Enshine – Origin

Shine on...

Disponible depuis le 15/05/13 chez Rain Without End Records

Quand un ex-Slumber et Atoma (le guitariste Jari Lindholm) et un Fractal Gates (le clavier/chanteur Sébastien Pierre, ex-Inborn Suffering) rassemblent en 2009 leurs forces, cela donne : Enshine ! Le résultat aujourd'hui de cette brillante union Franco-Suédoise (comme quoi, l'Europe, quand c'est basé sur la seule vraie passion et l'intelligence, et non sur le calcul, les intérêts et les biftons, ça peut marcher!), le premier petit rejeton, donc, de l'alliance de ces deux papas (soyons dans l'air du temps) s'appelle Origin, il a vu le jour le mois dernier - après une dernière échographie deux jours plus tôt qui avait révélé le titre inédit "Brighter" - sur un label 'doom' canadien au nom évocateur, puisqu'il s'agit du titre de l'album fondateur culte d'October Tide, comme vous avez pu le voir plus haut ... On part donc déjà sur de bonnes bases !

Comme en général pour tout accouplement, le bambin a pris un peu de ses deux parents : la facette atmosphérique et délicate de Slumber (un brin d'Atoma aussi, notamment sur les instrumentales, néanmoins sans la complexité accrue de ces derniers), et la puissance de feu (mais sans la touche death mélo, il convient de le dire) de Fractal Gates. Le point commun entre les deux étant cette fascination pour les astres et l'espace intersidéral, au service cette fois d'une musique  plus 'doom/death' méditatif.

 

Au fil des titres, d'autres influences encore, plus ponctuelles celles-ci, ressortent. C'est ainsi que le titre d'ouverture, "Stream of Light", pourrait être vu comme une belle révérence au doublé gagnant de Katatonia, Brave Murder Day et l'EP Sounds of Decay... Larsens hypnotiques, accords denses et appuyés, arpèges mélancoliques renforcés de 'delays' et d'échos, mélodies nostalgiques et aériennes, chant guttural caverneux et déchiré, batterie 'mid-tempo' lancinante, tout est là (on notera quand même toutefois des tempos un peu plus élevés que la moyenne...), avec en prime de bien belles nappes de claviers atmosphériques.
Ailleurs, la mélancolie ambiante rappellerait presque le Insomnium d'Across the Dark (exit la touche 'melodeath', encore une fois...). Musicalement, c'est parfois comme si on avait cryogénisé ensemble le The Gathering de Nighttime Birds et de morceaux comme "Eleanor" ou "Sand and Mercury", le Eternity d'Anathema et les vieux Theatre of Tragedy avant de les mettre en orbite sur la Voie Lactée ! L'apparition d'éléments plus foncièrement électroniques sur "Refraction" renverrait quant à elle tout autant à Atoma qu'à un Amorphis par exemple. On note également alors l'incursion de rythmiques martiales plus piquantes encore. "Cinders" marque, elle, l'apparition de chants clairs masculins sur plusieurs 'strates', avec une emphase digne cette fois du Anathema plus récent (avec un batteur tout aussi expressif, que l'on imagine sans peine vivre pleinement son morceau...). L'instrumentale "Astrarium" prolonge encore l'intimité du moment avant que la superbe "Ambivalence" ne vienne la sublimer (les petites interventions quasi-mystiques de Sandy Mahrer au chant féminin dans le lointain sont saisissantes et jamais envahissantes, en tout cas pas dans le mauvais sens du terme !).

Plus qu'une mélancolie maladive et chronique, la grande composante de cet album serait donc cette dimension spatiale et contemplative. Pas aussi expérimentale et connotée que là où Fractal Gates peut l'emmener parfois, ici l'on aurait davantage le sentiment que c'est l'auditeur lui-même qui flotterait en apesanteur, comme le témoin recueilli de la beauté froide, silencieuse et infinie de l'univers (cf au passage le superbe artwork...). Une écoute au casque révèle d'autant plus les richesses de cet album, qui ne pourrait de fait s'apprécier en simple arrière-fond sonore sans véritable immersion, tant il vous enveloppe de toute façon dans un état d'introspection et d'appaisement qui ne saurait se satisfaire de quelque distraction extérieure.

Le point fort de cet opus, s'il fallait en retenir un seul, réside en ses mélodies. C'est en effet un véritable régal pour les oreilles de suivre les lamentos d'une guitare plaintive et stellaire à souhait à mi-chemin entre les jeux revisités d'un Gregor Mackintosh de Paradise Lost, de Dany Cavannagh d'Anathema (ces notes aigues tenues qui partent en feedback contrôlé...), de René Rutten dans The Gathering, de Christofer Johnsson dans Therion et d'Anders Nystrom de Katatonia, puisqu'on en parlait. Parfois plus démonstratif à l'occasion, mais sans jamais sacrifier à l'intensité de l'émotion du moment. Bravo donc à Mister Lindholm pour ce beau travail... Les autres musiciens (de session, ceux-là) ne sont pas en reste, rien d'étonnant puisque ce sont également des transfuges de chez Atoma et Slumber en la personne de Siavosh Bigonah (basse) et d'Oscar Borgenstam (batterie).

Mais j'en oublierais presque, diantre alors, d'être un peu chauvin sur ce coup-là, c'est que notre Sébastien Pierre ne démérite pas non plus derrière ses claviers - dans des atmosphères amples parfois très proches d'ailleurs de celles dévelopées dans Fractal Gates (cf notamment la magnifique "Nightwave", qui regorge également de motifs mélodiques - notamment à la guitare - qui n'auraient pas dépareillé chez Melted Space). Quant à son chant guttural, bien qu'aussi convaincant qu'à l'ordinaire, il gagnerait toutefois à se renouveler davantage tant on aurait l'impression à la longue d'avoir fait le tour de la question, et surtout que de par sa linéarité et son aspect monocorde il serait le seul élément dans la composition d'Enshine à ne pas être autant exalté que les autres, et surtout à ne pas atteindre les mêmes sommets d'intensité (c'est notamment le cas sur "As Above"...). Dommage également que le son de guitare rythmique soit un peu plus étouffé que le reste, « souffle » et manque quelque peu de définition, comparé à la limpidité du magnifique jeu des leads. En parallèle, la basse se révèle infiniment plus ronde et profonde, même si pas aussi prononcée (dommage...) que chez Slumber.

L'expérience auditive retombe donc un peu sur la fin, faute de rebondissements plus marquants que son début en fanfare. Il eut peut-être fallu plus de titres délibérément accrocheurs dans la lignée de "Stream of Light", ou bien intégrant d'autres éléments encore afin de rester captivant sur toute la durée du disque plutôt que se reposer sur les mêmes - mais avec moins de relief - en fin de parcours ("Above us" malgré son magnifique solo final, et la plus banale "Constellation" d'outro). Ces quelques réserves mises de côté, on tient là enfin un superbe successeur au Fallout de Slumber, sans toutefois la magie éthérée des arrangements de ce dernier (quoiqu'on s'en approche vraiment sur les pianos et certaines orchestrations, où se fait vraiment sentir la 'patte' de Lindholm), ni même tous les contrastes saisissants qui nous avaient scotchés naguère, mais en revanche assurément mieux produit, plus massif et avec une dimension visuelle et évocatrice peut-être davantage prononcée encore. Espérons donc que cet opus soit à l'Origin d'une floppée d'autres petites rêveries stellaires encore...

LeBoucherSlave

"Come on you raver, you seer of visions, come on you painter,
You piper, you prisoner... Enshine !"

7/10

enshine, origin, new album 2013 with fractal gates/inborn suffering & atoma/ex-slumber members

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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