Huntress – Starbound Beast

Et un groupe polémique, un !

Huntress ne fait pas l’unanimité. Ce ne sera jamais le cas. L'imagerie de la chanteuse Jill Janus y est pour quelque chose et tant pis pour la qualité musicale du combo américain. Pourtant, sur scène comme avec leur premier disque Spell Eater, on pouvait entrevoir des capacités musicales réelles, et une vocaliste qui, sur les planches, se déchaîne sans pour autant flancher. Bref, conquis je suis. Si on ne peut reprocher une chose au quintette, c'est d'être cohérent avec lui-même : dans son interview pour LGR, la sulfureuse blonde nous annonçait sa volonté de faire comme les légendes qui ont bercé son monde musicale, à savoir une sortie annuelle. Ouïlle …

Souvent, ce genre d'initiative laisse place à un bête manque d'inspiration, la faute à la précipitation. Forcément, on souhaite profiter de son succès. C'est compréhensible mais souvent, la déception n'en est que plus grande. Est-ce le cas pour Starbound Beast ?

Aux premières écoutes, on dirait « oui ». Pour la simple et bonne raison que le tempo est globalement beaucoup moins véloce que sur la livraison précédente. L'assagissement guette la chasseresse, qui visiblement était une proie idéale pour ce fourbe. Par conséquent, les titres nous gratifient beaucoup moins des riffs black qui faisaient le charme de la galette qui fit connaître Huntress, et le chant de notre tigresse se lâche beaucoup moins dans le registre crié. Au contraire, on se la jouerait presque pépère. Pas jusqu'à pousser le vice à faire du hard rock, mais leur heavy metal semble vouloir mettre l'accent sur les diverses ambiances qui sont posées au sein de Starbound Beast plutôt que sur l'énergie pure. C'est clair que ça décontenance, surtout quand on a connu les californiens avec toute la rage qui les animaient.

En ce sens, Starbound Beast est une déception. Huntress file vers d'autres voies et semble moins inspiré. Ce sentiment d'être laissé sur le bord de la route par une formation qui semble aborder un virage plutôt que d'y aller dans la continuité est presque aveuglant. Cependant, se laisser envahir par une émotion première n'est jamais quelque chose de positif.

Huntress

Avouez que la seule déception, c'est que ça manque de seins sur la photo.

Parce qu'on risque de passer à côté de toutes les qualités proposées par les cinq musiciens sur cette offrande, franchement réussie. Quand on écoute bien, qu'on se penche de plus près sur la marchandise, on se rend compte que l'identité Huntress est toujours présente et, si la forme est différente, sur le fond, le groupe reste fidèle à lui-même. Quelques morceaux comme la très réussie « Zenith » sont là pour faire la connexion entre Spell Eater et Starbound Beast, et ainsi permettre à la déception de s'estomper petit à petit grâce à ce lien. Ne se concentrer que sur cette piste reste une grossière erreur car les autres valent la peine que l'oreille disposée à faire une belle découverte se penche sur elles.

Entre les deux disques de la chasseresse et de sa bande, la différence majeure réside surtout dans la capacité d'attraction entre le premier et le second et, surtout, leur immédiateté. Starbound Beast s'apprivoise, demande à ce que l'on se penche dessus régulièrement pour laisser des traces dans l'esprit et vraiment donner l'eau à la bouche. Peu aguicheuse, la bête ne mord pourtant pas. Et pourtant, du mordant, elle en a ! « Zenith », « Destroy Your Life » ou « Receiver » sont accrocheuses et restent gravées dans votre esprit au bout de quelques minutes. D'autres, en revanche, n'ont pas cette même capacité et offrent un panel très diversifié à Huntress, qui dispose ainsi de plusieurs cartes dans sa main.

L'image occulte de la formation se traduit tout autant dans l'univers musical. Tempo ralenti ou non, le metal des californiens est lourd, sombre, torturé et possède une touche presque mystique. Le break de l'excellente « Alpha Tauri » est de toute beauté, transcendant littéralement un morceau à la structure travaillée, où les musiciens démontrent qu'ils savent manier leur instrument pour nous transporter. Ce qui n'était pas la sensation première que l'auditeur recherchait chez Huntress semble désormais un nouvel objectif pour le quintette. Cette atmosphère se retrouve sur l'éponyme « Starboud Beast » qui vous prend aux tripes au fur et à mesure. Un peu comme si, lors de sa quête vers un nouveau paysage musical, Janus et ses musiciens rencontraient The Devil's Blood. L'autre influence, qui ne change pas, c'est bien sûr celle de Mercyful Fate, plus présente que jamais tant au niveau du jeu des musiciens que dans le chant de Jill. Celle-ci n'hésite pas d'ailleurs à ranger les cris de sorcière pour adopter un registre bien plus clair, en concordance parfaite avec l'ambiance qui se dégage des dix titres.

Le seul morceau qui reste en-dessous est « I Want to Fuck You to Death ». Co-écrit par Lemmy, celui-ci semble vraiment intrus et fait pâle figure face à « Spectra Spectral », « Blood Sisters » ou « Alpha Tauri ». Cette déception à part, Huntress réussit à aligner une pelletée de pistes plus complexes qu'il n'y paraît, et vraiment réussies.

Starbound Beast n'est pas en-dessous de Spell Eater. Il n'est pas meilleur non plus. Il est simplement différent. La formation américaine a cependant relevé le défi de proposer un disque fidèle à l'identité Huntress, tout en prouvant qu'ils possèdent une forte capacité de renouvellement et quelques surprises sont à prévoir. Déçu des premières écoutes ? Persévérez. Ne laissez pas une offrande de telle qualité vous filer entre les doigts. Il serait dommage de rester sur une incompréhension face à Starbound Beast.

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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