Quoi de mieux qu'une jolie playlist metal pour animer les longues soirées d'hiver ? Découvrez notre sélection des Gros Émergents Metal : notre rédaction y met à l’honneur quelques formations émergentes qui lui ont tapé dans l’œil (ou plutôt dans les oreilles). Nous espérons que cette mise en lumière permettra à des groupes passionnés et de qualité d’obtenir l’exposition qu’ils méritent, car ils sont la preuve de la richesse et la diversité de notre scène musicale. Bonnes découvertes !
20 Seconds Falling Man – Resilience (post hardcore)
Le quintette originaire de Nantes, que nous avions apprécié lors de son passage en 2022 au Motocultor présente aujourd’hui Resilience, seconde partie d’un diptyque entamé en 2021 avec la sortie de VOID, son premier opus studio. Sept titres composent cette nouvelle offrande marquée par l’intensité et la charge émotionnelle d’un post hardcore déchirant. Des incursions dans des univers mélodiques et aériens viennent tempérer la violence et la lourdeur des passages hardcore ou noise au chant écorché et à la rythmique punitive (« Shadow of the Past »).
L’univers sombre et introspectif proposé par 20 Seconds Falling Man se teinte d’une certaine lueur d’espoir, s’appuyant sur un solide travail sur la densité et les textures dans les arrangements. Les guitares délivrent de l’émotion à revendre, par des riffs circulaires et une belle complémentarité entre lead et rythmique. Ce jeu sur les transitions apporte un relief bienvenu, dans des ruptures bien menées (« Fear of the Unknown ») ou des outros suspendues (« Our Life is Now »).
La présence de lignes de chant clair, rappelant parfois les années 90, surprend mais se fond parfaitement dans l’univers dark et la mélancolie ambiante (« Resilience) ». Des compositions marquantes et complexes se révèlent comme des pièces maîtresses du post plus affirmé des Nantais : gros riffs et solides lignes de basse accompagnent le chant et le chœur pour une conclusion magistrale dans « Crossroads », et l’ultime piste « New Moon » dépeint des paysages atmosphériques avant d’entamer une superbe montée en puissance. Un nouveau palier a été franchi pour le groupe avec ce second opus riche, poignant et nuancé, qui invite à une certaine contemplation au milieu de la fureur et du bruit – à moins que ce ne soit l’inverse ?
Chronique : Julie L
Bipolar Architecture – Metaphysicize (post metal)
Le combo berlinois Bipolar Architecture, composé de musiciens originaires d’Allemagne et de Turquie ayant précédemment joué ensemble dans une formation de death metal, Heretic Soul, présente aujourd’hui son deuxième album. Deux ans après Depressionland, le groupe s’affirme dans l’expression toujours plus brutale mais nuancée d’une introspection existentielle, tiraillée entre douceur et chaos. Une dichotomie qui se retrouve dans le jeu incessant entre des paysages aériens post-rock saisissants et des attaques rageuses et violentes versant dans le (post) black, avec de discrètes touches de synthés et une production moderne, vibrante et dynamique.
Des lignes de guitares hypnotiques (« Metaphysicize »), transitions bien menées et des touches modernes électro (« Disillusioned », Death of the Architect) renforcent la force des compositions puissantes, poignantes mais destructrices marquées par le blast beat meurtrier de Fatih Kanık et les hurlements rauques de Sarp Keski - dans sa langue natale pour le titre « Kaigi », qui cristallise également toute la dualité de la musique de Bipolar Architecture. Les passages ambients et le chant rageur entrent en collision et jusqu’à ce que des breakdowns d’une lourdeur phénoménale viennent souffler l’auditeur. « Alienated » souffle le chaud et le froid, et de ces chocs entre cris du cœur et angoisses poignantes, surgit l’émotion. Le groupe marque également par des montées en puissance comme dans « Immor(t)al », où le chant s’efface, et l’excellente « Dysphoria » qui clôt l’album sur un final écrasant tout en riffs monstrueux.
On pense à Cult of Luna pour les crescendos destructeurs, à Harakiri for the Sky pour les boucles de guitare hypnotiques et à Der Weg einer Freiheit pour la noirceur angoissante. Difficile d’imaginer que Metaphysicize (sorti sur l’excellent label Pelagic) n’est que le second album d’un jeune groupe tellement le son de Bipolar Architecture regorge d’une maturité décomplexée et d’une intensité de chaque instant. Une réalisation impressionnante, complexe mais saisissante, pour le combo que l’on attend désormais de pied ferme sur scène dans nos contrées.
Chronique : Julie L
Something Animal – Bestial Curse Part 1 (post hardcore)
Bestial Curse Part 1 est un EP cinq titres, premier volet d’un triptyque sur lequel le quintette parisien de « hardcore chaotique » compte présenter et façonner son identité musicale. Bestiale ? Évidemment. Mais pas uniquement … Les fabulistes des temps modernes portent un regard plutôt sombre sur le monde qui les entoure, en refusant cependant toute moralisation et en criant leur frustration. Illustré par un bel artwork signé de l’artiste française Camille Murgue, l’album se décline en cinq titres aux noms d’animaux, balayant avec pas mal de brutalité les failles de l’être humain. Mais ce bestiaire amer est loin d’être uniforme et monochrome.
Le sentiment d’urgence règne dès les premières mesures, et vite la bagarre s’installe avec « Rats », suivi par « Hyena » à la rythmique implacable, effrénée même, sur laquelle des riffs groovy s’installent cependant. Les lignes de basse bondissantes et des passages très rock’n’roll viennent tempérer quelque peu le chaos (« Bird »). Le timbre et la présence vocale de Vincent s'imposent sur tous les titres comme un véritable atout. Quelle puissance dans le cri et quelle force d’interprétation !
Something Animal tape fort, très fort, mais sait aussi ralentir pour mieux marquer les esprits. Après une première partie sauvage, des riffs pachydermiques accompagnent la fin de « Dove », quant à « L.I.O.N. », il se révèle, bien sûr, impitoyable, féroce même, dans le cri et les sympathiques lignes de basse. Des passages plus lents, entêtants, annoncent une grosse montée en puissance dans le final rugissant (« I’m a fucking lion »). Une bagarre cherchée, des variations dans le hardcore qui sait ralentir ou se poser dans des refrains marquants, et surtout du groove, irrésistible, voilà les ingrédients savamment disséminés par Something Animal dans ce premier EP. En seize minutes, les Parisiens assènent un véritable coup de poing et s’installent sans vergogne dans le paysage post hardcore français, tout en piquant habilement notre curiosité.
Chronique : Julie L
A/Oratos - Ecclesia Gnostica (black metal atmosphérique)
Le19 janvier dernier, sortait le premier album de A/Oratos, formation française de 2016 et aujourd'hui produite par Les Acteurs De L'Ombre : Ecclesia Gnostica. Après un EP autoproduit en 2019 (Epignosis) Wilhelm revient en force avec sa nouvelle équipe et sept titres de ce qu'ils proposent comme du black metal gnostique.
A/Oratos, porté par Wilhelm (guitare), Aharon (chants), Leo Dielman (basse) et Kampen (batterie) pose dans cet album un black metal pur et atmosphérique, à la manière d'Emperor, dans lequel sont étayés les concepts de gnose (acquisition de LA connaissance, par l'initiation divine et l'intuition spirituelle) et d'hermétisme (doctrine ésotérique fondée sur des écrits de l'Antiquité classique attribués à l'inspiration de Hermès Trismégiste, bien connue des alchimistes).
Les césures et autres ruptures habitent cet album et viennent semer un chaos rythmique ne laissant à l'auditeur aucun répit. Mention spéciale au mixage savant de Fred Gervais (Studio Henosis), mais attention à ne pas écouter cette pépite sur n'importe quel support : Les basses si lourdes et l'équilibre très travaillé de la production passent à l'as sur des enceintes bon marché.
Le mysticisme est musicalement très présent dans Ecclesia Gnostica, grâce à un aspect mélodique n'étouffant jamais la brutalité ou la violence des riffs et des rythmes. On y retrouve des chants, parfois clairs, et autres imprécations posant une atmosphère solennelle qui viennent se briser sur les cris et borborygmes évoquant le cérémoniel païen et le sauvage de l'âme obscure. Tous les textes sont en français, à l'exception de "Deuteros", en grec ancien, et livrent une poésie chargée de connaissances et de symboles. Grande réussite pour ce premier album de A/Oratos, qui explore le visible et le non visible, dans un black metal pur et mélodique, avec des atmosphères grandioses et riches
Chronique : Fri
Eternal Storm - A Giant Bound To Fall (death mélodique atmosphérique)
La beauté dans l'agressivité, voilà qui résume bien cet album d'Eternal Storm. Le groupe officie dans un style qui entremêle des éléments de death très agressifs à des parties fort mélodiques, d'autres extrêmement planantes et / ou progressives. Du melodeath prog atmosphérique ? En tous cas, le résultat est sublime. Cet album, A Giant Bound To Fall, a quelque chose de diffusément déchirant, aussi bien dans la voix saturée, écorchée et profonde à la fois, que dans les passages mélodiques. Le chant clair de Danny R. Flys est intensément poignant et participe beaucoup de l'identité du quatuor.
Les instruments dessinent souvent une ambiance très sombre, à coups de riffs saturés et de plans de guitares violents (Flys, Daniel Maganto et Jaime Torres, accompagnés du batteur Jonathan Heredia). Eux aussi savent cependant passer à quelque chose de plus mélodieux, comme cela s'entend notamment sur le très bel instrumental "Eclipse", tout en arpèges de guitare claire, au début si doux qui évolue ensuite sur du rock progressif, sans jamais rien laisser paraître de metal extrême.
Sur les autres titres, les extrêmes alternent pour se fondre. Et ce dès l'introduction " The Abyss of Unreason", à l'intro douce, qui part ensuite sur du prog éthéré avant l'irruption de cris et d'un déchaînement de violence. Sur "Last Refuge" , c'est l'inverse, des riffs enragés accompagnent l'alternance d'un magnifique chant clair et saturé, pour se conclure sur une fin planante au chant éthéré.
L'album est la meilleure production du groupe espagnol, pas si nouveau puisqu'il existe depuis 2009, mais n'en est qu'à son deuxième album long format. Il embarque de bout en bout, à l'image du titre éponyme, sorti en single, qui vous poursuit bien longtemps après la fin du disque.
Chronique : Aude D