Par une belle journée d'avril, une partie du groupe Amon Amarth fut de passage à Paris pour une journée promo lors de laquelle nous avions pu découvrir en avant-première le nouvel album Deceiver of the Gods prévu le 21 juin prochain chez Metal Blade.
Outre cette écoute, nous avons également pu nous entretenir avec le frontman et chanteur charismatique du groupe suédois, le barbu barraqué Johan Hegg. Un moment fort sympathique en compagnie d'un artiste simple et débonnaire.
Ju de Melon : Salut à toi Johan, et bienvenue à Paris ! Tu débutes la promo du nouvel album, comment vont les choses ?
Johan Hegg : Tout se passe bien pour l'instant, même si la session d'écoute à laquelle vous avez assisté m'a un peu surprise, le son n'avait quasiment pas de basse. Quelque chose a dû merder, on entendait trop la voix et les guitares.
Débutons cette entrevue avec un mot sur votre nouveau producteur, Andy Sneap, qui remplace ainsi Jens Bogren. Alors, pourquoi ce choix ?
Travailler avec Jens sur les trois précédents albums a été une expérience fort positive, mais nous sentions après Surtur Rising qu'un changement devait être fait à ce niveau afin d'éviter de tourner en rond. Jens est un excellent producteur, mais il a une façon très clinique de travailler, ne laissant aucun détail de côté ce qui rend son son très clean. Nous voulions donc un nouveau son, plus organique, plus directe, et nous avons de suite pensé à Andy Sneap car nous avons beaucoup aimé son travail sur les derniers Accept ou quelques albums de Kreator. Nous l'avons donc contacté, et comme il était libre et partant, il a très vite accepté. Nous l'avons rencontré le printemps dernier lors de notre passage en Angleterre et le courant est très vite passé entre nous.
On sent cette différence de son, une nouvelle approche voulue donc ?
Oui, le rendu est plus fluide, plus heavy, on sent que c'est plus naturel dans le mixage final. Ainsi cet album va à l'essentiel, avec un meilleur groove je pense. Il bénéficie aussi, je pense, d'une meilleure écriture, car cette fois nous avons décider de ne plus chercher à masquer nos influences, ce que nous faisions un peu trop par le passé. On se lâche un peu plus et on surfe sur nos inspirations sans nous poser de questions, ainsi cela donne un disque varié avec des chansons qui se différencient plus facilement les unes des autres.
Quelles sont ces influences ? Un peu venues de la scène death mélodique suédoise parfois on sent, comme In Flames, Hypocrisy ou Soilwork...
Hypocrisy je ne pense pas, enfin je crois que c'est dû au manque de basses (rires) ! Sinon oui, il y a quelques éléments qui auraient très bien pu figurer sur un album d'In Flames, mais c'est surtout parce que nous sommes issus de la même génération de metalleux et que nous nous connaissons bien. On a grandi en écoutant les mêmes groupes, on a donc des bases en commun, et ce sont ces "racines" qui ressortent bien sur cet album. Idem pour Soilwork, même si je ne pense pas que nous avons un son aussi moderne qu'eux ! (rires)
Parlons du titre de l'album, Deceiver of the Gods. Pourquoi ce choix ?
C'est un titre lié au Dieu Loki, car j'ai eu pas mal d'idées de chansons parlant de ce personnage qui revient donc souvent sur l'album car je l'aime beaucoup dans la mythologie. Les quatre premiers morceaux de l'album parlent donc de Loki, et c'est ainsi que l'idée de la pochette est née avec notre héros qui mène l'armée des morts et défie les dieux. Nous sommes très fiers de l'artwork d'ailleurs, c'est assez épique. Du coup, le titre est venu comme une évidence.
Est-ce que le processus de composition sur cet album a été abordé différemment ?
Pas tant que ça, la majeure différence vient du fait que pour la première fois dans l'histoire d'Amon Amarth les chansons ont été écrites très simplement, sans hésitation. Nous n'avions jamais été aussi rapides auparavant. Ainsi, plus de deux semaines avant l'entrée en studio, toutes les chansons étaient prêtes et n'ont pratiquement pas été retouchées ensuite. Du coup nous avons eu énormément de temps pour répéter ensemble chaque morceau et ça a rendu l'enregistrement encore plus simple. En ce sens, je pense que c'est un album très fort, probablement notre meilleur... Je sais qu'un artiste dit toujours ça quand il fait sa promo mais pour le coup je n'avais jamais fait ça avant, et mon compère Oli (NDLR : , guitariste aussi présent lors de cette journée promo) n'avait jamais autant satisfait de chacun des titres composant un de nos opus. C'est une grande première. En un sens c'est... inquiétant ! (rires)
Je ne vais même pas te demander ton titre préféré du coup, ce serait inutile... (rires)
Tu fais bien, car je pense que je resterai silencieux en guise de réponse ! (rires)
Est-ce que les paroles sont venues aussi simplement ?
Oh il y a quelques chansons, deux ou trois, sur lesquelles on a un peu hésité. Mais là aussi globalement on a laissé le feeling agir, j'avais déjà quelques idées avant donc j'ai mis tout ça en ordre assez facilement. Oli est venu avec deux idées de paroles aussi, je les ai ensuite retravaillé et ça s'est très bien passé. Sur cet album, j'ai décidé de ne pas trop réfléchir et de créer des histoires simples, je pense que par le passé j'ai parfois trop voulu complexifier certais textes avec des significations cachées ou des métaphores, ce qui selon moi n'a pas toujours donné de bons résultats (rires) ! Le tout est ici plus direct, ça rend mieux je trouve.
Parlons de quelques morceaux, en voyant un titre nommé "As Loke Falls" on a de suite pensé que ça pourrait être une sorte de "Loke's Treachery Part III" mais ça n'est pas le cas visiblement...
Non, disons que techniquement ça pourrait l'être, sur les quatre premiers morceaux, mais entre toi et moi ce concept de "Loke's Treachery" c'est un peu de la merde (rires général) ! Ca servait un peu à rien de rajouter cette précision, la Part I était un peu un préquel de la suite, mais on s'en fiche finalement...
"We Shall Destroy" semble avoir un texte assez fort basé sur l'unité, la peur, l'espoir, le sacrifice... Y a t-il une histoire derrière ?
C'est l'une des idées de Oli qu'il a tiré d'une série de livres sur les vikings d'un auteur anglais, je ne me rappelle plus du nom. Il s'agit d'une bataille marquée par une armée formant un "mur de boucliers" ("wall of shileds"), il est vrai que le texte est un peu plus travaillé que les autres. Par définition, cela montre le besoin d'unité pour qu'une telle défense fonctionne, il faut que les liens soient resserés au maximum. Au fond, c'est une belle métaphore de ce qu'un groupe doit être, surtout avec le temps et l'expérience. Une formation comme la nôtre se doit de rester soudée avec l'âge afin que nous puissions continuer à faire ce que nous aimons. Et quand nous montons sur scène, nous sommes une unité, de vrais amis mais bien plus encore ! Le message est donc clair : nous pouvons faire ce que nous voulons si nous restons tous soudés avec le même but en tête. Et ce lien, nous le prolongeons avec les fans, cette unité existe avec le public sans qui nous ne serions rien.
Comment ne pas évoquer "Hel" et ce featuring surprenant de Messiah Marcolin (ex-Candlemass) au chant ! Comment cela s'est mis en place ?
Messiah fait partie de ces chanteurs que nous vénérions quand nous étions jeunes, et c'est encore le cas aujourd'hui. Je l'ai rencontré lors du croisière Swedish Rock pendant un concert hommage à Ronnie James Dio, où plusieurs artistes dont Messiah montaient sur scène pour interpréter un morceau de la carrière de ce grand monsieur du metal. Je faisais d'ailleurs parti de cela. Ensuite nous avons beaucoup parlé et sympathisé ! Plus tard, il m'a recontacté pour assister à l'un de nos shows à Stockholm, il était curieux de nous voir sur scène. Les liens se sont encore resserés et au final l'idée d'un guest est venue tout naturellement, il était partant. Cependant, nous ne pouvions pas le faire chanter sur n'importe quel morceau lambda, il fallait quelque chose qui pourrait le mettre en valeur. Quand j'ai écrit les paroles de "Hel", j'étais très fier du texte, et lorsque Johan (NDLR : Johan X, ) a proposé la musique... Je me suis dit qu'il fallait absolument Messiah sur ce morceau ! C'était fait pour lui. Ainsi il est venu enregistrer avec nous, c'était très rapide.
Le dernier morceau de l'album s'avère très épique et long, "Warriors of the North". Rien à voir avec Game of Thrones ? (rires)
Non non (rires) ! Même si j'adore ! C'est une idée d'Oli là encore, il s'est inspiré d'une légende sur Gengis Khan je crois. Cependant, j'ai tourné l'histoire un peu différent... ça parle d'une horde de soldats trahis par leur roi, ils sont en quelques sortes exilés, mais 20 ans après le roi a besoin d'eux dans une bataille ultime et leur supplie de revenir à ses côtés. Ils acceptent et combattent jusqu'à la mort pour lui, malgré la trahison, comme si c'était là leur ultime chance de regagner l'honneur perdu. Du coup la fin est assez dramatique et triste.
"Blood Eagle" va surprendre, notamment par son introduction assez gore... parfaite pour les fans de Cannibal Corpse ! (rires)
(rires) En fait c'est une de ces chansons dont j'ai écrit les paroles avant la musique ! J'ai lu un livre sur les vikings et j'ai retenu cette terrible exécution qu'on appelle le "blood eagle" (aigle de sang, en français) qui consiste à retirer les poumons d'une personne face contre terre en arrachant ses côtes dans le dos. C'est assez violent, du coup l'effet de son qu'on entend en introduction est censé représenter cette torture ultime. Du coup les poumons ressortis donnent l'illusion d'ailes d'un jeune aigle.
Il faut en faire un clip (rires) ! D'ailleurs, quelques projets à ce niveau ?
Oui, nous y réfléchissons en ce moment même, mais c'est encore indécis. Toute est une question de budget, donc il faut bien y penser en amont car nous ne voulons pas faire n'importe quoi.
Le groupe vient de fêter ses 20 ans, aucune célébration particulière de prévue pour fêter l'évènement ?
On a fait quelques shows spéciaux l'an passé durant l'été pour fêter cette date, cette année je ne pense pas qu'on se concentre là dessus vu que nous avons ce nouvel album à promouvoir.
Et un nouveau DVD, sept ans après le précédent ?
On en parle souvent entre nous mais force est de constater que ce format commence doucement à mourir, aujourd'hui on peut tout trouver ou presque sur Youtube. On partirait plus sur des bonus DVD associés aux albums, comme on l'a fait sur le précédent. On pourrait certainement en sortir un à part entière, mais il faudrait que ce soit un show spécial avec une grosse production et un contexte spécial avec des idées originales.
As-tu quelques derniers mots pour les fans français ?
Nous serons là un peu avant l'été pour jouer au Sonisphere. On espère vous retrouver là, bande de tarés (rires) ! En espérant que vous aimerez le nouvel album, bien sûr. Ensuite nous reviendrons pour la tournée, c'est certain !
Merci à Nico pour les photos et à Rose Vignat pour l'organisation de cet entretien.