A peine un an et demi après leur dernier effort, les Italiens foldingues de Nanowar Of Steel sont de retour avec un nouvel enchainement de parodies. Après le mondialement célèbre black metal reggaeton, le groupe renouvelle les alliances musicales les plus contre-nature. Et le plus souvent, ça marche.
Depuis ses débuts, Nanowar Of Steel est toujours resté fidèle au côté parodique du metal, brocardant gaiement les aspects les plus ridicules du genre et les puristes les plus extrémistes. Après plusieurs années de popularité confidentielle mais croissante, couronnée par le seul tube de l’été metal « Norweggian Reggaeton », le quintette a fini par signer chez une référence du genre Napalm Records. Moins de deux ans après un premier album presqu’intégralement en italien sur le label allemand (c’est beau l’Europe), les transalpins reviennent avec Dislike To False Metal.
Dès les premières écoutes, le combo nous emmène en terrain foutraquement familier. C’est toujours techniquement bien fait et alterne entre différents styles de metal. Leurs caractéristiques en sont tellement exacerbées que sans même écouter les paroles, l’ironie se fait déjà entendre.
Vocoder et metal épique
Deux invités sont d’ailleurs venus ancrer les morceaux dans un univers particulier. Madeleine Liljenstam d’Eleine chante sur « Winterstorm in the Night », et son sérieux contraste avec l’emphase exagérée du chant de Potowotominimak et Mr. Baffo et des chœurs symphoniques. Joakim Brodén de Sabaton vient narrer une grande saga historique comme il les aime sur « Pasadena 1994 », et c’est aussi épique qu’avec son groupe. Seul le dispensable single « Armpits of the Immortals » est absent du disque.
Certains titres sont plus faibles, justement parce qu’ils exacerbent les caractéristiques de genres déjà pas forcément passionnants, typiquement la ballade « Muscle Memories » ou l’affreusement pop chewing gum « Protocols (of the elders of Zion) of love », même si les références rendent ce dernier plus intéressant.
Comme par le passé, Nanowar Of Steel aime aussi mixer le metal avec d’autres styles. Le procédé qui marche très bien au premier degré – de nombreux sous-genres du metal en attestent – prend ici une dimension assez hilarante. Ainsi le single « Disco Metal » associe gros son saturé et disco / techno cliché au possible, pour un titre ultra dansant. Cela fait forcément penser à « Norweggian Reggaeton », et sans être tout à fait aussi percutant, le titre a un potentiel addictif assez marqué, pour peu que l’on supporte l’excès de vocoder.
« Dimmu Boogie » fait appel à des sonorités boogie rock, hélas sans black symphonique à la Dimmu Borgir pour justifier la première moitié du nom. Et ça et là, on retrouve des références à « My Heart Will Go on » de Céline Dion, « Eye of the Tiger », Queen, des morceaux de classique…
Contrairement au précédent opus Italian Folk Metal, la majeure partie des paroles sont en anglais, parfois en espagnol, avec tout de même un peu d’italien. Cela probablement pour permettre au plus grand nombre de se délecter des blagues des Romains. Les jeux de mots fusent, et s’il est impossible de tous les citer, des metalleux boomers qui comparent leurs vestes pleine de patchs à un correctif informatique (« We’ve got more patches than Windows 98 »), cela mérite qu’on le souligne.
Réseaux sociaux, complotisme et prophétie maya
Le groupe aborde parfois des sujets très triviaux (les pellicules sur « Winterstorm in the night » ou les problèmes intestinaux sur « The Power of Immodium »), et si les paroles peuvent laisser sceptiques, le décalage entre la musique épique et grandiloquente et la trivialité des paroles fait sourire. Surtout pour le second, qui convoque cavalcade de guitares acérées (Mohammed Abdul, avec GattoPanceri666 à la basse), blast beats (Uinona Raider), cuivres, claviers, chant presque saturé et chœurs grandiloquents.
Sur « Pasadena 1984 », la grande fresque historique n’est rien de moins que le match Italie – Brésil en Coupe du Monde de foot – et ce sport semble soudain plus spectaculaire. Le décalage est aussi particulièrement savoureux sur « Sober », morceau typiquement pirate metal avec chœurs virils et accordéon, que n’aurait pas renié Alestorm n’eut été les paroles, qui prêchent la sobriété et la consommation de jus détox.
Un thème dans l’air du temps, comme dans plusieurs morceaux qui évoquent en vrac l’obsession pour l’apparence physique, pour les réseaux sociaux, le covid, le complotisme, la transidentité. Sur certains sujets sensibles, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur un éventuel message pas forcément clair que le groupe pourrait vouloir faire passer (sur « Muscle Memories », par exemple), ce qui peut laisser perplexe. Mais au vu de l’accumulation de blagues en tous sens, tout cela ne semble plutôt être qu’une vaste boutade.
L’album est parfois un peu redondant avec ce qu’a pu faire Nanowar sur ses précédents opus, mais paradoxalement, il semble aussi un peu moins cohérent et homogène que son prédécesseur. Il révèle pourtant de belles surprises, dont le point d’orgue est probablement « Chupacabra Cadabra ». Un morceau ambitieux et épique de plus de neuf minutes, moins agressif mais qui laisse plus de place à la guitare pour s’exprimer, mené par des chœurs et un ensemble de cuivres qui sonnent indéniablement sud-américain, avec changement de rythmes et d’ambiances, jusqu’à parfois se croire dans un film de Sergio Leone.
Vient-on d’assister à la naissance du mariachi progressif ? Cette fois, les paroles s’alignent avec la musique, aussi délirantes, épiques et mélangeant parfaitement les thèmes incompatibles. Pas question de tout dévoiler, car il y a là une histoire à part entière. Sachez simplement qu’il est question d’une femme aussi belle qu’un orang-outang, d’un aventurier masqué, d’hydrochloroquine et de javel, d’une prophétie trouvée sur un PDF maya dans une conversation Telegram… C’est jubilatoire de bout en bout et incroyablement cinématographique – on imaginerait bien un déluré comme Edgar Wright se servir des paroles pour un scénario déjanté. Mais l’orang-outang peut aussi faire pencher pour une référence littéraire à Terry Pratchett, qui n’aurait pas non plus renié une telle folie sur le Disque-Monde.
Si ce n’est pas complètement le meilleur album de Nanowar, et que la formule commence ponctuellement un poil à se répéter, Dislike Of False Metal reste un disque très marquant de ce début d’année. Car les Italiens n’ont rien perdu de leur loufoquerie et sont encore capables de surprendre, sans jamais se prendre au sérieux. Ce qu’ils devraient de nouveau montrer lors de leurs quatre dates françaises en mai.
Dislike Of False Metal de Nanowar Of Steel, sorti le 10 mars 2023
Setlist:
01. Sober
02. Winterstorm in the Night (feat. Madeleine Liljestam, Eleine)
03. Disco Metal
04. Muscle Memories
05. Chupacabra Cadabra
06. Pasadena 1994 (feat. Joakim Brodén, Sabaton)
07. Metal Boomer Battalion
08. Dimmu Boogie
09. Protocol (of the Elders of Zion) of Love
10. The Power of Imodium
Photo : Valerio Fea