et en position centrale les pièces 'Identifier" et "Passenger", extraites de l'excellent dernier opus Epigone sorti l’an dernier. Le groupe mêle des accélérations puissantes, soli magistraux signés Wayne Ingram, et moments de déconstruction du plus bel effet. Le public de la Machine, encore peu nombreux, semble malgré tout séduit par le son du sympathique quatuor, puissant, immersif mais aussi accessible par ses refrains fédérateurs et son groove.
Setlist Wilderun
The Unimaginable Zero Summer
Identifier
Passenger
Far From Where Dreams Unfurl
Kataklysm
Les vétérans québécois, qui ont sorti en 2020 leur quatorzième album, Unconquered, n’y vont pas par quatre chemin pour leurs retrouvailles avec l’Hexagone. Le ton est donné dès l’entame avec trois titres explosifs, curieusement issus d’opus plus anciens comme Heaven’s Venom (2010) ou Meditations, sorti il y a 21 ans. Kataklysm va en effet balayer largement sa discographie depuis 2001 en ne jouant que deux extraits de son dernier effort – qui a d’ailleurs reçu un accueil mitigé. L’accent est mis sur l’efficacité et la puissance, et dans ces domaines le quatuor fait très bien le job.
Les gros riffs du guitariste Jean-Francois Dagenais font mouche, et le tempo redoutable imposé par Stephane Barbe à la basse et le nouveau venu derrière les fûts, James Payne emmènent la Machine dans un déferlement d’énergie, tandis que le vocaliste Maurizio Iacono, impeccable, domine l’ensemble par son chant guttural parfaitement maîtrisé. Ce dernier ne manque pas d’échanger régulièrement avec ses "cousins" du public, comme il aime à le rappeler, et la fosse est désormais plus que bien remplie.
Quelques interactions tournent à l’inévitable battle France / Québec sur des thèmes comme les expressions idiomatiques ou les spécialités culinaires. Mais la plupart du temps, pas d’humour potache au menu, le frontman intervient plutôt pour inciter le public à bouger avec le groupe, et la réponse ne se fait pas attendre. Les headbangs se multiplient sur scène et dans la fosse, des pogos se forment sur "Narcissist" puis l’énorme enchaînement "Where the Enemy Sleep" / "Manipulator of Souls", et ne faibliront jamais, surtout sur les classiques "Crippled & Broken" ou "As I Slither".
Même si certains passages se teintent de mélodies ("To Reign Again", ou sur le riff entêtant du morceau de clôture "Blood In Heaven"), il faut tout de même admettre que l’ensemble manque de nuance. Le death metal de Kataklysm est déroulé ce soir avec talent, virtuosité même, mais à la façon d'un best-of en mode rouleau compresseur. Avec une quinzaine de titres, le combo signe un set lourd et bien efficace qui remplit parfaitement sa mission de réchauffer sérieusement l’ambiance et de briser quelques nuques, sans non plus laisser un souvenir impérissable.
Setlist Kataklysm :
Push the Venom
Guillotine
Narcissist
Underneath the Scars
Where the Enemy Sleep
Manipulator of Souls
To Reign Again
The Killshot
Outsider
Crippled and Broken
At the Edge of the World
As I Slither
In Shadows and Dust
The Black Sheep
Blood in Heaven
Soilwork
C’est un rendez-vous que les fans parisiens n’auraient manqué pour rien au monde : le public de La Machine semble surexcité à l’approche du set des Suédois de Soilwork, qui font leur entrée sur le récent "Övergivenheten", qui déclenche instantanément des cris d’enthousiasme. Il faut dire que le combo a de l’allure, le charismatique frontman Björn Strid arborant une veste en cuir noir ourlée de franges et ornée de plumes noirs et rouges sur les épaules – plumes que l’on retrouve également sur la tenue du guitariste rythmique Simon Johansson.
Le mix de l’ensemble est très bon ce soir, mettant en avant la puissance des compositions de Soilwork, marquées par la profusion de refrains fédérateurs, repris automatiquement par le public, et d’attaques death imparables agrémentées du growl puissant de l’impressionnant vocaliste ("Arrival", "This Momentary Bliss"). Les musiciens affichent de larges sourires et la communion avec les spectateurs est parfaite sur des morceaux anciens (le concentré d’énergie rugueuse "Bastard Chain", deux décennies au compteur) et autres incontournables de la discographie du groupe, comme les excellents "The Living Infinite I" et "II".
La folie furieuse s’empare de la fosse sur le tubesque "Stabbing the Drama" joué en début de set, détrôné en hit de conclusion par le non moins entraînant "Stålfågel" (2019), conclusion irrésistible et accrocheuse.
Les musiciens, complices et très mobiles, délivrent une prestation inspirée et terriblement efficace, par les riffs impeccables des deux guitaristes en complémentarité avec la basse de Rasmus Ehrnborn. Le Frenchie Sylvain Coudret s’avance régulièrement pour se livrer à d’impressionants soli sous les applaudissements des fans, tandis que les mélodies sont appuyées par la contribution discrète du claviériste Sven Karlsson. Le moment d’émotion surgit avant "Nurturing Glance", quand Björn explique rendre hommage au regretté David Andersson, disparu en septembre dernier.
On s’en doutait en entendant l’album Övergivenheten, sorti il y a à peine quelques mois, et c’est confirmé ce soir : les morceaux de cet excellent opus sont vraiment taillés pour le live. C’est en tout cas le cas des cinq titres sur la setlist de Soilwork, parmi lesquels des morceaux redoutables d’efficacité comme le morceau-titre joué en ouverture ou l’excellent "Electric Again", sur lequel la double pédale de Bastian Thusgaard s’active, faisant encore plus monter la température.
C’est l’euphorie généralisée dans la fosse, et du côté de la scène on observe un plaisir non dissimulé. Il règne une grosse ambiance dans le pit, où les mouvements sont encouragés par les nombreuses incitations du frontman. Quelques slameurs atteignent même la scène et s’adonnent au stage diving (entreprise plutôt osée vu la hauteur de la scène de La Machine).
Après avoir quitté la scène à la fin de "Death Diviner", Soilwork revient sous de chaleureux applaudissements pour un rappel des plus efficaces composé de quatre titres parfaits pour parachever ce set généreux, imparable et solide. Rien d’étonnant, finalement, pour un groupe très apprécié du public français, qui ne déçoit jamais sur scène.
Cette soirée réjouissante s’achève, et on ne peut que remercier l’équipe de Garmonbozia qui a un talent sans pareil pour concocter de si belles dates !
Setlist Soilwork :
Övergivenheten
This Momentary Bliss
Stabbing the Drama
The Living Infinite
Is It In Your Darkness
Electric Again
The Living Infinite II
Bastard Chain
Valleys of Gloam
The Nurturing Glance
Harvest Spine
Death Diviner
The Ride Majestic
Arrival
Nerve
Stålfågel
Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.