Entretien avec Jim Lyttle de Rogue Male

On vous a déjà raconté l'histoire de Rogue Male, ce groupe au look de Mad Max sous acide et au heavy métal (sur)puissant apparu en 1985, disparu deux ans plus tard et qui a depuis tenté deux comebacks. Presque quarante ans plus tard, son chanteur Jim Lyttle tente encore de remettre Rogue Male sur pied. Nous avons pu l'interviewer.

Bonjour Jim ! Tu as redonné vie à l’entité Rogue Male depuis Roguesville. Qu’est-ce que c’est ?

Roguesville est le nom de ma propriété agricole où je vis, c'est également le siège de Rogue Male Studios et de mon label, RM2K Music.

 

Rogue Male s'est séparé en 1987, tu es revenu en 2009 avec Nail It, puis une longue période de silence jusqu'en 2023 avec Hard Case. Pourquoi ? Que faisais-tu pendant tout ce temps ?

Après la sortie de Nail It en 2010, Rogue Male a commencé à jouer quelques concerts à Londres et dans les environs, en commençant par le Hard Rock Hell Fest avec divers musiciens, tout en essayant de constituer le bon line up. Cela a été extrêmement difficile car le niveau était médiocre... C’était une grosse erreur de ma part d'être trop impatient de revenir sur scène. Pendant cette période et après avoir renoué avec le guitariste original, John Fraser-Binnie, lui et moi avons fait une tournée en Norvège en duo en reprenant des classiques du rock pour gagner un peu d'argent dans le but de tourner avec Rogue Male.

 

En 2009, tu as déclaré que l'EP Down 4 Da Beef avait déjà été enregistré pour succéder à Nail It, mais il n’est jamais sorti. Pourquoi ? Va-t-il sortir un jour ?

Oui, il est prévu que je le sorte, mais peut-être en tant que projet solo car il est complètement différent de Rogue Male en termes de style, mais c’est toujours aussi lourd et puissant... (rires)

 

En 2009, tu as fait ton retour avec une nouvelle formation composée de Pete D, Pooch Purtill et Mauricio Chamucero. Maintenant, John Fraser-Binnie est de retour à tes côtés. Comment tu as renoué avec lui ? Qui sont les autres membres de Rogue Male actuellement ?

Malheureusement, dans ma précipitation à revenir sur le devant de la scène, il m’est vite apparu que ces gars-là, ainsi que plusieurs autres en cours de route, n'ont tout simplement pas pu être à la hauteur du line up d’origine. Cependant, ils n'étaient que des remplaçants, j’ai continué à poursuivre mes recherches de musiciens. C'est pour cette raison que John Fraser-Binnie est revenu dans les rangs et maintenant, avec l'ajout de deux jeunes Norvégiens très talentueux, Geir Inge Ravn Hansen (batterie) et HR Olsen (basse), le feu et le soufre de la formation originale se sont rallumés une fois de plus !

Après un très long silence depuis Nail It, quelle a été la motivation pour toi de sortir Hard Case en 2022 ?

Il a toujours été mon intention de remettre Rogue Male sur les rails et de recommencer à jouer. Cette motivation-là ne mourra jamais : je mets tout mon cœur et mon âme dans Rogue Male et je le ferai jusqu'à ce que je tombe ! [rires]

 

Comment as-tu choisi ces titres de Hard Case ? Y a-t-il d'autres chansons originales enregistrées et jamais publiées ?

Je voulais conserver l'élément punk de Rogue Male, c’est pour ça que l'album commence avec des titres qui puisent dans mes racines punk et évoluent vers le hard rock et le heavy metal. Il y a aussi deux reprises : les versions de « Rawhide » et « Motorbikin ». Ces deux morceaux ont joué un grand rôle dans mes influences musicales. Quand j'étais jeune, « Rawhide » était la meilleure série TV avec Clint Eastwood et à l'adolescence « Motorbikin » était la chanson qui m'a donné envie d'avoir ma première moto : une BSA Gold Flash de 1955 que j'ai toujours dans ma collection. J'ai plusieurs aussi autres enregistrements qui pourraient voir le jour un de ces jours... [rires]

 

Quelle méthode as-tu utilisée pour travailler sur l'album ? As-tu remasterisé ou réarrangé les titres ?

J'ai remasterisé l'album complet.

 

Suite à la sortie de Hard Case qui propose des titres issus de sessions de répétition des années 80’s, as-tu des contacts avec les membres originaux de Rogue Male (Danny Fury, Steve Kingsley, Kevin Collier...) ? Pourrions-nous espérer une réunion, un jour ?

Je suis effectivement ami avec Steve et Danny sur Facebook. J’ai essayé de faire revenir Danny derrière la batterie mais malheureusement ses jambes ne pouvaient pas suivre les doubles kicks... que Dieu bénisse ses bas de contention ! Kevin a disparu après la séparation en 1987 et on n'a plus jamais entendu parler de lui. Une réunion est totalement exclue...

 

Quelles sont les différences entre le nouveau Rogue Male et l’ancien, selon toi ?

Eh bien, mis à part le fait que je n'ai plus de cheveux [rires], rien n’a changé ! On a toujours la même attitude, sincérité et on croit en ce qu’on fait.

 

Nail It était un bon album mais il n’était pas aussi incisif que le Rogue Male original. Je veux dire que la musique était toujours lourde et forte mais ça semblait plus mature. Avec Hard Case, on sent un retour aux sources...

Pour être honnête, je ne vois personnellement aucun changement, j'ai écrit les chansons de la même manière que d'habitude, joué de la guitare de la même manière que d'habitude, interprété de la même manière que d’habitude... Si ça ne décoiffe pas, ça ne vaut rien, c’est la devise que j'ai toujours eue !

Cependant, Nail It était probablement plus un projet solo. J'ai utilisé des musiciens de session, je me suis chargé moi-même de toutes les parties de guitare et mon vieil ami Bernie Torme est venu jouer en tant qu'invité sur cinq morceaux. Bernie a aussi endossé la casquette d’ingénieur du son pendant que je faisais ma première tentative de production. Ayant manqué de temps de studio et d'argent, j'ai dû précipiter les étapes finales de mixage et malheureusement, les voix n'ont pas été doublées ou améliorées... Un jour, je m’attaquerai à un remix de cet album. Un jour... [rires]

 

Nail It et Hard Case ont été distribués sur ton propre label, RM2K Music. Peux-tu nous en dire plus dessus ?

À la fin de 2009, après l'enregistrement de Nail It, j'ai été approché par Metal Mind Productions qui avait réédité mes albums First Visit et Animal Man via Sony BMG sans mon consentement... Et l’offre qui m’a été faite était plus une insulte qu’autre chose : 80% / 20%. Je te laisse imaginer qui avait droit à seulement 20%... Ça a été pareil avec deux autres labels ! C’est ridicule, surtout quand on sait que l'artiste paie pour tous les enregistrements, artworks etc. C’est pour ça que j’ai décidé de n’accepter qu’un 50/50 avec les maisons de disques. C’est pour cette raison et suite à mon expérience passée avec MFN et Elektra que j'ai décidé de créer mon propre label, RM2K et le site Rogue Male.

 

Il y a quelques années, tu étais encore en colère contre ton ancien manager Martin Hooker et son label MFN. Tu avais d’ailleurs écrit les titres "Cold Blooded Man" et "Street Credibility" en leur honneur sur Nail It. En 2024, est ce que ta colère est passée ?

Ce salaud m'a arnaqué dès la signature du contrat avec lui en tant que manager. Ma plus grosse erreur a été de lui faire confiance et de lui permettre d'accéder au compte bancaire de Rogue Male. J'ai appris, lors d’une bataille judiciaire avec lui, que ce salaud cupide et impitoyable puisait allègrement dans le compte en banque du groupe pour ses "frais de bureau". Il a eu beaucoup de chance de ne jamais avoir croisé ma route...

Tu avais de mauvaises relations avec ton ancien label, Elektra Records et Mötley Crüe a même refusé de partir en tournée avec Rogue Male aux USA. Elektra avait donc dû rapidement organiser une tournée de dernière minute avec Savatage et Illusion sans aucune promo. Que s'est-il vraiment passé ?

Quand nous sommes arrivés aux États-Unis prêts à partir en tournée en ouverture pour Mötley Crüe, notre manager chez Elektra nous a dit que Mötley Crüe avait écouté notre album First Visit et avait décidé de nous retirer de cette tournée. Je suppose qu'ils avaient peur que nous les anéantissions... [rires] Et c’est ce que nous aurions bien fait ! [rires]

 

Dans les années 70, tu étais le leader d'un des premiers groupes de punk rock, Pretty Boy Floyd And The Gems, puis tu as déménagé à Londres en 1980. As-tu de bons souvenirs de Londres pendant tes années punk ?

Pretty Boy Floyd And The Gems a été le premier groupe de punk en Irlande du Nord, à une époque où tous les autres groupes soi-disant "punk" se cherchaient encore. Pretty Boy Floyd And The Gems avait déjà fait le tour du pays avec un joli succès. Nous avions même été attaqués lors de certains concerts par des mecs qui détestaient le punk ! Pendant que je vivais à Londres, j'ai été dans quelques groupes de punk différents comme X-Ray Spex, Meanstreet, The Pictures et quelques autres qui n'ont rien donné...

 

Dans les années 80 en France, Rogue Male a été vu comme the next big thing suite à First Visit. Animal Man est ensuite sorti en 1986, puis Rogue Male a décidé de se séparer... pourquoi ?

Après l'enregistrement de notre deuxième album Animal Man, le fiasco qui a suivi est arrivé du fait des conneries de la maison de disques. Elle exigeait différents producteurs, différents mixeurs, etc. Tout ça s’est fait à cause de notre manager qui a permis aux labels de prendre des initiatives sans jamais consulter le groupe. Tout ce qu'il voulait, c'était l'argent des avances des maisons de disque. Suite à la bataille judiciaire de six ans pour casser les différents contrats, essayer d'exister en tant que groupe a été extrêmement difficile. De plus, il a affirmé posséder légalement le nom « Rogue Male » et nous ne pouvions donc pas l'utiliser pendant le litige qui nous opposait avec lui et MFN. Tous nos actifs étaient gelés, nos comptes bancaires, etc. Nous étions légalement et financièrement paralysés, ce qui rendait impossible de continuer l’aventure, d'où la séparation. C'est un sacré défi de se relever après avoir tant perdu....

 

Pour moi, Animal Man est un bon album, mais il semble manquer de direction, il y a une mauvaise production et un son confus. Pourtant en live, les morceaux sont excellents. Que penses-tu de cet album après presque quarante ans ?

Comme je l'ai dit, mon approche a toujours était la même pour enregistrer des albums : jouer de la même manière, chanter de la même manière, sortir un disque de la même manière. Et tout cela a volé en éclat sans notre consentement, pour un coût total de 80 000 $. Nous avons fait de notre mieux pour récupérer les bandes master et sortir ce que nous pensions être le meilleur mix à l'époque... Mais tout cela coûte de l'argent et nous ne l'avions pas à notre disposition... notre ex-manager s'en est assuré !

J'adorerais le remixer à nouveau ce disque. J'adorerais TOUS les remixer à nouveau ! (rires). C’est dommage car le jeu et les performances sur Animal Man sont incomparables. Le batteur de session de l’époque, Charlie Morgan (Elton John, Thin Lizzy, ...), m’avait dit que les sessions d’enregistrement avaient été les plus exigeantes et intéressantes de sa carrière. Il a été repoussé dans ses retranchements du fait de mes arrangements. Oui, je dois être un batteur refoulé ! [rires]

Dans les années 80, le code vestimentaire de Rogue Male à la Mad Max était incroyable. Comment avez-vous choisi ces costumes ?

Je venais d'un milieu biker et punk rock, j'ai donc mis tout ça ensemble en m’inspirant de films comme Tron, Mad Max ou Terminator !

 

Par le passé, le groupe a souvent eu du mal à être pris au sérieux par l'industrie musicale avec tous ces aspects visuels tapageurs. C’est quelque chose que tu regrettes ?

Je ne pense pas que nous ayons eu du mal à être pris au sérieux. Nos deux premiers albums ont obtenu un succès critique mondial. Ils ont été « albums du mois » dans tous les magazines rock de l'époque, Rogue Male a reçu le prix du nouvel artiste international, on a fait plusieurs couvertures de magazines, on a eu des critiques élogieuses de nos concerts etc.

 

En France, le groupe a participé à l’émission TV Les Enfants Du Rock. C'était l’une des premières fois que le heavy metal était diffusé auprès du grand public en France...

Oui, je m’en souviens bien ! C'était l'un des moments les plus forts de notre carrière. C’était un moment fantastique. Je remercie toujours la France de nous avoir donné cette opportunité.

 

Penses-tu que Rogue Male aurait pu avoir un plus grand impact si vous étiez partis aux États-Unis ?

C’est possible... Je sais que si nous avions attendu deux semaines de plus avant de signer chez MFN, nous aurions pu avoir avec un accord avec Elektra pour le monde entier plutôt qu'un simple accord de licence avec MFN...

 

Tu apprécies toujours de jouer en live ? Plus que composer ?

J'apprécie toujours les deux. En plus de Rogue Male, je joue également dans un groupe local de reprises, The Unfixables. On joue en trio et on fait des morceaux de The Who, Free, The Small Faces, Thin Lizzy ainsi que tous les classiques du rock comme ceux de The Pirates, Doctor Feelgood, etc.

 

Y a-t-il des projets pour jouer en live prochainement ?

Rogue Male est en pause depuis le covid. Vu la situation actuelle, il est très peu probable que nous rejouions car les dépenses et les frais engagés ne seraient pas compensés.

 

Il y a quelques temps, tu es venu au secours des animaux maltraités en les ramenant dans ta ferme de Roguesville. Tu es toujours actif dans la lutte contre la cruauté envers les animaux ?

Absolument ! Les animaux innocents ont besoin de protection contre les personnes malveillantes. En plus ces animaux-là sont extraordinaires, je les adore.

 

As-tu un message pour La Grosse Radio ?

Je suis très reconnaissant d’avoir eu l'opportunité de m'exprimer via La Grosse Radio. À votre santé, mes amis !



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :