Alors que Gnô était de passage au Triton, en pleine tournée en promotion de leur dernier album en date, Crass Palace, le groupe s'est entretenu avec La Grosse Radio.
Au sommaire de cette interview déjantée, vous trouverez notamment :
- le bilan des retombées du précédent album sur le groupe
- un retour sur l'ensemble de leur carrière
- l'approche artistique abordée pour Crass Palace
- l'utilisation de la guitare 7 cordes selon Christophe Godin
- leur volonté toujours plus forte de s'intégrer à la scène métal
- les plans du groupe pour jouer à l'étranger
- leur avis sur la scène métal française
- leur point de vue sur la possibilité pour les artistes de vivre de leur art avec internet
Avec ce troisième album, une nouvelle page de l’histoire de Gnô se tourne. Comment feriez vous le bilan de la période Cannibal Tango et des retombées sur le groupe ?
Christophe : On a beaucoup appris, surtout en terme de communication. On avait tout fait à l’envers pour Cannibal Tango et plutôt mal ! Donc là, on essaye de faire les choses à l’endroit, et en essayant aussi de faire mieux, et pour l’instant ça fonctionne plutôt bien. Beaucoup de choses avaient été faites en dépit du bon sens, comme le fait de sortir un clip après la sortie de l’album, de signer sur un label après… Là, tout est mieux ordonné et condensé, on a la promotion en même temps que la sortie de l’album et les dates de concert, un clip qui sort avant, ça a plus de sens.
Peter : C’est aussi grâce à Send The Wood, notre nouveau label, qui nous donne des échéances, comme à un vrai groupe quoi ! Ils nous bottent un peu les fesses pour nous dire « là il y a telle échéance », et par exemple, il y a deux ou trois ans, lors de notre précédent passage au Triton, la plupart des gens ne savaient même pas qu’on avait sorti un nouvel album, il y avait très peu de communication. Là, on a des chroniques, pas mal de presse, et ça change beaucoup !
Il y a eu dix ans entre Thrash Deluxe et Cannibal Tango, et deux petites années entre ce dernier et le nouvel album, pourquoi ?
Christophe : c’est une erreur, il y aurait du y avoir dix ans entre les deux derniers albums ! [rires]
Gaby : La raison est très simple, on a fait Thrash Deluxe sans trop savoir ce qui se passerait après. On a eu un super label qui a coulé à peu près trois mois après la sortie de l’album, donc on a bien ramé pendant deux ans. On a essayé de resigner dans un autre label qui lui-même ne s’est jamais monté ! [rires] Donc après Thrash Deluxe, il y a eu quatre années de galère contractuelle, et on a décidé de mettre le groupe en veille en 2005. Chacun est parti sur d’autres projets musicaux jusqu’à environ 2009, où on a décidé de reformer Gnô. Voilà pourquoi il y a eu tant de temps entre les deux premiers albums.
Parlons du nouvel album, il est plus sombre encore que son prédécesseur, pourquoi ce choix ?
Peter : Cannibal Tango n’était pas si sombre que ça soit dans la musique ou l’imagerie. En fait, on s’est aperçu que nos petits délires faisaient bien marrer une partie de nos fans et nos potes, mais que ça repoussait aussi toute une partie de l’auditoire. Typiquement, un mec qui aime le métal se serait pas forcément approché de Cannibal Tango, ne serait-ce que pour la pochette, tout bêtement. Sur scène, on reste nous-même, c'est-à-dire que ça ressemble pas mal à un concours de blagounettes, à deux balles de préférence ! Mais c’est vrai que pour le nouvel album, les idées et les textes qu’on avait nous on amené vers quelque chose de plus sombre. Mais les gens sentent tout de même le second degré, donc c’est cool !
Est-ce que le côté sombre de cet album est une réaction à vos autres projets musicaux notamment Mörglbl, Inglorious Fonkers ou Litchy Litchy ?
Christophe : Je ne pense pas. On a juste fait un choix de faire quelque chose d’un peu détourné dans la noirceur. C’est aussi pour être un peu plus dans l’imagerie métal et arriver à trouver une autre voie que celle qu’on taille depuis 10 ans avec que des choses humoristiques.
Gaby : On a tous effectivement d’autres groupes à côté, mais ils n’ont aucune influence les uns sur les autres. Quand on est sur un projet, on reste concentré sur celui-ci et on n’a pas forcément de vision d’ensemble.
Avez-vous donc maintenant l’impression d’être plus intégré à la scène métal, sachant que c’était votre volonté il y a deux ans pour la sortie de Cannibal Tango ?
Gaby : Ca commence, on se sent pas non plus totalement intégrés à la scène, mais on voit que des ponts sont en train de s’établir.
Christophe : Il y a effectivement des connexions qui s’établissent. Par exemple, Stéphane Buriez a envie de nous faire participer à son émission « Une dôse de métal ». Ce qui est drôle, c’est qu’on est des fans de métal tous les trois, on a joué du métal puisqu’avec Peter, on a fait Temple il y a quinze de cela, et pourtant, on a toujours pas une image de métalleux. Mais, dans nos autres projets respectifs, on a l’image de gens qui sont trop métal pour ce genre de choses !
Peter : C’est vrai que Gnô n’est pas foncièrement métal, donc on n’est pas encore en train de jouer dans un festival métal bourrinos. On pense qu’on y a notre place, d’autres pensent la même chose, donc il n’y a pas de raison qu’on n’arrive pas à jouer dans ce genre de festivals un jour.
Donc on peut espérer voir Gnô jouer au Hellfest ou d’autres festivals métal en France dans un futur proche ?
Gaby : On l’espère ! Des gens très compétents y travaillent, nous y compris. Inch Allah !
Peter : Oui d’ailleurs, il faudrait que tu passes au merchandising, parce que sinon … [rires]
Gnô a un statut de groupe culte, connu d’un petit nombre d’initiés. Est-ce que vous préféreriez être moins cultes mais plus populaires ?
Christophe : On se pose pas trop ce genre de questions. On ne s’est jamais dit « transformons notre musique pour plaire ». Le choix qu’on a fait avec cet album était surtout pour correspondre à une imagerie. Il faut savoir que Gnô n’a jamais été une partie de plaisir au niveau du business, pour plein de raisons différentes, probablement aussi parce qu’on n’est pas dans la famille métal pure et dure. Probablement aussi parce qu’on a fait des choix artistiques, ne pas se donner des limites de style, quitte à faire des mélanges.
Peter : Clairement, l’intérêt du groupe est en train de grandir, donc il faut qu’on occupe le terrain, qu’on sorte des albums et qu’on fasse des tournées, parce que comme le marché du disque se porte pas très bien, il faut faire du live. Le métal, c’est une petite communauté de spécialistes, et il faut qu’on arrive à être vue sur cette scène là pour « exploser ». On est là avant tout pour se faire plaisir, mais c’est vrai qu’on cracherait pas sur un petit peu plus de succès, ça serait plaisant. Finalement, c’est peut être mieux d’avoir quelque chose de construit, un fan-base solide, plutôt qu’un instant-fame et se produire directement au Hellfest.
Gaby : Ouais, juste avant Kiss ! [rires] On vous cache pas que si on vendait plus d’albums, ça serait plus confort pour nous, mais c’est sûr qu’on ne prostituera pas pour faire un hit. Je crois qu’on préfère rester culte, pouvoir se regarder dans la glace et faire ce qui nous plaît. Et puis il y a aussi tout un tas de groupes ou artistes dont on est fan et qui n’ont pas non plus connus un succès de fou, donc quelque part, ça fait aussi partie de notre background.
J’ai remarqué qu’il y avait plusieurs chansons dans la discographie de Gnô qui font référence à l’univers des jouets. ("Toy Crusher", "The Doll", "Toyboy No More")
Christophe : Je crois que c’est une coïncidence. En l’occurrence, The Doll fait référence aux bimbos. Après, « toy » est un mot avec lequel on peut créer plein d’univers. On aime bien aussi les trucs un peu déglingue.
Gaby : Ouais, on aime bien les jouets ! [rires]
Peter : Pour le coup, je pense que c’est inconscient… Ou alors c’est qu’on aime jouer avec le public, peut être !
Christophe : Moi, j’aime jouer avec toi ! [rires]
Christophe, on peut entendre de la guitare sept cordes sur Crass Palace. Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’y mettre ?
Christophe : Ce que les gens ne savent pas, c’est que je m’y suis mis sur le deuxième album de Mörglbl, donc depuis 1999 ! Il y en a même sur chaque album de Gnô. Donc en fait, j’en joue depuis très longtemps. D’ailleurs, sur cette tournée, je ne me suis pas embêté, j’ai pris deux 7 cordes.
Gaby : Là, on revient sur le côté plus sombre de l’album. Je pense que le fait que la 7 cordes soit plus présente sur l’album n’est pas innocent, ça donne un côté plus heavy.
Est-ce que tu penses que ce genre d’outil peut aider à être original ?
Christophe : Je pense qu’à partir du moment où tu étends la tessiture d’un instrument, ça ouvre des portes. Après, tout dépend de la manière dont tu l’utilises, évidemment. Par exemple, je trouve que des groupes comme Korn sont beaucoup plus créatifs en sept cordes que beaucoup d’autres groupes métal qui n’ont fait que décaler leurs riffs d’une quarte, alors que Korn a crée un univers autour de ça. Après, quand Steve Vai est arrivé avec Passion and Warfare, il a aussi crée aussi un précédent.
Peter : Moi c’est l’inverse, tu vois, j’ai enlevé des fûts sur ma batterie ! [rires]
J’ai lu quelque part que tu évoquais le fait de faire un nouvel album solo. Qu’en est-il ?
Christophe : Il est trop tôt pour en parler. Là, je suis vraiment sur Gnô, et après, je vais commencer la composition du sixième album de Mörglbl. C’est plus important pour moi d’être guitariste dans un groupe que de faire un énième album solo de guitare.
La question de guitar-geek : est-ce que tu sweepes en barré, ou est-ce que tu frettes les notes avec chaque doigt ?
Christophe : Non, je sweep avec le barré, et j’étouffe les notes que je viens de jouer avec le pouce.
Est-ce que vous avez des plans pour jouer à l’étranger ?
Christophe : Pour le moment, avec Gnô, pas vraiment. Mais j’ai la chance de tourner depuis des années avec Mörglbl, donc petit à petit , j’essaye de faire que Gnô puisse bénéficier de ça. C’est en train de se construire.
Est-ce que vous pensez que la forme qu’est en train de prendre Internet peut aider les artistes à vivre de leur art ?
Peter : C’est déjà plus ou moins le cas. C’est sûr qu’on est pas vraiment Bon Jovi au niveau du compte en banque, mais il y a des outils qui permettent de vendre et promouvoir la musique sur Internet.
Christophe : C’est vrai, mais par exemple, Youtube rapporte de la popularité, mais pas vraiment d’argent, donc je crois qu’il faut avant tout exister sur scène.
Qu’est-ce que vous pensez de la scène métal française et quels sont les groupes qui vous font le plus impression ?
[tous] : Gojira.
Christophe : Sur scène, c’est juste terrifiant. Je suis allé les voir il y a un mois et je me suis pris une beigne monumentale. Pour moi c’est le groupe de métal français, voire un des grands groupes de métal internationaux, parce qu’ils ont tout. Ils ont un univers musical fort, et ce qu’ils font est puissant. J'aime aussi Watcha, Lofofora… Après, il y a tellement de choses qui sortent, c’est difficile de tout suivre, surtout quand toi, tu essayes de faire ta propre tambouille.
Gaby : Après, c’est vrai que même si on est tous fan de métal, on est très éclectique, et on écoute plein d’autres choses, donc on est peut être moins pointus que des gens qui écoutent que ça.
Le mot de la fin, est-ce que vous avez un mot pour nos lecteurs, et vos fans ?
Christophe : Va te faire enc*ler ! [rires]
Gaby : Bah, on a besoin de vous. Pas forcément pour l’argent, hein ? [rires] C’est super de voir qu’il y a un vrai engouement autour du projet, que ça se concrétise. On est vraiment décidé à occuper le terrain et pas lâcher l’affaire. On a envie de jouer et de tourner !