Fort d’une première démo remarquée et d’une série de concerts parisiens, les frenchy d’Eresis ont décidé de passer la vitesse supérieure en sortant leur tout premier album, Shedding Madness. En marge des schémas conventionnels, le groupe mené par Fred (basse) et Jon (guitare) veut offrir une musique originale voire carrément barrée aux influences très variées. Admirateurs des Petrucci, Patton et autre Townsend, cet album devrait vous séduire.
On commencera tout d’abord par souligner la qualité de l’artwork montrant un Paris en proie à la colère des dieux. Car c’est bien dans cet univers mêlant histoire et mythologie que vont se développer les ambiances particulières de la musique d’Eresis. Niveau son, le rendu est satisfaisant compte tenu des moyens du groupe, on aurait peut-être préféré une batterie plus en avant et un chant un peu plus en retrait mais sinon on distingue bien chaque instrument et l’on peut dès lors embarquer dans la cavalcade à la Maiden du premier morceau, "Nothingness". Ce dernier offre un bon aperçu de ce qu’Eresis peut offrir, en jonglant entre différents registres avec des rythmiques bien heavy temperées par le piano et un chant à la fois théâtral, éraillé voir guttural. Un spectre très large qui rendra les premiers contacts avec cet album assez complexes puisqu’on est parfois noyé dans ces changements vocaux, plus ou moins bien amenés. Si l’on peut songer à Devin Townsend ou à Mr Bungle, on pourra déplorer un manque de maitrise de cette « folie » vocale (bien paradoxal tout ça) chez Eresis, un point sur lequel il faudra travailler à l’avenir. Enfin certains passages loufoques comme sur "Masters Of The Invisible" (à partir de 2’55) font leur effet avec une teneur rockabilly rafraichissante. Ce morceau pousse la folie d’Eresis à son paroxysme avec un pont totalement déjanté à partir de 5’30 où le chanteur alterne parodie de growl, de chant black et de scratch, au moins on ne pourra pas dire qu’ils se prennent trop au sérieux !
Si cet aspect barré peut rebuter, le groupe dispose de plusieurs arguments susceptibles d’accrocher les chevelus, à commencer par des lead très agréables voire carrément jouissifs sur le final de "Through The Eyes Of God", plage épique un peu longue au démarrage mais magnifiée par un refrain prenant et un guitariste inspiré. On retrouve des soli de cette qualité sur la plupart des morceaux avec peut être une préférence sur celui de "Down To Cassiopeia", notamment à partir de 3’28. On notera d’ailleurs sur ce morceau un clavier presque horrifique, non sans rappeler Opeth, du plus bel effet ainsi que des chœurs tout en finesse sur le refrain qui renforcent la teneur dramatique de l’ensemble. Le clavier est de manière générale très présent, que ce soit dans des tonalités space rock comme au début de "Being", très jazz sur le pont de "The Aynans" (vers 4’25) ou sur "Tales Of The Green Fairy" (vers 5’59), voire carrément noisy.
Niveau riff, on songera tout d’abord à Dream Theater voir à Metallica (ou alors à Train Of Thought tout simplement) comme sur le final très "Fade To Black" de l’orientalisant "Persepolis". "Being" tire particulièrement son épingle du jeu avec un premier riff massif, rompant parfaitement avec l’intro du morceau, puis une trouvaille mélodique affreusement accrocheuse à partir de 2’04, nous faisant songer à l’Annihilator des grands jours. Si la guitare est bien mise en valeur, cela n’empêche pas la section rythmique de briller avec des passages free jazz démontrant toute la technicité et la maitrise de notre couple basse/batterie. Le batteur sait néanmoins se montrer plus incisif en faisant cracher sa double pédale sur les passages plus death.
La musique d’Eresis est très riche et ne se laisse pas facilement apprivoiser malgré la présence de mélodies accrocheuses. Les musiciens sont techniquement irréprochables et le vocaliste, même si il peut être agaçant, sait se montrer poignant sur des refrains bien pensés. L’expérience devrait permettre aux compositeurs de se montrer peut être plus concis et de faire le tri dans cette foison d’idée. En attendant, on se retrouve avec un album parfois trop fourre-tout mais qui a des atouts indéniables et devraient plaire aux oreilles curieuses.
6.5/10