Le cas d'Edenbridge est plutôt intriguant. S'ils possèdent une réputation certaine et que leur nom est souvent reconnu dans le monde du metal, la formation autrichienne n'a jamais vraiment atteint les sommets. Le succès du combo est plutôt modique, mais il faut bien avouer que la qualité de leur musique est en partie responsable de ce phénomène. Les raisons sont pourtant bien là : en dépit d'un son qui leur est propre, on retrouvait aussi pas mal de défauts récurrents. Manque de mordant, manque d'inspiration, manque d'ambition, difficile de se démarquer face aux poids lourds qui peuplent la scène metal symphonique. Pourtant, le combo ne se laisse pas démonter et reste sur une pente ascendante avec deux bons opus : My Earth Dream et Solitaire. Et très régulier dans ses sorties, c'est à The Bonding qu'on soumet la tâche de continuer cette montée en qualité.
Et à première vue, c'est très bien parti : Lanvall, compositeur du groupe démontrant l'étendue de son talent depuis quelques années, promet quelque chose de plus mélancolique (surtout après la période difficile qu'il vient de passer), mais nous met l'eau à la bouche. Déjà, voilà qu'on apprend qu'ils ont travaillé avec un énorme orchestre mais, en plus, il paraît qu'ils sont plus ambitieux qu'avant. Pour preuve, il y a deux (très) longs titres dans The Bonding, dont l'éponyme. L'une dépasse même les dix minutes !
Voilà que l'auditeur est accueilli d'entrée de jeu par une composition massive de sept minutes au compteur. « Mystic River » nous présente un Edenbridge dans ses meilleurs jours et avec une inspiration énorme. Aucune longueur sur toute la durée du morceau, un jeu de guitare intéressant, posant une ambiance plus sombre qu'à l'accoutumée mais surtout, elle. Sa belle voix. Son charme. Sabine Edelsbacher, avec laquelle les retrouvailles sont de plus en plus réjouissantes années après années. Elle n'en termine plus de progresser pour, ici, nous emmener dans l'univers du combo avec une incroyable grâce. C'est sur ces bases plus que solides que démarre l'opus, pour un quintette semblant plus inventif que jamais, parvenant à emboîter deux éléments qui font très souvent la réussite d'une piste : l'ambiance et le dynamisme.
Cette réussite n'est pas un coup d'essai. Des titres qui en valent vraiment la peine, on en retrouve sur ce disque. « The Invisible Force » convainc grâce à son atmosphère très sombre mais enveloppante, toujours guidée par le chant délicat de Sabine. Si la frontwoman était, à ses départs, considérée comme un ersatz de la charismatique Sharon den Adel (Within Temptation), la comparaison avec la belle néerlandaise n'a plus lieu d'être. L'autrichienne se démarque à sa manière, jouant dans un registre plus grave et plus chaud. Et que ce soit dans les morceaux les plus rapides ou, au contraire, dans les ballades, elle semble jouir d'une grande aisance pour susciter de l'émotion. Que dire de l'excellente « Shadows of My Memory » ? Un growl puissant accompagné de riffs envoûtants, une guitare aux accents power-Maiden d'entrée de jeu, et la voix de la belle sirène doublée par le chant agressif de Wolfgang Rothbauer, une recette qu'Edenbridge semble maîtriser avec talent. Ce titre est parmi les meilleurs que le combo ait composé jusque là.
Sabine est jolie, mais The Bonding ne fait pas bondir ...
Et il y a « The Bonding ». Ce morceau supposé être ambitieux. Celui qui dire une quinzaine de minutes et qui a la lourde tâche de prouver qu'Edenbridge sait faire une très longue composition sans se casser les dents et se décourager quant à la longueur. Pari réussi. Le titre est intense et diversifié, à la fois sombre et épique et nous offrant quelques superbes parties orchestrales : on sent ici le gros travail réalisé ici sur ces éléments symphoniques qui donnent un réel coup de pouce aux ambiances magnifiques. Une petite touche asiatique se fait entendre par-ci par-là, tandis qu'Erik Martensson (Eclipse, WET) offre un duo exemplaire à Sabine. Une superbe conclusion à l'opus grâce à ce titre qui marque l'histoire d'Edenbridge.
Avec tout ça, The Bonding pourrait être un excellent album. « Pourrait », car il y a un mais …
L'ensemble du disque est ennuyeux.
Pourquoi ? Parce qu'il est mou. Beaucoup trop mou. Mielleux à mourir.
Trop de titres poussifs viennent entacher le bilan d'un disque qui aurait pourtant pu être encore meilleur que le très bon Solitaire. Car les « Star-Crossed Dreamer », « Into a Sea of Souls », « Far Out of Reach » ou encore « Death is Not the End » ne relèvent en rien le niveau. Au contraire, celui-ci est abaissé par la platitude, la banalité et le manque complet de magie de ces morceaux qui ne comptent que sur la voix de Sabine pour donner du charme à des pistes sans relief. Et bien que le chant de la belle soit impeccable, quand l'accompagnement n'est pas là, la sauce ne prend pas. Ce qui caractérise la beauté d'Edenbridge, c'est ce mariage entre la qualité instrumentale et la superbe interprétation d'une frontwoman de première qualité. Mais quand il manque quelque chose dans l'addition, les cinq autrichiens peinent à marquer les esprits. Autant dire que la moitié de l'opus souffre de cet échec.
En fait, Edenbridge souffre du syndrome Edenbridge, qui consiste à se reposer sur ses bases, à faire une musique identifiable, mais malheureusement trop bancale, poussive et manquant cruellement d'innovation et d'ambition. L'exemple du typé single « Alight a New Tomorrow » est flagrant, tentant de copier la tubesque « Higher », sans l'inspiration de cette dernière. C'est donc la plus grand tare de The Bonding : une tripotée de morceaux chiants en côtoient de superbes. Ce qui offre donc le bilan d'une livraison correcte, mais sans les ingrédients qui faisaient toute la réussite de My Earth Dream ou Solitaire. Dommage pour la formation autrichienne qui retombe dans ses plus gros travers et ne décollera pas avec cette sortie, pour une conclusion qui commence par devenir trop répétitive chez eux alors que toutes les cartes sont dans leurs mains pour devenir plus grand.