Chthonic – Bú-Tik

Le retour de la formation taïwanaise Chthonic est une bonne nouvelle tant l'impression laissée par Takasago Army est positive. Difficile, même, d'accuser notre quintette d'une baisse d'inspiration depuis Mirror of Retribution, et ce en dépit d'une extrême régularité (troisième fois d'affilée qu'ils livrent deux albums en deux ans). Ce qui ne change pas chez le combo, c'est les thématiques récurrentes quant à l'histoire de leur pays, où divers événements sont racontés en musique. L'aspect textuel a toujours été important pour comprendre ce qui est abordé dans leurs diverses œuvres. Ici, une fois de plus, la règle est toujours la même. Seulement, si l'écrit est une chose, la composition en est une autre. Et de ce côté là, Bú-Tik nous permet d'entrevoir une nouvelle facette de leur personnalité.

Jusqu'à présent, la bande a toujours été considérée comme un porte-étendard du black symphonique en Asie. Bien que cette tendance ne soit pas foncièrement estompée, quelques changements ont été opérés et certains virages donnent de nouvelles couleurs aux sonorités des taïwanais. L'ensemble du disque est résolument plus death que black, ce qui s'exprime non seulement instrumentalement mais aussi vocalement, Freddy Lim se dirigeant bien plus vers le côté ravageur de ses vocaux death. S'il n'hésite pas à alterner entre ses différents registres qu'il maîtrise toujours aussi bien, sa voix se veut en adéquation avec ce « nouveau » chemin emprunté par le groupe. Une voie qui a ses avantages comme ses défauts, malheureusement.

Car jusqu'alors, Chthonic avait la grande spécialité de nous servir de magnifiques touches exotiques grâce à des instruments traditionnels et des sonorités typiquement asiatiques du plus bel effet. Un mélange (d)étonnant et diablement accrocheur, qui ne semble pas être complètement remis au goût du jour sur Bú-Tik. Plutôt que de jouer là-dessus, la recette se veut globalement plus épique par l'incorporation de sonorités plus symphoniques que par le passé, reléguant ainsi un peu trop ces sons d'Orient à un rôle de soutien plutôt que de réellement les placer en avant pour former une belle fusion. La touche folk ne disparaît pas totalement, et le quintette décide de rassurer son auditoire dès l'ouverture « Supreme Pain for the Tyrant », très efficace et entêtante. Le titre est un condensé du disque, avec cette touche plus death et son aspect incisif. Le combo montre les crocs et ne perd pas de vue que le but premier de leur musique est de combiner à la fois puissance et envoûtement.

Chthonic

Le nouveau Chthonic, en vente dans toutes les Bú-Tik (et oui j'ai vraiment honte)

Seulement, il faudra compter sur des morceaux plus quelconques qui forment un léger ventre mou en milieu d'album. « Next Republic » est rapide mais banale, et si le refrain se veut plutôt réussi, difficile de succéder aux deux pistes qui précèdent ce titre. Ainsi, souffrant de cette comparaison, le morceau est immédiatement pénalisé et ne marque pas vraiment les esprits. Même problème du côté de « Rage of My Sword », à l'introduction originale pour une suite décevante. Chose étonnante de la part de la formation, une pointe de lassitude commence à se faire ressentir à l'écoute de ces deux pistes qui manquent clairement d'une bonne dose d'attractivité. Les passages à l'erhu sont pourtant superbes mais ce n'est pas suffisant.

Chthonic maîtrise pourtant toujours très bien l'art du refrain. Outre le single « Set Sail Into the Sunset's Fire », d'autres brillent par ces moments de grâce. C'est notamment le cas de « Between Silence and Death », mélodique à souhait mais sans oublier une seule seconde les incursions death / black des taïwanais. Le final, notamment, est superbe. Une piste en particulier se démarque de toutes les autres : « Defenders of Bú-Tik Palace » est impeccable du début à la fin. Varié, dynamique mais n'omettant pas de faire place à de somptueuses atmosphères, le chant de Freddy Lim, polyvalent, est partagé avec la voix féminine de Meiyun Tang, plus discrète mais d'une grande beauté, capable de chanter en harmonie avec une musique rapide et puissante.

Bú-Tik, concrètement, n'est pas le meilleur album de Chthonic. Les quelques moments de faiblesse sont cependant largement compensés par des pistes du calibre de « Defenders of Bú-Tik Palace », qui montrent que la formation taïwanaise ne relâche pas le rythme et que l'inspiration est toujours au rendez-vous. Seulement, si le combo semble à l'aise en se rapprochant davantage d'influences death sur cette offrande, leur prochaine livraison sera attendue au tournant. Difficile de ne pas apposer la mention « peut mieux faire » à une galette au charme prononcé, mais qui se doit d'être poussé à son paroxysme. Le voyage en vaut tout de même la chandelle.
 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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