Serait-ce parce que le chanteur Attila Dorn a perdu 27 kilos en un an (NDLR : voir l'interview dans le Rock Hard France n°134) que Powerwolf a gagné en légereté et en rapidité sur ce cinquième opus studio prévu ce vendredi 19 juillet 2013 ? En posant cette question, nous vous révélons déjà en partie la teneur de ce Preachers of the Night, nouveau bébé des loups-garous allemands et premier paru chez Napalm Records. Mais cela ne nous dit pas encore s'il tient ses promesses ou non, sachant que la barre avait été mise plutôt haute avec la paire Bible of the Beast / Blood of the Saints.
Le piège avec Powerwolf serait de s'attendre à une révolution, ou même à une évolution exceptionnelle qui rendrait soudain le groupe novateur. Après tout, c'est du heavy power metal, speedé ou non cela reste assez générique, même si avouons-le le combo allemand avait déjà révolutionné un petit quelque chose au niveau de l'imagerie et du côté très catchy/gros son de leurs compositions hymnesques. En cela, il a su s'imposer comme le renouveau d'un certain genre appelé à la monotonie ou une mort certaine, en compagnie d'un Sabaton qui a encore depuis pris plus d'ampleur. Saurait-on imaginer un futur aussi glorieux pour le quintette infernal ? Preachers of the Night se pose ainsi en pierre angulaire, en tournant dans la carrière d'une formation qui ne doit plus faiblir, le choix d'un nouveau label semblant confirmer cette impression.
Plus rapide donc, cet album s'impose de suite dans une inspiration plus speed heavy à la Helloween, notamment sur le deuxième morceau "Secrets of the Sacristy" qui aurait très bien pu être prisé par les citrouilles d'antan, sans oublier le "Amen & Attack" d'ouverture bien plus familier et rappelant pas mal les précédents albums avec un refrain qui rentre de suite en tête. L'incipit de l'album s'avère être d'ailleurs un sans faute, car suivent avec brio un "Coleus Sanctus" très chantant et gallopant puis ce "Sacred & Wild", mid tempo véritablement réussi, mais qui n'alourdit cependant pas le disque comme on aurait pu l'espérer.
Tout reste en effet très léger, parfois trop, il n'y a guère que "Kreuzfeuer" qui porte la croix d'une certaine obscurité qui sied pourtant fort bien au groupe. Ce morceau, dont la référence à la pochette semble évidente, marque les esprits par son chant en allemand mais manque d'un certain relief sur ses couplets. Un petit pétard mouillé qui a du mal à enflammer les passions au fil des écoutes, notamment sur ce break/solo (aux claviers énigmatiques) qui manque de peu de faire mouche. Frustrant. Mais ce ne sera rien à côté de LA déception de l'album, la traditionnelle conclusion pseudo ballade épique ici intitulée "Last of the Living Dead", qui souffre vraiment de la comparison avec ses prédécesseurs "Wolves Against the World" ou "Ira Sancti (When the Saints Are Going Wild)". Dommage. Il en ira de même avec ce "Lust for Blood" aussitôt écouté, aussitôt oublié, qui a du mal à être digéré malgré une intéressante expérimentation en filigrane notamment au niveau de la tonalité.
Passés ces écueils, le disque s'avère être un bon divertissement qui fait taper du pied et headbanguer sans mal. Citons les très réussies "Cardinal Sin" et "Extatum et Oratum" (où on croit entendre un "pikachum" dans les paroles, les fans de Pokémon apprécieront) qui seront à coup sûr de véritables hymnes en live et qui n'ont rien à envier aux grands morceaux des opus précédents. On aurait également pu citer "In the Name of God (Deus Volt)" si elle ne souffrait pas trop du fameux syndrome "plagiat", avec cette intro rappelant "Primo Victoria" de Sabaton (tiens donc !) ou son solo très... Helloween (encore ?) voire même empruntant une mélodie au célébrissime "Moskau" de Dschinghis Khan (groupe disco ultra culte outre Rhin) dans son break. Mais bon, on chipotte, on est TRES loin du dernier Battle Beast à ce niveau, même si Powerwolf a du mal à s'éviter l'autopompage par endroits (la dernière citée rappellera fortement aussi "Werewolves of Armenia" sur ses cavalcades et certainement d'autres tubes du genre sur Blood of the Saints), mais disons que sur ce point cela passe encore.
Au rayon performance des musiciens et qualité du son, nous nous situons ici dans le haut du panier. Malgré son régime, le chanteur roumain (enfin pas en vrai hein !) Attila Dorn assure avec la même puissance et une versatilité de chant encore plus pénétrante, n'hésitant pas à couvrir divers octaves avec une efficacité redoutable, bien entouré par des chorales raffinées relevées d'un orgue ténébreux et des guitaristes (les frères Greywolf, dont le compositeur principal Matthew) à la forme optimale. Derrière les fûts, le nouveau batteur apporte sa touche personnelle, pour le meilleur et pour le pire, nous y reviendrons en conclusion. Le mixage quant à lui ne semble pas avoir fait évoluer les choses, amenant peut-être plus de profondeur au tout notamment sur les ambiances orgues/claviers, le russophile "Nochnoi Dozor" en étant un des exemples marquants.
Au final, les hymnes s'enchainent bien, l'album se laisse écouter avec plaisir, mais bizarrement Powerwolf ne brille plus là où il excellait avant : sur ses mid tempo puissantes (les quelques morceaux plus lents de l'opus étant au final décevant). Alors certes un gros travail a été fait en studio, notamment sur des choeurs plus riches et aux mélodies variées, mais quelque chose semble avoir été perdu dans cette course au speed plus ou moins voulue par le groupe, ouvertement inspirée par une orientation live et son nouveau batteur Roel Van Helden que l'on sent excellent dans le genre... Peut-être cette subtilité ou cette originalité qui faisait de ce groupe un des chainons manquant entre l'ancienne et la nouvelle vague power metal ? Le futur nous le dira. Powerwolf reste Powerwolf mais se banalise presque trop, tout en gardant une grande facilité dans la construction de morceaux inoubliables, un vrai paradoxe qui résonne comme un véritable casse-tête pour le fan de power metal lambda.