Masterplan de retour, je vais être franc et direct : un, je n'y croyais plus, deux, je n'en attendais rien, persuadé que le second départ de Jorn Lande, après le très faible Time To Be King (pour ne pas dire carrément pénible) semblait avoir scellé de manière définitive la carrière d'un combo pourtant prédestiné à un très brillant avenir. Parce que, tout de même, Masterplan, quoi !
Le groupe fondé en 2001 par Roland Grapow et Uli Kusch, sécessionnistes de chez Helloween, avec l'aide de LA voix du metal moderne, le norvégien versatile Jorn Lande, ce combo allait devenir énorme, c'était écrit, c'était réglé ! Un premier opus mémorable, suivi d'un second de grande qualité également…et puis plouf ! Patatras, le grand blond à la voix d'or se casse cachetonner ailleurs et sortir des albums solo à répétition. Uli lâche l'affaire remplacé par Mike Terrana (le clown iroquois à la frappe aussi puissante que peu inventive). Mike DiMeo s'empare du micro pour un MKII pas déshonorant mais complètement saboté par des prestations live d'une fadeur désespérante (remember le passage à Paris en première partie de Saxon ?). Et là, c'est le drame ! Jamais à court d'idée pour créer une vaguelette médiatique, le vocaliste norvégien fait un come-back tonitruant dans le groupe, clamant son bonheur d'être de retour et assurant que cette fois, Masterplan va s'assoir sur un trône qui lui revient de droit. Las ! L'album Time to Be king est un flop mérité, l'inspiration étant clairement restée au placard et l'envie de s'investir de Lande n'ayant pas résisté à l'appel du large en solitaire.
Nous voici donc en 2012, Masterplan et son fondateur Roland Grapow sont dans l'impasse. Les musiciens quittent le navire les uns après les autres, à l'exception du claviériste Axel MacKenrott. Fin de l'histoire ? C'est sans compter sur la pugnacité du blond guitariste qui va recruter habilement de nouveaux compagnons de route afin de montrer que les grands groupes ne meurent jamais.
La version 2013 du combo, c'est une rythmique composée de Jari Kainulainen (ex-Stratovarius) à la basse et Martin Marthus Skaroupka (ex-Cradle Of Filth) à la batterie, et l'arrivée au chant d'un vieux briscard du circuit metal, Rick Altzi (ex-At Vance, ou encore Sandalinas). On a donc là un quintet ultra costaud pour un cinquième album qui se présente véritablement comme un coup de poker : ça passe ou ça casse !
Et après une intro inhabituellement longue, autant mettre fin au supplice des plus pressés : ça passe, et haut la main, s'il vous plait !
Novum Initium puisque c'est le nom de cette galette, démarre sur une intro grandiloquente alliant la majesté du classique à la puissance du heavy déboulant sur "The Game" une première chanson remettant d'emblée les pendules à l'heure. Masterplan sait encore composer un power metal racé, bien heavy dans l'ambiance et speed dans le tempo, bardé de très grosses mélodies et faisant la part belle à une batterie véritablement intenable. Cette entrée en matière a l'énorme avantage de synthétiser l'apport de chacun des musiciens (le passé black du batteur, la complémentarité des deux cadres à la guitare et aux claviers, le lyrisme et la puissance du vocaliste). Un brûlot sur lequel Roland Grapow envoie du lourd en solo et qui comporte plusieurs parties bien distinctes, bref, un morceau complet, un bulldozer qui se place d'office comme une des plus belles réalisations du quintet.
On enchaîne directement sur "Keep Your Dream Alive", un tempo plus lent, majestueux et pesant sur lequel Rick Altzi a des intonations… landiennes ! Un comble, mais une pure réussite, mélodique et puissante à souhait. Les éclairs de six-cordes confortent dans l'idée que du côté de Roland Grapow, on assiste à un véritable retour de flamme. On n'avait pas entendu ce musicien aussi inspiré depuis… le premier album du groupe ! Loin du shred souvent stérile de ses dernières productions, ils allient vivacité et inspiration au service des compos.
"Black Night Of Magic" est un pur hymne power metal comme je pensais ne plus les aimer ! Alors que je suis arrivé à un stade de saturation extrême avec ce style, là, la magie opère, encore une fois parce qu'avant les poncifs du genre, on entend surtout une vraie chanson et une partie instrumentale qui ne se contente pas de rallonger le titre sans rien apporter. A ce stade-là, on a déjà pris davantage de plaisir avec ce disque qu'avec l'ensemble de la galette précédente. Si "Betrayal" est un peu plus en retrait (un morceaux trop classique pour faire mouche), que dire du démarrage ultra puissant de "No Escape", de son rythme atypique, de son orchestration grandiloquente et de la nouvelle démonstration de force de Skaroupka, qui confère à la musique de Masterplan encore inconnue jusque-là. Les arrangements sont à la hauteur de cette chanson aux multiples rebondissements.
Mais le meilleur reste à venir. "Pray on My Soul" devrait constituer rapidement un classique de la formation en live de par son refrain catchy mais aussi la force qui s'en dégage. Comme depuis le début, le son est massif, énorme, mais jamais abrutissant. On se laisse aplatir avec délectation par ce rouleau compresseur classieux et imparable. Le constat sera le même sur "Return To Avalon". Sans être une compo hors du commun, cette chanson fonctionne parfaitement grâce à la prestation d'un Rick Altzi très à l'aise dans un rôle pourtant peu évident à assumer. Ses efforts ne réussiront toutefois pas à épargner à "Through Your Eyes" le titre peu enviable de seule faute de goût de l'album. Trop pompeuse, trop convenue, cette chanson ne décolle pas.
Seulement voilà, après un disque aussi bien ficelé, rempli de pas mal de très bons moments, il faut finir en beauté pour ne pas laisser une impression mitigé. Avec le peplum final "Novum Initium" Masterplan va s'acquitter de cette tâche avec un talent admirable. Plus de dix minutes menées de main de maître, où le piano et la guitare vont nous mener progressivement dans un maelström musical grandiose. Tour à tour heavy, agressif, léger, c'est une épopée dans laquelle nous entraînent les musiciens, gardant toujours la "patte Masterplan", Altzi achevant de s'imposer comme le catalyseur d'une formation qu'on n'attendait pas à pareille fête !
Plus qu'un coup de génie ou un coup de maître, Novum Initium est d'abord une résurrection, le retour en grâce d'un groupe qu'on croyait perdu (et eux aussi sans doute) et qui nous revient sous son meilleur jour, sans rien renier de sa personnalité. C'est aussi la preuve éclatante que la foi sans faille de Roland Grapow dans son projet n'était pas veine. Il nous tarde maintenant d'aller constater sur scène que loin d'être un feu de paille, cette embellie est véritablement le début d'un renouveau annonçant bien d'autres glorieux chapitres.