Motocultor 2023, jour 4 : un final ensoleillé, entre émotions et allégresse

Dimanche 20 août, Carhaix

Quatrième jour : la fatigue se fait sérieusement ressentir, mais heureusement le soleil est de la partie. Ce dimanche réserve aux festivaliers de belles découvertes, des concerts de qualité, et un final festif au possible. 

Tout est calme sur la plaine de Kerampuilh en cette fin de matinée - le coup d'envoi des concerts étant en effet donné à 11h45. Un peu de sang macule la barrière de la Supositor Stage, vestiges du rituel éclaboussant opéré par Watain la veille. Le soleil finistérien cogne bien, et les zones ombragées sous les arbres sont prises d’assaut. L'affiche du jour, toujours aussi éclectique, réserve de belles surprises, et cette dernière journée sera marquée par des prestations mémorables qui vont faire l’unanimité.

 

Nos concerts du dimanche 20 août :

Kabbalah – Gaerea – Nostromo – Bell Witch – Landmvrks – Moonreich – Messa – Archspire – Soen – Converge – Avatar – Carpenter Brut – Abbath – Elder

Kabbalah 

Bruce Dickinscène, 11h45

En ce dernier jour, le coup d’envoi des concerts est donné tôt, très tôt, et d’ailleurs le public est clairsemé sous le chapiteau de la Bruce pour découvrir le rock occulte aux accents doom / stoner et psychédéliques du trio espagnol de sorcières Kabbalah. Quelques bougies sont allumées, les protagonistes sont vêtues de noir, mais c’est surtout par sa musique que le combo va ensorceler l’auditoire.

Les riffs chargés de fuzz s’élèvent, accrocheurs et traînants et les tempos varient. Les compositions du groupe mettent en avant les lignes de guitare ou de basse, pour un effet psychédélique proche du proto metal. Servies par un très bon mix, les musiciennes interprètent notamment des morceaux de leur dernier opus, The Omen, sorti en 2021.

Vocalement, la magie opère grâce aux belles harmonies offertes par les musiciennes aux voix complémentaires qui se partagent le chant – même si le lead est plutôt interprété par la batteuse Carmen Espejo, qui signe une prestation impeccable tout en élégance. Le public présent réagit plutôt bien, encourage le trio et semble apprécier les morceaux plus rythmés ou les ambiances sombres, ambiantes et hypnotiques. Le witch fuzz bien mené des Espagnoles en a envoûté plus d’un en ce début de journée.

Gaerea 

Supositor Stage, 12h35

C’est une drôle d’idée de programmer Gaerea aussi tôt dans la journée, sur une scène extérieure, mais les musiciens anonymes au visage dissimulé sous une cagoule noire marquée du symbole du groupe vont faire fi de ces conditions a priori peu favorables et laisser leur empreinte sur ce dernier jour de festival.

Fans et curieux sont nombreux à se presser devant la Supositor Stage : clairement, les Portugais sont attendus. L’apparence mystérieuse des cinq musiciens, tous vêtus de noir, plante le décor d’emblée.

Le soleil brille sur Carhaix mais le propos est sombre, oppressant, parfois violent, quelquefois plus poétique. Marqué par des variations de rythme et des accents mélancoliques, le son du quintette anonyme dépasse les caractéristiques classiques du black metal. Certains titres se parent de groove, de poésie, d’autres sont plus froids avec une rythmique impitoyable. Les titres de l’excellent dernier album, Mirage, sont placés au début et à la fin du set.

Les plus attentifs auront remarqué l’arrivée d’une nouvelle guitariste, parfaitement à l’aise dans l’exécution rapide. Les deux guitaristes et le bassiste sont dynamiques et interagissent volontiers avec le public. Le batteur quant à lui est redoutable de puissance et de vélocité. Le public, très réceptif et réactif, headbangue de concert avec le groupe, encouragé et fasciné par le charismatique vocaliste, aussi à l’aise dans les screams torturés que les cris rocailleux et la voix parlée.

Celui-ci fait preuve d’une expressivité impressionnante, alors même que son visage est dissimulé. Ses mouvements gracieux évoquent ceux d’un danseur avant de se muer en gestes de désespoir ou spasmes de souffrance ( “Absent”). Difficile de détacher notre regard de cette apparition fantomatique mais sensuelle à la gestuelle fascinante.

Pour la dernière partie du set, le chanteur s’éclipse et revient avec un nouveau masque, argenté cette fois-ci, décoré des symboles du groupe en doré, avant de se lancer dans l’interprétation du morceau “Mirage”. Lors du final sur “Laude”, il pousse des cris déchirants et finit agenouillé.

Du côté du public, on n’a pas vu passer les 50 minutes du concert de Gaerea, marqué par beaucoup d’élégance et une musique complètement immersive et cathartique. Le combo portugais signe là un set de haut vol, fascinant, qui fait forte impression en ce début de journée.

Nostromo

Supositor Stage, 14h10

C’est en plein cagnard que Nostromo investit la Supositor, sous un soleil de plomb loin des conditions météo des deux jours précédents. Rien de tel que le grindcore-mathcore nerveux des Suisses de Nostromo pour faire bouger un public chaud comme la braise ! Les rythmiques bourrines comme France/Nouvelle-Zélande et le chant hurlé de Javier sont brutaux comme il faut pour mettre le dawa devant la scène.

De retour au Motocultor (et ravi) depuis la dernière fois en 2018, Nostromo revient avec Bucéphale, le très convaincant nouvel album sorti il y a presque un an et plein de compositions à défendre. “Ship Of Fools”, “IED (Intermittent Explosive Disorder)”... la setlist le défend correctement et s’enchaîne vite, s’éloignant rarement des blast beat ou du breakdown. Le son est particulièrement puissant, et nettement moins brouillon que ce que la scène a pu nous offrir les jours précédents.

On bouge pas mal sur scène aussi, et le look baggy / short militaire colle beaucoup au style core du groupe. Alors que le final s’achève sur l’enchaînement “Epitomize” / “Selfish Blues”, on se remet du set chaud en cherchant les trop rares coins d’ombres autour de la Supositor pour se rafraîchir.

Bell Witch

Bruce Dickinscène, 14h55

Le gong a sonné sous la Bruce Dickinscène pour Bell Witch et ce, au premier degré puisque les musiciens ont véritablement ramené un gong. Et c’est d’ailleurs sans la moindre annonce et dans la plus grande surprise que le duo démarre son set de doom composé d’un très grand nombre de titres : 1. D’emblée l’ambiance est lourde et pesante, les sonorités basses en parfaite harmonie avec les vocalises claires de Dylan Desmond et les chants gutturaux de Jesse Shreibman nous transportent ainsi pleinement dans leur univers : écrasant et mystique. La reverb ajoutée subtilement au chant de Dylan nous donne ainsi cette impression de faire face à un pasteur, prêchant une ode funèbre et terrible. On oublie ainsi l’espace d’un instant où nous nous trouvons, nous sommes transportés dans l’univers de Bell Witch. Un univers froid, lugubre et morbide, à l’image de ce que le doom est dans son essence comme nous le dit si bien Dylan dans l’interview réalisée peu après la prestation du groupe. 

Et si la justesse du mix nous permet de pleinement savourer les sonorités compressées et les fréquences basses de la basse six cordes de Dylan et des percussions retentissantes de Jesse, le peu de jeu de lumières et la très grande sobriété de la prestation nous permet d’être en pleine harmonie avec le duo. Et c’est au bout de 40 minutes presque trop courtes que le groupe nous laisse, absolument sonné. Le gong a résonné, et cette fois, il était pour nous.

Setlist Bell Witch :

The Clandestine Gate

Landmvrks

Massey Ferguscène, 15h45

Avec Landmvrks aux commandes, c’est tout le sud qui a été mis sous la tente Massey Ferguscène. Et s’il fait déjà chaud à Carhaix, la température va monter d’un cran à l’image de l’introduction festive choisie par les Marseillais : “Maniac”, reprise par le non moins connu Carpenter Brut. C’est donc une foule compacte qui commence déjà à se trémousser et à chanter sur l’un des hymnes nationaux du metalleux. Sans plus attendre le public se met à twostep et ce dès le premier morceau, tout le monde slamme, on apercevra d’ailleurs un crocodile géant gonflable se frayer un chemin sur la marée humaine présente pour accueillir les membres de Landmvrks qui nous font savoir qu’ils sont contents d’être là, malgré une nuit passée sur la route sans dormir !

Et on le ressent bien, la présence scénique de Florent, Nicolas, Paul, Kevin, et Rudy est comme à son habitude débordante et c’est un régal de voir ces cinq compères prendre plaisir à ce qu’ils font et réellement s’amuser. Une énergie qui s’est donc propagée très facilement au public, qui n’hésitera pas à reprendre les titres du groupe. On apprécie d’ailleurs l’interlude servie par “Visage” morceau très orienté “trap” dans son intro, ce qui permet de casser le rythme avant de redémarrer de plus belle. Et avec un light show réussi et un son relativement bon et bien retranscrit de part et d’autre de la tente, on peut parler d’une fête réussie où Landmvrks nous aura transportés, l’espace d’un instant, à la Canebière ! 

Moonreich

Supositor Stage, 15h45

En ce dimanche après-midi, devait se produire le groupe ukrainien 1914. Comme celle de l’essentiel de ses compatriotes, sa tournée a été annulée pour les raisons que nous ne connaissons que trop bien, même si le Motocultor a attendu le dernier moment pour annoncer le forfait. Pour remplacer le combo, le festival est allé chercher un groupe qui s’inscrit dans un style et des influences assez proches (sans le côté doom de 1914), le groupe tricolore de black Moonreich ! Avec un tout nouvel album très récemment sorti, Amer, le combo dirigé par Weddir est très bien trouvé pour assurer le show.

S’il y a ce nouvel album à défendre, c’est par “Heart Symbolism” de Fugue que le concert démarre. Les quatre musiciens sont heureux de pouvoir jouer, et ne manqueront pas de marquer une pensée pour les Ukrainiens, espérant qu’ils les entendent depuis là où ils sont. Cette énergie fait même une victime dès le premier titre, la sangle de Thomas Menudier (guitare) lâchant après un saut un peu trop appuyé, réparée deux minutes plus tard par un technicien !

Le son est clean, les deux guitares s’entendent bien et la complexité des compositions n’est pas gâchée par un mix trop brouillon. De son côté, la voix de Weddir est suffisamment mise en avant, le chant restant toutefois sensiblement moins intelligible que celui d’autres formations évoluant dans des genres proches. C’est une spécificité qui peut déjà s’entendre en studio.

Après ce premier titre, il est temps de présenter Amer, avec deux morceaux sélectionnés, assez différents. D’abord “Where We Sink”, qui marie son énergie véloce à des mélodies entêtantes de guitares. Ensuite le titre éponyme, beaucoup plus long et brut, évoluant dans un break aux rythmes swings, puis vers un final apocalyptique.

Si le pic de chaleur est passé, il fait encore bien chaud alors que le set de Moonreich avance et s’approche de la fin. Celle-ci se fait sur “...And A Star Fell At The Fifth Sound”, long titre sorti dix ans plus tôt et possédant son lot de progressions, de breaks et de moments puissants. On jubile ! Le groupe termine son set intense, remercie le public, et c’est fini. C’est ce qu’on appelle un remplacement de qualité !

Setlist Moonreich:

Heart Symbolism
Where We Sink
Amer
…And A Star Fell At The Fifth Sound

Messa

Bruce Dickinscène, 16h35

La voix envoûtante de Sara nous accueille tout en douceur, "If You Want Her To Be Taken" résonne, c’est parti pour le set des doomeux italiens Messa. Lorsque les riffs heavy/doom arrivent, la dualité entre la lourdeur des guitares et ce chant clair - aux portes du registre lyrique -, s'impose au public. La scène est drapée de fumée, un élément approprié aux sonorités doom.

Alberto (guitare), avec ses faux airs de Zappa assure des solos marquants et apporte régulièrement de petites ponctuations aux phrases musicales. On le verra troquer sa guitare pour une douze cordes pour le titre aux influences orientales “Pilgrim”. Mark (basse) est de son côté placé très haut dans le mix et apporte du fuzz aux compositions, s’autorisant même un petit solo de basse pour introduire “Leah”.

Toutefois, résumer Messa à du doom avec une belle voix féminine est très réducteur, et les compositions sont toutes plus recherchées. Par moments, on retrouve une accélération de tempo au sein du titre qui finit même en blast-beat. Sur un autre titre, ce sont même les influences heavy qui prédominent, en lieu et place des racines doom. La longueur des compositions nous rappelle cependant le style principal du groupe, et après cinq titres seulement le set touche déjà à sa fin. Dommage, on l’aurait clairement apprécié plus long. Pour le dernier concert de la tournée, Messa a largement rempli le contrat !

Setlist Messa:

If You Want Her to Be Taken
Dark Horse
Leah
Pilgrim
Rubedo

Archspire

Supositor Stage, 17h30

Bienvenue au Canada avec le death-tech de Archspire ! Et si leur musique semble requérir un QI d’au moins 150 afin d’en saisir toutes les subtilités rythmiques, une chose est sûre : ses musiciens préfèrent ne pas se prendre au sérieux ! A l’image d’un Oliver Rae Aleron qui, avant de nous présenter un par un ses compagnons d’infortune nous fait savoir qu’il est doté d’un beau paquet. S’en suivra une présentation individuelle vantant les spécificités de chacun. Nous apprendrons ainsi que Spencer Prewett souffre d’une certaine forme d’incontinence et bien d’autres détails saugrenus que nous vous épargnerons en tant que bons gentlemen et gentlewomen. Le fait est qu’aller à un concert d’Archspire, c’est un peu écouter une version de Rire & Chansons boosté au shaker de protéines dont les humoristes principaux sont soit chauves, soit barbus et portent tous le short de bain. Un avant goût du Club Med donc.

Du côté de la setlist, rien de bien exotique contrairement aux motifs des shorts de bain. On assiste à un concert divisé en deux avec quatre morceaux issus de Bleed The Future dont le très bon “Drone Corpse Aviator” et quatre morceaux de Relentless Mutation dont le très apprécié “Involuntary Doppelgänger”, deux morceaux qui seront d’ailleurs gardé pour la toute fin du set après avoir bien entendu savouré l’un des grands classiques et passages obligatoires de chaque concert de Archspire : la partie de Twister. Ainsi Oliver, comme à son habitude, jette un tapis de Twister dans la foule, fait tourner à quelques reprises la roue puis annonce un wall of death quasi instantané. En bref, avec Archspire, on aura secoué la tête tout en faisant travailler ses zygomatiques.

Setlist 

Abandon the Linear
A Dark Horizontal
Remote Tumour Seeker
Interlude
(Twister time)
Golden Mouth of Ruin
Human Murmuration
Bleed the Future
Involuntary Doppelgänger
Drone Corpse Aviator

Soen 

Massey Ferguscène, 19h25

Le quintette suédois de metal progressif est très attendu, fort d’une discographie impeccable et précédé par une réputation d’orfèvres du son. Le prolifique combo mené par le batteur Martin Lopez et le chanteur Joel Ekelöf termine à Carhaix une tournée des festivals, une dizaine de jours avant la sortie de son sixième album, Memorial. Mais pas question pour Soen de prendre à la légère ce court set breton : le groupe met un point d’honneur à donner le meilleur en soignant chacune de ses prestations, et le concert de ce soir ne fait pas exception.

Malgré quelques problèmes techniques (certains éléments de la batterie ne cessent de se décrocher) Martin Lopez impose avec une précision millimétrée des rythmiques complexes, puissantes ou feutrées, accompagnant les riffs de guitares, les belles lignes de basse de Oleksii “Zlatoyar” Kobel, et le chant clair, puissant et envoûtant du talentueux Joel Ekelöf.

D’emblée, le set est dynamique, et de nombreuses interactions se mettent en place avec le public : le bassiste se lance dans des headbangs circulaires, les deux guitaristes sont souriants, assurent les chœurs et échangent leurs places régulièrement. Cody Ford délivre ses soli avec facilité, et Lars Åhlund se partage entre l’avant-scène à la guitare et le podium à droite pour les passages au clavier. Sur l’énergique “Martyrs”, Joel demande au public de sauter avec eux, ce qui ne pose aucun problème aux festivaliers encore bien en forme en ce dimanche.

Les influences sont variées mais la base reste bien metal, à coups de riffs bien sentis et d’irruptions de blasts, qui contrastent avec la pureté du chant. La prestation vocale sans faille du vocaliste se décline dans des nuances variées, de la puissance (“Lascivious”) aux ambiances éthérées (“Lotus”), en passant par d’incroyables montées dans les aigus (“Martyrs”). “Savia”, seul titre issu de Cognitive, le premier opus du groupe, présente un superbe son de basse et des tonalités hispanisantes avant une conclusion très smooth. “Antagonist”, plus rythmé, est l’occasion pour le public de donner de la voix tout en tapant des mains. À la fin, le bassiste – de nationalité ukrainienne – vient saluer le public seul en scène, en brandissant le drapeau bleu et jaune. 

La magie Soen a opéré ce soir, et le public, conquis, ovationne le combo qui a su montrer de la maîtrise tout en restant dans une posture de sobriété et d’humilité assez rafraîchissante. Seul (petit) bémol, on peut regretter que l’essentiel de la setlist soit issu des récents Lotus (2019) et Imperial (2021) et qu'aucun morceau du nouvel album n'ait été joué, alors que deux singles particulièrement énergiques sont déjà sortis depuis plusieurs semaines. Les Suédois se réservent sûrement pour leur tournée en headline prévue pour octobre prochain : nous les attendons donc de pied ferme à Lyon, Paris et Strasbourg !

Setlist Soen :

Monarch
Deceiver
Martyrs
Savia
Modesty
Lascivious
Antagonist
Lotus

Converge

Dave Mustage, 20h20

Intense et dérangé sont les deux mots qui viennent à l’esprit lorsqu’on pense à Converge. La troupe de Jacob Bannon que l’on ne présente plus s’est imposée depuis 1990 comme l’un des fondateurs du mathcore et du post-hardcore et chacun de ses shows est un hymne au chaos. Ce qui se vérifie d’ailleurs très rapidement puisque malgré une foule quelque peu éparse devant la Dave Mustage le public est déjà à fond dans le pit dès l’introduction. 

Jacob parcourt ainsi la scène tel un chien enragé qui n’attend qu’une seule chose, c’est d’être détaché. Le show qui s'ensuit est brutal, le public chante sur de nombreux morceaux et se montre réceptif à toute l’énergie déployée. Comme à son habitude Converge aime jouer fort, et contrairement à d’autres performances, cette fois-ci le son n’est pas trop brouillon et l’on perçoit relativement bien chaque instrument ce qui nous permet, même en étant situé aux abords de la scène, de profiter pleinement du spectacle. 

Il faut dire que malgré le peu de lights présentes, l’énergie et l’atmosphère qui se dégage de ce show a ce côté mystique. On est transporté par les riffs envoûtants et terriblement chaotiques, on passe ainsi par de multiples émotions qui nous font ressortir de cette prestation le cœur lourd et l’estomac serré. Le soleil couchant sur la prestation de Converge vient d'ailleurs décupler cette sensation onirique apportée par le groupe qui aura été très généreux en jouant de très nombreux titres venant de multiples albums, pour le plus grand plaisir des fans.

Avatar 

Dave Mustage, 22h15

2023 est vraiment l’année Avatar : un nouvel album acclamé, deux concerts pleins à craquer en mars dernier, une première partie de Gojira aux Arènes de Nîmes début juillet, et une tournée US imminente. Une foule dense s’agglutine devant la Dave Mustage pour ne rien rater du seul festival français du groupe de Göteborg. Le décor est prêt, et à l’heure pile un roadie masqué s’avance vers une grande boîte placée en plein milieu de la scène. En émerge le facétieux Johannes Eckerström, en costume, ballon à la main. Le frontman / monsieur loyal / showman en chef est là, le spectacle peut commencer.

Avec une énergie débordante, le quintette propose une entame de set rythmée et accrocheuse. La basse bondissante de Henrik Sandelin et les riffs redoutables de Jonas Jarlsby et Tim Öhrström sont bien audibles, sans empiéter sur le chant puissant de Johannes. Les musiciens ne se ménagent pas, et rivalisent de headbangs et de poses guitares levées, tandis que le frontman arpente la scène, saute, et danse, complètement dans son personnage de clown déjanté. Face à autant d’efficacité et de puissance, petits et grands dans le public sautent, slamment et s’agitent comme un seul homme. Les morceaux du dernier album Dance Devil Dance font naturellement danser le public, et les morceaux plus anciens comme “The Eagle Has Landed” ou “Bloody Angel” transforment la fosse de la Dave en chorale géante.

La température monte encore d’un cran quand les cinq musiciens – y compris le batteur John Alfredsson, équipé d’un kit surélevé – s’alignent debout sur l’avant-scène pour quelques morceaux, au plus près du public. Johannes est très en voix, ses cris stridents perçant la fosse jusqu’au bout du festival. Le frontman s’installe ensuite au piano pour une interprétation intimiste de “Tower”, mais le bourdonnement des infrabasses des pistes électroniques vient un peu gâcher la beauté de l’instant. Une forêt de briquets et de torches s’allume tout de même et le public placé dans l’axe, probablement moins gêné, entonne les paroles avec le chanteur.

Le groupe entier fait son retour pour “The Dirt I’m Buried In”, marquée par l’un des nombreux solos inspirés de Tim, puis le frontman annonce que le set touche déjà à sa fin. Quoi, déjà ? S’ensuit un échange de plaisanteries avec le public et un pseudo-débat sur le nombre de titres restants. On apprécie toujours ces moments amusants des prises de parole de Johannes, qui innove un peu en présentant chaque membre du groupe avec sa ville d’origine en Suède.

Le final est un ultime moment de partage avec les incontournables “Smells Like a Freakshow” et” Hail the Apocalypse”, c’est un festival de danses euphoriques et headbangs appuyés du côté de la fosse. Dernière surprise, avant de prendre congé, le chanteur annonce un retour dès 2024 en France. On a hâte ! Avec ce freak-show puissant et réjouissant, les sympathiques et généreux Suédois ont régné en patrons ce dimanche sur la Dave. 

Setlist Avatar :

Dance Devil Dance
The Eagle Has Landed
Chimp Mosh Pit
Bloody Angel
Puppet Show
Colossus
Let It Burn
Tower
The Dirt I’m Buried In
Smells Like a Freakshow
Hail the Apocalypse

Carpenter Brut

Massey Ferguscène, 23h20

Que serait un festival metal en France sans Carpenter Brut nous diriez-vous ? D’autant plus que serait un Motocultor sans Carpenter Brut ? Idéalement placé sur l’avant-dernier créneau du dernier jour du festival pour faire pleinement la fête, le Français nous régale une fois de plus avec un set certes pas aussi surprenant qu’au Hellfest mais tout aussi efficace pour transformer la Massey Ferguscène en boite de nuit géante.

On savoure pleinement “Roller Mobster”, on chante à tue-tête “Beware the Beast” et on se pousse comme on ne s’est jamais poussé sur “Turbo Killer”. Frank Hueso (et oui c’est bien son vrai nom) n’hésitera pas à demander à la foule de bouger et à la haranguer en silence, ce qui lui donne un certain air de prophète.

Toujours accompagné de ses fidèles musiciens (Adrien Grousset à la guitare et Florent Marcadet à la batterie), Carpenter Brut assure le show tout comme les lumières qui sont bien parties pour être le meilleur light show du festival. Il ne sera d’ailleurs pas rare d’entendre presque plus le public chanter que les paroles des différents morceaux joués. Et comme à son habitude, nous auront droit cette fois-ci à la version live de “Maniac” qui termine de chauffer les trois-quarts du festival venus assister à la performance.

Setlist Carpenter Brut : 

Opening Title 
Straight Outta Hell
The Widow Maker
Roller Mobster
Beware the Beast
Day Stalker 
Disco Zombi Italia
Imaginary Fire
Leather Terror 
Turbo Killer 
5 118 574
Le Perv
Maniac (reprise de Michael Sembello)

Abbath 

Supositor Stage, 23h20

Une épaisse fumée emplit la scène mais également une grande partie de la fosse, atteignant quasiment le bar placé à droite de la Supositor Stage. L’objectif semble clairement de priver un maximum de monde, photographes y compris, de voir ce qui se passe sur scène. Un peu dommage car la légende norvégienne du black metal Abbath propose un show qui repose autant sur le visuel, avec les costumes et les corpse-paints, que sur la musique. Ce soir, soit, ce sera la musique.

Le groupe formé par le guitariste / chanteur, ex-moitié d’Immortal en solo, joue ce soir des morceaux issus de ses trois albums sortis depuis sa formation en 2015, entre rythmiques possédées, chant saccadé et mélodies proches du heavy metal à l’ancienne. À noter que le musicien panda présente également un titre composé pour son projet solo I, la très rythmée “Battalions”. Le son est correct, les ambiances sombres et les riffs rapides, et le groupe signe une performance convaincante, mais le frontman, l’air contrarié, passe la plus grande partie du concert à se rendre à la régie réprimander l’ingé-son.

Comme souvent en festival, une partie de public semble n’attendre qu’une chose : entendre du Immortal. Oui mais voilà, sur la dizaine de morceaux joués, il faut attendre les dernières minutes pour que leur vœu soit exaucé, avec un unique morceau, “One by One”, qui conclut le set.

Un léger air de déception flotte dans les esprits ce soir après un set solide, efficace, mais un peu trop enfumé et manquant de ce grain de folie et d’humour qui fait le charme du personnage d’Abbath. À revoir, donc, pourquoi pas lors de la prochaine tournée du groupe en début d’année prochaine.

Setlist Abbath :

To War !
The Artifex
Dream Cull
Battalions (reprise de I)
Ashes of the Damned
Hecate
Dread Reaver
Winterbane
Harvest Pyre
One by One (reprise d'Immortal)

Elder 

Bruce Dickinscène, 00h15

La mission d’Elder peut sembler ardue sur le papier : passer après Carpenter Brut et Abbath en toute fin de festival, et face à la fiesta géante promise par Alestorm. Et pourtant, sans platine disco ni maquillage spectaculaire et, surtout, sans aucun canard gonflable, le quatuor originaire du Massachusetts entame son set devant une foule nombreuse d’amateurs massés sous la Bruce Dickinscène pour une dose bienvenue de heavy prog aux couleurs psychédéliques.

La musique d’Elder se dévoile à force de superpositions de textures et de nappes de guitares denses et intenses signées Nick DiSalvo et Michael Risberg, qui s’élèvent et tourbillonnent avant de s’élancer sur le mouvement suivant. Des moments contemplatifs (“Sanctuary”) ou plus durs, comme la montée en puissance de “Lore”, donnent du relief à l’ensemble qui n’est jamais répétitif, sublimé par un très bon mix et un lightshow quasi astral.

Sur ces longues pistes – quatre morceaux, dépassant largement les dix minutes chacun, sont joués ce soir – les parties de chant se font discrètes voire rares, et ressortent d’autant plus : l’intensité de l’interprétation de Nick DiSalvo sert les compositions, mais le langage premier du groupe reste le riff, et ce dialogue des univers psychédéliques et heavy.

Le groove de l’ensemble, irrésistible, est porté par l’excellent bassiste Jack Donovan, en position centrale sur la scène, comme sur “Merged in Dreams” tiré du dernier opus Innate Passage. Ce dernier se charge également de très beaux chœurs, qu’on aurait toutefois aimé entendre plus nettement.

Emportés par ces compositions longues, denses et sophistiquées, sans cesse sur le fil entre lourdeur et contemplation, nombreux sont ceux dans le public qui ferment les yeux pour mieux vivre l’instant, mais sans s’endormir pour autant. Les passages puissants et groovy résonnent de façon redoutable sous le chapiteau, les trois guitaristes rivalisent de virtuosité sur les arpèges ou le shred, le batteur Georg Edert arbore un air réjoui tout en distillant des frappes chirurgicales, jazzy ou heavy, et des ruptures de tempos magistrales.

Les headbangs se multiplient sur scène comme dans l’auditoire, puis laissent place à des émotions et de l’introspection. Les sensations s’enchaînent, et déjà arrive l’épique “Halcyon” issu de l’excellent Omens (2020), et ses boucles hypnotiques avant l’énorme fin tout en puissance. Par cette mémorable invitation au voyage, Elder nous a offert un final grandiose, et un épilogue rêvé pour ce dernier jour de festival

Setlist Elder :

Sanctuary
Lore
Merged in Dreams – Ne Plus Ultra
Halcyon

Textes : 
- Valérian (Bell WitchLandmvrks, Archspire, Converge, Carpenter Brut)
- Félix D (Nostromo, Moonreich, Messa)
- Julie L (Kabbalah, Gaerea, Soen, Avatar, Abbath, Elder).
- Un grand merci à Laurent pour son aide pour Abbath.

Photos : Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.



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