Joe Satriani – Unstoppable Momentum

Tout comme avec Maître Vai, toute nouvelle sortie de Maître Satriani est anticipée avec impatience ! Figure fortement emblématique du monde de la guitare, l’américain que l’on n’a plus besoin de présenter sort ces jours-ci son quartorzième album solo, intitulé Unstoppable Momentum. Break agréable loin de Chickenfoot et du G3, cette nouvelle production solo est un retour au mode d’expression artistique qui a rendu Joe célèbre. Présents au rendez-vous, la crème de la crème des musiciens US : le batteur Vinnie Colaiuta (Frank Zappa, Sting, Jeff Beck, et de beaucoup d’artistes notables de jazz comme Herbie Hancock ou Quincy Jones par exemple), le bassiste Chris Chaney (Jane’s Addiction, Slash, Alanis Morissette, Methods Of Mayhem…), le claviériste Mike Keneally (Frank Zappa, Dweezil Zappa, Steve Vai, James LaBrie…), et le co-producteur et ingénieur du son Mike Fraser (AC/DC, Metallica, Aerosmith, Bryan Adams…).

Pas de chant ici, on a affaire à un album purement instrumental. Abandonné le trip futuriste, l’ambiant et le moody sont toujours un peu présents (par touches), mais c’est surtout la funk et les expérimentations qui sont à l’honneur aujourd’hui. Le titre d’ouverture, l’éponyme « Unstoppable Momentum » met en scène la whammy si caractéristique de Satriani, et dévoile une production de rêve (pour ne pas déroger à la règle) et une palette de couleurs plutôt vaste au niveau des morceaux qui composent l’album : bluesy, jazzy, groovy avec un titre comme « Can’t Turn Back » et sa mélodie à la wah-wah qui rappelle un classique comme « Cool #9 » (sur son album éponyme, 1995), mais aussi un peu l’atmosphère de l’album Time Machine (1993), et met en avant la capacité singulière qu’a le guitariste de créer des lignes de guitare qui évoquent bizarrement le phrasé de la voix humaine. C’est un peu comme si l'on avait un chanteur qui entonnait couplets et refrains dans ce titre, et c’est précisément de cette manière qu’il aurait été conçu, selon les aveux de Joe lui-même : « je voulais utiliser des guitares comme des choristes sur cette chanson. Il y a le ‘chant’ lead, puis toutes ces guitares derrières qui sont comme des réponses qui appuient et expliquent le propos du chant lead (…) Il y a un tas d’informations rythmiques charmantes à écouter. C’est une chanson qui pousse à la réflexion, dans la mesure où l’on se dit tous que l’on ne peut pas retourner en arrière (dans nos vies) mais que l’on ne peut s’empêcher de regarder en arrière. Nous affrontons le futur à la lumière du passé, mais en même temps nous entamons notre prochain pas en nous disant ‘nous devons aller de l’avant’ » (dans une interview donnée à www.musicradar.com).
 

Section nostalgie avec une ébauche d’hommage à la fois à Eric Johnson, et aux Beatles circa Sergeant Pepper avec le titre « Three Sheets To The Wind » avec orchestre, cors, guitare acoustique et piano Honky Tonk. Pressenti à la base pour Chickenfoot (mais pas retenu finalement), le titre « A Door Into Summer » tombe à point nommé dans l’hiver prolongé de notre fraîche contrée, et nous laisse espérer que dans un futur proche la science pourrait générer une porte qui mène instantanément vers l’été !

Même si l'abord de ce nouvel album est plus nature, plus dépouillé que les précédentes productions de Satriani, comptant moins sur les fioritures futuristes, et par conséquent plus sur l’effet « j’ai branché ma guitare dans un ampli », il faut tout de même un peu de temps pour entrer dans cet album et en saisir pleinement les dimensions, tant le tout est riche en tons et en progressions uniques. Il faut saluer l’excellent travail de Vinnie Colaiuta à la batterie, qui ajoute une touche plus progressive, plus complexe musicalement. On perd un peu au niveau du punch cependant (c’est aussi une volonté au niveau du mix certainement), et il faut s’attendre à une section rythmique moins « rentre-dedans », moins bourrine qu’avec Stu Hamm et Jeff Campitelli (basse & batterie, respectivement) par exemple. On n’entend cependant pas très bien la basse une fois de plus, mais beaucoup Joe et la batterie, aussi nos amis bassistes n’en auront certainement pas pour leur faim.

 

Mais alors que peut-on attendre de cette nouvelle contribution discographique ? Rien de foncièrement différent d’à l’accoutumée, juste du très bon Joe Satriani. En même temps, que demande de plus le peuple ? Du pain, du vin, et du Joe Satriani ! L’homme n’a rien à prouver, et ce nouveau chapitre de sa carrière prolifique s’inscrit dans la droite lignée de ce qu’il sait si bien faire : un bonheur de musique instrumentale, le toucher et le son magiques caractéristiques, le phrasé de folie, les soli d’extra-terrestre, et la palette de musiciens de rêve au programme. On sent que l'artiste veut surtout se faire plaisir avant toute chose en produisant ce qu’il sait faire de mieux. Unstoppable Momentum se laisse apprécier, et est à ressentir. Nul besoin d’intellectualiser ou de tenter de déchiffrer les chansons qui le composent, tout est de l’ordre du feeling. Joe nous parle en images, et l’on sait à quel point sa musique peut être une forme d’expression infiniment plus éloquente que les mots ne sauraient parfois l’être.

L’homme a tellement produit, en termes de rock instrumental, et ouvert la voie à tellement de musiciens de par le monde et à travers les décennies, que l’on ne peut qu'acclamer cette nouvelle sortie discographique. Aux rageux qui auraient la présomption de critiquer un album d’un musicien de la trempe de Joe Satriani, on répondra simplement que le niveau de l’artiste est tel, son mode d’expression si personnel et original, tout en métaphores et éternellement avant-garde, que tout cela assemblé suffit pour l’immuniser à vie. Aux Etats-Unis, les avis sont pour le moins partagés : beaucoup adorent l’album, qui répond selon eux exactement aux attentes formulées ; tandis que d’autres reprochent au guitariste un manque de fantaisie ou d’innovation, ou encore un style que certains n’hésitent pas à caractériser de « has been » ( ?!). S’il est vrai que de nouveaux lionceaux à la dent bien longue sont entrés dans l’arène ces dernières années (comme Guthrie Govan par exemple) bouleversant les codes de la musique instrumentale, et s’il est vrai aussi que le rythme de notre époque va en s’accélérant et réclame toujours plus, Joe demeure, lui, inchangé. Fidèle à son style, et à la hauteur de sa qualité habituelle, peut-être bien qu’Unstoppable Momentum le bien-nommé est sa réponse appropriée à la frénésie ambiante : une oasis temporelle que rien ne saurait perturber.

Note : 9,5 / 10

Liens utiles : 

Vos billets pour Joe Satriani au Grand Rex de Paris le lundi 3 juin prochain !

Le site officiel de Joe Satriani
Retrouvez Joe Satriani sur Facebook

 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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