Nanowar et Tragedy sont sur un bateau… (Petit Bain – Paris – 05.05.2023)

En quelques années, les Romains se sont fait un nom (plagié sur d'autres formations, évidemment) dans le milieu du metal parodique. Du reggaeton metal aux chants de Noël judeo-viking, les alliances contre nature n'ont plus de secret pour eux. Venir chanter les aventures de pirates sobres sur un bateau, c’était donc presqu’une évidence pour eux.

Tragedy

Non, pour les natifs des années 90, Nanowar Of Steel n'a pas engagé un groupe de RnB français à la gloire éphémère. Le Tragedy dont il est question ici se donne pour noble mission de reprendre les tubes des Bee Gees et autres artistes à paillettes en version metal. On comprend aisément la sensibilité commune avec Nanowar, spécialistes en fusions (mais pas en acquisitions) de tous genres.

Un écran avec boule à facettes est allumé en fond de scène, boule à facettes qui se retrouve aussi, enflammée, sur la batterie. A côté de ça, deux mannequins, un homme avec bonnet de marin, une femme avec du ruban orange en guise de cheveux et de poils pubiens. On sent venir la finesse.

La salle est plutôt remplie quand les cinq musiciens arrivent. Sur leurs accoutrements assez hétéroclites, les paillettes dominent : maquillage (très réussi sur le guitariste Gibbon Ass Freehly), franges de vestes (le claviériste Disco Mountain Man), guirlande, micro-short (le guitariste Mo’Royce Peterson qui selon ses mouvements laisse échapper un peu trop de son anatomie), et même parodie de corpse paint (le bassiste Andy Gibbous Waning, et le batteur The Infernal Demigibb mais sans les paillettes).

Sur le premier titre, « Tragedy », des Bee Gees, les quatre musiciens sur le devant de la scène chantent à tour de rôle. C’est drôle, cela fonctionne bien, et la sauce prend rapidement auprès du public. En revanche, les performances vocales sont assez inégales durant le set. Certains sont très en place, montent dans les aigus avec facilité et ont une puissance indéniable, d’autres beaucoup moins ou de façon beaucoup plus aléatoire.

De plus, tout le budget est manifestement passé dans les paillettes et il n’en restait plus pour faire un soundcheck, car le son est absolument affreux. Cela s’améliorera au cours de la soirée, sans devenir formidable pour autant.

Néanmoins, le concept de disco metal, drôle en soi, est bien tenu. Les montées dans les aigus, quand elles sont bien exécutées, tranchent avec l’instrumentation lourde. Le titre « Summer Nights », tiré de Grease a même droit à une introduction à la basse sur le thème des Dents de la Mer – après tout, c’est la même décennie.  Basse d’ailleurs assez souvent mise en avant avec un son intéressant.

Plusieurs morceaux comme celui-ci alternent un couplet assez léger, dans une certaine proximité avec l’original, et un refrain agressif, toutes distorsions dehors, avec parfois un final lent et plein d’emphase surjouée par les quatre vocalistes. La mécanique est un poil répétitive mais fonctionne généralement bien. Et certains morceaux ont droit à des variations, comme « Gimme ! Gimme ! Gimme !  (a Man after Midnight) » d’Abba, très gras dès le début et particulièrement délectable, immédiatement suivi de « It’s Raining Men », de The Weather Girls, au début très lent, presque blues stoner, et dont le refrain garde le tempo de la version originelle, les basses fracassantes en plus.

Tragedy à Petit Bain le 2 mai 2023

A cela, le groupe ajoute souvent des chorégraphies approximatives mais exécutées avec entrain et une avalanche de blagues, souvent en-dessous de la ceinture mais pas méchantes. On voit aussi les guitaristes et le bassiste afficher des poses de guitar hero en solo, en duo ou en trio, avec des têtes d’illuminés, et faire l’amour avec leurs manches (de guitare).

Deux tubes intemporels concluent le set, « Stayin Alive » des Bee Gees et « YMCA » des Village People, avec en prime des spectatrices invitées à monter sur scène – sans que cela ne soit malaisant comme avec certaines panthères d’acier. Mais le show continue également après, puisque les musiciens continuent les blagues et les interactions avec le public même durant le démontage. Une parfaite transition avant la tête d’affiche Nanowar.

Setlist

Tragedy (reprise des Bee Gees)
I’m so Excited (reprise de The Pointed Sisters)
Summer Nights (reprise de Jim Jacobs et Warren Casey, interprété par Olivia Newton-John et John Travolta dans Grease)
Sweet Caroline (reprise de Neil Diamond)
Gimme ! Gimme ! Gimme ! (a Man after Midnight) (reprise d'Abba)
It’s Raining Men (reprise de The Weather Girls)
You’re the One that I Want (reprise de John Farrar, interprété par Olivia Newton-John et John Travolta dans Grease)
How Deep Is Your Love ? (reprise des Bee Gees)
Stayin Alive (reprise des Bee Gees)
YMCA (reprise des Village People)

Nanowar Of Steel

Pendant que les uns démontent, les autres s’installent, avec leurs magnifiques sweats à effigie de chouette et d’un des tubes de Nanowar. A l’écran défilent des images de Yoda avec le titre du dernier album en date, Dislike To False Metal, et une cartographie du « Nanowar Empire ». Lequel ressemble assez à l’Empire romain, un choix après tout logique pour un groupe originaire de la capitale transalpine.

Le quintette attaque avec « Sober », premier titre du disque. Même si c’est la setlist habituelle du combo, cela prend ici une saveur particulière : la salle de Petit Bain, comme son nom l’indique plus ou moins, est située dans la cale d’une péniche, et la chanson évoque des pirates qui se doivent de rester sobres et affutés physiquement pour mener à bien leurs méfaits.

La chanson lance très bien un set power metal taillé pour le live, avec une multitude de références dans la musique, les paroles et les innombrables blagues. En revanche, le son est affreux (l’Empire romain sur sa fin n’avait plus les fastes de son apogée), même s’il s’améliorera jusqu’à devenir décent au cours du concert.

Le spectacle est désormais bien rodé, et le show ressemble par certains aspects aux précédents concerts du groupe. Certaines blagues et présentations de chansons ont déjà été entendues, comme le « wall of love » sur une reprise de George Michael, mais c’est peut-être en train de devenir une marque de fabrique du groupe.

Mais ce n’est pas systématique et avec de nouvelles chansons, les Italiens ont de quoi se renouveler. Surtout, le groupe a l’air de s’amuser et d’être content d’être là (même s’il affirme le contraire). Il est très proche du public, au sens propre du terme : les deux chanteurs Potowotominimak et Mister Baffo passent énormément de temps juchés sur les praticables, tout comme, et dans une moindre mesure le guitariste Mohammed Badul et le bassiste Gatto Panceri 666  (Uinona Raider étant évidemment coincé derrière sa batterie).

Potowotominimak, lors de « Barbagianni , descend même traverser la fosse dans son déguisement de chouette. Il prendra même tous les risques sur « Call of Ctullhu », où il reçoit malencontreusement sur la tête l’énorme téléphone en plastique qu’il venait de lancer. On voit aussi les musiciens hilares quand il essaye de lécher l’oreille de Mister Baffo durant « And then I Noticed that She Was a Gargoyle », lequel, mort de rire, n’arrive plus à chanter.

Techniquement, c’est toujours bien exécuté. La musique, certes pas ultra technique, est intéressante, notamment de par l’apport d’éléments très diversifiés. Faire un ensemble cohérent de cet assemblage hétéroclite est d’ailleurs une qualité à relever.

Vocalement, c’est de bonne tenue également (comme les costumes ?), même si la puissance vocale est parfois fluctuante d’un morceau à l’autre, ce en quoi le son approximatif n’aide pas vraiment. Nanowar assure sur scène les nombreuses parties des invités studio. Il s'en sort bien mais ne tient pas tout à fait la comparaison avec certains, Joakim Brodén de Sabaton (« Pasadeña 1994 ») et Angus McFife, ex-Gloryhammer (« Valhallelujah ») en tête. Mais le fait d’avoir plusieurs vocalistes (deux chanteurs à temps plein – quand ils ne font pas l’animation, plus le guitariste et le bassiste) donne plus de consistance aux chansons et aux histoires à travers des différences de voix plus marquées qu’en studio, qui se répondent les unes aux autres.

Comme à chaque fois, le groupe parle en partie en français, par l’entremise du polyglotte bassiste – lequel en profite pour insulter dans la langue de Molière ses collègues lors des présentations, au motif qu’ils ne comprennent pas.

Certaines blagues probablement répétées dans tous les pays prennent une consonance particulière en France. Que ce soit pour se plaindre que les Italiens mangent mal en tournée (on les croit sans problème en Allemagne ou au Royaume-Uni, mais notre patriotisme culinaire est un peu chatouillé par cette phrase dans un pays concurrent de l’Italie en matière de bonne bouffe). Ou pour nous demander le chemin pour Carrefour (tout ça pour acheter de la sauce barbecue pour manger du canard, la vie de tournée n’est effectivement pas gage de qualité gustative…).

Mais Nanowar réserve une surprise de taille sur ses dates françaises, puisqu’il se lance dans une interprétation de « Belle », de la comédie musicale Notre-Dame de Paris. On peine à comprendre les paroles, manifestement remaniées pour l’occasion, mais on se doute qu’elles ne sont pas très catholiques.

Nanowar Of Steel est aussi là pour faire danser et pogoter - en même temps, de préférence, ce qu’il fait très bien avec ses nouveaux titres, dont « Disco Metal ». Qui a droit à une introduction haute en couleur, l’un des chanteurs expliquant que les cimetières sont un endroit idéal pour draguer, puisque de toute façon, « les morts ne peuvent pas dire non, que ce soit Whitney Houston ou Heath Ledger ». Ce à quoi Gatto Panceri tient tout de même à ajouter « On ne dit pas qu’il faut le faire, on dit que c’est physiquement possible. Si vous allez au Père Lachaise, Jim Morrison ne peut pas dire non. Mais on ne vous encourage pas à le faire ».

Le titre est dans le même esprit que « Norweggian Reggaeton », il n’est donc pas étonnant que les deux s’enchaînent. Avec cette fois des blagues à base de Varg Vikernes soudainement devenu réputé pour sa cuisine (le saumon cuit sur une pierre devant une église en flamme, cette dernière étant évidemment l’élément donnant son goût distinctif au plat).

Les quatre nouveaux morceaux s’intègrent très bien à la setlist, composée en grande partie de Stairway To Valhalla, l’antépénultième album, et d’inédits sortis ensuite. L’avant-dernier, le pourtant excellent Italian Folk Metal, n’a droit qu’à « La Polenta Taragnarok », réclamée à cors et à cris par une partie du public – tout comme l’ancien « Giorgio Mastrotta », autre rare titre en italien, mais on en restera à 2,2 titres dans la langue de Dante (avec « Barbagianni » et « Disco Metal » qui contient un extrait de la Divine Comédie du Dante en question).

Le concert s’achève sur « Valhallelujah », avec là encore un grandiose moment de performance, puisque, pour respecter le thème « gloire à Ikea » de la chanson, Potowotominimak entreprend de monter en direct une table Ikea pour l’envoyer dans le public. Une table qui fait du stage diving au fond de la cale d’une péniche, cette image résume peut-être à elle seule la grandeur et l’absurdité de Nanowar Of Steel.

Setlist

Sober
The Call of Cthulhu
Winterstorm in the Night
Il cacciatore della notte
Wall of Love (extrait de Careless Whisper de George Michael)
Odino and Valhalla
Belle (reprise issue de Notre-Dame de Paris)
...And Then I Noticed That She Was a Gargoyle
Disco Metal
Norwegian Reggaeton
Armpits of Immortals
Uranus
The Quest for Carrefour
Rappel :
Pasadena 1994
La Polenta Taragnarock
Valhalleluja
Protocols (of the Elders of Zion) of Love (sur bande)



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