Max Otero nous parle des années Merciless !

Au tout début de leur carrière, ils s’appelaient Merciless. Pour des raisons légales, le quatuor alsacien est devenu Mercyless avec un Y, mais a eu l’opportunité d’enregistrer trois démos qui sont aujourd’hui à nouveau disponibles grâce au label Dolorem Records, sous le nom Unholy Chapters : The Merciless Years. Afin de revenir sur les débuts du groupe de death metal, nous avons discuté avec Max Otero, leader de la formation pour évoquer ces années Merciless et l’émergence d’un incontournable du death hexagonal.

Salut Max et merci à toi de nous accorder cette nouvelle interview. Vous vous apprêtez à sortir une compilation regroupant vos trois démos sorties à l’époque sous le nom Merciless, qui sera disponible chez Dolorem Records en septembre. J’aimerais, si tu le veux bien, que l’on profite de cette sortie pour évoquer un peu les débuts du groupe. A l’écoute des démos, on retrouve un metal extrême aux riffs thrash mais avec déjà du chant death, alors que les premières démos d’Agressor et Loudblast mettaient parfois un chant plus aigu et heavy que vous. C’était une façon de vous démarquer des groupes français de l’époque ?

Max : Hello! Comment vas-tu ? Sur les démos je dirais qu’il y a un chant plus thrash, qui s'est assombri et qui est devenu plus caverneux à partir de la troisième démo, Vomiting Nausea…. Au fur et à mesure, on a changé notre son et nos influences sont devenues très death metal. On voulait se démarquer, certes, mais sans vraiment penser à ce que faisait Agressor, Loudblast ou même Massacra.

 

Pour revenir sur le heavy, dans un fanzine de l’époque, tu disais que vous aviez fait du heavy à vos tout débuts mais que vous aviez rapidement évolué vers le thrash (avec les influences à la Slayer, Sepultura, Kreator ou Death que vous écoutiez alors). Le Merciless heavy, ça sonnait comment ?

Oh et bien si mes souvenirs sont bons, ça devait être de la merde je pense ! (rires)... Au tout début on essayait des trucs pour voir dans quelle direction on allait. Donc il devait y avoir des tentatives qui lorgnaient vers Running Wild, Mercyful Fate ou Judas Priest… On a fait ça pendant deux mois jusqu'au moment où j'ai imité Tom Araya. Là, la donne a changé.

 

Le premier line up de Merciless était composé de toi, Stéphane Viard (qui t’as accompagné jusqu’à Unholy Black Splendor), Boris Mandavis et Gérald Guenzi. Généralement, les débuts d’un groupe ne sont pas les périodes les plus stables niveau line-up, mais vous avez réussi à rester ensemble sous ce line-up durant ces premières années, Boris quittant le groupe avant la sortie d’Abject Offering et les autres continuant avec toi encore quelques années. Quel a été votre secret à ce niveau-là ?

On était des copains tout simplement, jeunes et fougueux avec l'envie de bouffer le monde ! On faisait de la musique ensemble, on sortait aux concerts, on faisait les cons. La vie d’un groupe quoi ! On était en symbiose ensemble car on a tout découvert ensemble et évolué musicalement. Le terme même de groupe à l'époque était très important car il représentait une famille en quelque sorte et il fallait respecter quelques principes… Tu ne rentrais pas dans un groupe comme aujourd'hui en écoutant les mp3 des chansons pendant le weekend end et en apprenant les titres dans ton coin ! C'était un cheminement très long.

 

Concernant les compositions, on constate aussi que durant les premières années, vous n’avez recyclé aucun titre, puisque chacune des démos comportait des nouvelles compositions. C’est pareil pour Abject Offering, qui ne comporte aucun titre tiré des trois démos précédentes. Par conséquent, on imagine beaucoup de créativité dans le groupe à cette période-là. Quel souvenir gardes-tu de vos sessions d’écriture de l’époque ?

On composait beaucoup car on travaillait énormément en répétition ! Chaque nouvelle chanson était un défi et une remise en question. De plus, il ne faut pas oublier qu'à cette époque la musique évoluait très vite et que tous les jours on découvrait un nouveau truc… donc cela nous permettait tout le temps de bosser dans de nouvelles optiques. Aujourd'hui encore on essaye de travailler les morceaux au maximum et ensuite de prendre du recul, les réécouter pour ensuite revenir dessus, et ainsi de suite… Comme à l'époque !

En début de carrière, les groupes ont tendance à beaucoup se focaliser sur des reprises. Pourtant, même si je sais que vous en avez fait quelques-unes de Metallica ou Destruction, elles n’ont jamais été publiées. C’était pour des questions de droits à l’époque ?

Non tout simplement c'est que tu n'entrais pas en studio et enregistrais comme aujourd'hui… Cela coûtait très cher pour nous à l'époque et c’était compliqué à faire… Donc ces reprises sont restées au stade de démo de répète et on les jouait en live principalement… il y avait Slayer et Venom aussi.

 

Dès les démos, on retrouve également les thèmes qui ont fait la force du groupe par la suite, basés sur un rejet de la religion chrétienne (« Unholy Chapters », « The End of Christianity »). C’était important pour toi de garder une thématique dans tes textes ?

Bizarrement, j'ai toujours navigué dans ce domaine car j'ai toujours trouvé que la correspondance entre la musique extrême (de l'époque) et l'interprétation de la religion était assez en phase pour développer quelque chose de malsain et violent au niveau des textes. Il faut dire que la façon de chanter et les textes de Tom Araya et de Cronos m'influençaient beaucoup !

 

Aujourd’hui, il est plutôt facile d’enregistrer une démo, surtout depuis le développement des home studio et de la MAO. Mais en 1987-1989, on imagine que c’était une sacrée aventure. Peux-tu nous en parler un peu ?

Ah oui… Un long chemin de croix (inversée) et un sacré bordel avec les ingés son qui ne comprenaient rien à notre style. Le plus extrême pour eux, c'était Scorpions et Judas Priest… alors imagine au moment du mix ! Sans compter notre manque d'expérience. C'était très compliqué et enregistrer un truc qui tienne la route était harassant car le processus d'enregistrement très long. Il fallait être prêt à l'époque avant d'entrer au studio. On ne pouvait pas faire d’édition et de copier/coller comme aujourd'hui, puisque tout était sur de la bonne vieille bande.

A ce propos, on sent un grand écart au niveau du son entre Vomiting Nausea, la troisième démo et Immortal Harmonies (la première), comme si en peu de temps, vous aviez énormément progressé dans l’enregistrement. Que s’est-il passé en deux ans ?

Je dirais qu'à l'époque tout allait très vite et entre la première démo et Vomiting Nausea plein de choses ont évolué vers un style plus sombre et plus abouti. Nous avons accordé les guitares plus bas, nous avions du matériel plus spécifique pour jouer ce style, et on a travaillé notre façon de composer et les textes. On a franchement passé un cap car encore une fois on a mis nos tripes dans tous les domaines pour évoluer.

 

Quel souvenir gardes-tu de vos premières dates à l’époque ? Peux-tu nous parler un peu des conditions de jeu qui étaient les vôtres en 198-1988 ? On imagine que c’était assez épique non ?

Ah oui au début, c'était très épique et parfois très chaotique. Au début on apprenait plein de choses qu'on ne savait même pas : on ne savait pas ce qu'était un soundcheck, ni à quoi servait les enceintes de retours. On était très jeunes et encore un peu naïfs. Petit à petit on a appris les bases du métier. Je me rappelle que pour les trois premiers concerts que l’on a donnés, on n'entendait rien et on jouait au hasard, voire tout simplement n'importe quoi ! Par contre l'ambiance dans le public était vraiment excellente bizarrement, probablement grâce à notre côté thrash. On était par moment à l'ouest, il y avait beaucoup d'excitation dûe à notre jeune âge, sans oublier quelques canettes qui n'aidaient pas à la précision dans le jeu... si tu vois ce que je veux dire ! (rires)

 

Après avoir tourné quelques années sous le nom Merciless et avoir bâti votre réputation dans l’underground sous cette appellation là, vous avez dû changer de patronyme à cause du groupe suédois du même nom. Comment as-tu vécu ce moment-là ?

Ça a été compliqué à digérer seulement pendant quelques jours car on a fait le changement juste au moment de sortir le premier album. Donc finalement cela ne nous a pas trop affecté. Et en plus, on a quand même gardé le nom puisque nous avons seulement changé une lettre. D’ailleurs, ça a fait chier le groupe suédois, même si je ne l’ai appris qu’après.

Aujourd’hui, énormément de groupes ne passent plus forcément par la case démo et sortent directement un album, étant donné que les possibilités d’enregistrement se sont démocratisées. Est-ce que tu regrettes cela ? Qu’apportait cette phase dans la carrière débutante d’un groupe selon toi ?

Ouais carrément je trouve que la démocratisation du numérique et l'enregistrement "maison" a complètement changé la donne et les perceptions de la musique. Je trouve que l'on va trop vite en besogne et on brûle parfois des étapes, ce qui nivelle la scène et la musique en général vers le bas ! Aujourd'hui les groupes n'ont plus de recul et veulent tout et tout de suite… Il n’y a plus trop de répète, on apprend et joue devant l'ordi, on échange par mail et on compose vite sans recul et sans se prendre trop la tête. Je vois des trucs par moment qui me paraissent incroyables… Notamment le cas d’un groupe avec seulement un an d'existence et un album autoproduit qui me propose une tournée à leurs conditions ! Si, si… et il y a plein d’autres anecdotes comme ça qui me font dire que beaucoup de gens sont perdus et suivent les dictats d'internet sans se poser de question. Voilà pourquoi aujourd'hui il y a beaucoup de sorties d'albums et de nouveaux groupes mais à mon sens, cela se traduit par très peu de qualité et d'albums qui font vibrer comme à une époque ! On privilégie la quantité à la qualité… Attention je pourrais dire la même des "grands" groupes qui de nos jours vont trop souvent faire des concerts et festivals et qui torchent des albums dégueulasses en deux semaines juste pour justifier les 150 concerts qui vont suivre !

 

Dans le fanzine que j’évoquais plus tôt, à tes débuts tu balançais des critiques assez acerbes vers les styles qui étaient en vogue à l’époque, notamment les groupes à la Guns N’ Roses ou Europe. Est-ce qu’avec le temps, tu as réhabilité ces groupes ?

Non ! Ils brûleront en enfer comme les autres avec Ratt, Poison, Cinderella et le grunge et le neo metal! (rires). Mais ce ne sont que mes sentiments et ça n'engage que moi !

Cette réédition des premières démos s’accompagne d’un nouvel artwork, réalisé par Chris Moyen qui garde le côté old school de l’époque (dessin en noir et blanc) tout en donnant un gros coup de jeune à l’ensemble. Qu’as-tu pensé quand tu as découvert cet artwork ?

Je le trouve magnifique et Chris a fait un vrai boulot sérieux et appliqué comme il sait le faire ! Il a écouté mes inspirations et il m'a proposé des croquis…et bim en avant les boucs ! C'est lui le patron, cherche pas !

 

Après avoir parlé du passé, on va se tourner un peu plus vers l’avenir maintenant. The Mother of all Plagues date déjà d’il y a trois ans et en raison du Covid, vous n’avez pas beaucoup pu tourner pour le promouvoir. Quels sont les projets à venir du coup ? Essayer de le défendre sur scène ou lui proposer un petit frère ?

Effectivement, on sort comme beaucoup d'une période compliquée mais on s’est rattrapé depuis quelques mois et on a pas mal joué… on a réussi à défendre cet album malgré tout, mais on est déjà en train de travailler sur le nouvel album que l'on va enregistrer en novembre…On prépare 2024 en force !

 

Merci à toi Max pour tes réponses. On te laisse le mot de la fin pour les lecteurs de LGR.

Encore une fois merci pour ton soutien et a ceux qui continuent à lire les zines ! On aura toujours besoin de gens comme vous et du public qui soutient l'underground ! N'écoutez pas ces clowns qui pensent diriger nos vies, choisissez vos destinées en fonction de vos inspirations, de vos familles et de vos projets, et surtout ne cédez pas à la peur ! On vous prépare notre nouvel album pour 2024 ! Soyez là, et STAY EVIL !

Interview réalisée par mail en septembre 2023
Photo promotionnelle : DR // Photographies Live : © Watchmaker

Unholy Chapters - The Merciless Years disponible chez Dolorem Records

 

Tracklist : 

 

01. Another Desolation
02. No Theory
03. Pits Of Silence
04. Vomiting Nausea
05. Visions From The Past
06. Perfect Mind
07. Unholy Chapters
08. Paralysis
09. Sudden Death
10. Hades
11. Intent To Kill
12. The Last Days Of Christianity



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