An evening with Rush
En quarante ans de carrière, le groupe Canadien n’est venu qu’une seule fois en France. C’était en 1992, et certains d’entre nous n’étaient encore que des gamins. Aussi, à l’annonce d’une nouvelle tournée mondiale, pour promouvoir leur très bon Clockwork Angels, nous n’étions pas surpris de voir que la France ne faisait toujours pas partie des destinations du trio. L’étape londonienne était donc l’occasion de découvrir ce nouvel album sur scène, d’autant plus que l’annonce d’une tournée de type « An evening with » (comprendre par là, un concert de trois heures, sans première partie) ne nous a que plus alléché.
Le groupe est venu défendre son très bon dernier album, Clockwork Angels
C’est donc dans la capitale britannique que nous avons posé nos valises ce vendredi 24 Mai 2013, pour assister à ce concert à l’O2 Arena (salle équivalente à Bercy). Les portes à peine ouverte, le merch est pris d’assaut, malgré les prix exorbitants (30£ un t-shirt !). D’ailleurs, celui-ci ne désemplira pas, car l’accès à la salle est retardé par la présence d’un renard (si si, véridique !) au sein de l’Arena.
Après une bonne demi heure de retard sur l’horaire prévu, les lumières s’éteignent et une petite vidéo introductive pleine d’humour (le groupe est un adepte du second degré) fait son apparition sur l’écran géant. A peine celle-ci terminée, le son des nappes de clavier de "Subdivision" emplissent l’Arena. Ce premier classique du groupe nous permet de constater que le son est globalement bon, Bercy devrait en prendre de la graine. Alex Lifeson, campé sur le coté gauche de la scène a l’air plutôt en forme et se rapproche régulièrement des premiers rangs pour éblouir le public de ses soli. Geddy Lee, de son coté alterne avec brio le chant, la basse et les claviers, sans temps mort. D’ailleurs en parlant du chant, il arrive à être juste, même si ses aigues sont moins maîtrisés que par le passé. Le troisième larron, planqué derrière une batterie à faire rougir d’envie Mike Portnoy est le plus discret des trois, mais lâche ses patterns toujours aussi complexes avec une facilité déconcertante. Le premier set fait la part belle aux titres issus des années 80, alternant classiques ("Big Money", "Analog Kid") avec des morceaux plus rarement joués sur scène ces dernières années ("Force Ten"). A ce sujet, l’album Power Windows (1985) sera bien représenté au cours de ce concert, puisque pas moins de quatre titres seront joués ce soir.
Lifeson, Peart & Lee
Mais en dehors de l’aspect technique et musical, c’est un vrai show visuel auquel nous assistons, avec par moment un peu de pyrotechnie. Les images projetées sur l’écran géant nous en mettent plein la vue, alternant images du concert avec des extraits de clips ou encore des artworks de leur illustrateur attitré Hugh Syme. De plus, à la place des traditionnels amplis qui occupent le fond de la scène, le groupe a choisi de customiser ces derniers, et c’est d’une machine à Pop Corn que vrombie le son de basse de Geddy Lee, tandis que derrière Lifeson, une étrange machine tout droit sortie d’un film de SF fait face au public.
Peu de temps avant la fin de ce premier set, Neil Peart s’illustre une première fois, avec un court solo pendant "Where’s my thing", avant que le groupe ne termine sur "Far Cry", excellent morceau issu de leur très bon Snakes and Arrows (2007).
Le groupe s’éclipse pendant une dizaine de minute, laissant le temps au public présent d’assaillir le stand bière, pour reprendre des forces avant le plat de résistance. En effet, le groupe a prévu de jouer la quasi-totalité de leur dernier album en date, Clockwork Angels au cours de cette tournée. Et ce deuxième set démarre au son de "Caravan", plantant le décor avec leur univers steampunk développé dans le concept de l’album. Le son se veut plus dense, peut être légèrement moins bon que durant la première partie (les ingé-sons auraient-ils profité de la pause pour se ravitailler en bière, plus que de raison ?). Malgré ce petit point négatif (le son s’améliorera pendant les morceaux suivants), les compositions sont magnifiées par la présence d’un ensemble à corde, apportant véritablement un plus visuel et auditif. L’album s’enchaine (à l’exception des pourtant très bons "BU2B", "BU2B2" et "Wish Them Well") avec néanmoins des changements dans la tracklist par rapport à l’album, qui permettent de rompre la monotonie et mettent un peu d’imprévu dans l’exécution de celui-ci.
Rush, accompagnés du Clockwork Angels Orchestra
Les morceaux passent bien le cap de la scène, et les anglais semblent connaître par cœur les paroles. On remarque aussi que le ton s’est durci par rapport au début du concert et que ces chansons sont beaucoup plus massives que leurs grandes sœurs des années 80 ("The Anarchist" ou "Headlong Flight"). Les visuels développés sur l’écran permettent de voyager au cœur du concept et d’être happé dans cet univers cher au groupe et à Neil Peart. L’interprétation de l’album prend fin, comme sur l’album avec "The Garden", le meilleur titre de Clockwork Angel. Sur ce morceau, l’orchestre colle parfaitement avec l’ambiance mélancolique et c’est toute l’O2 Arena qui est prise de frisson.
On arrive au vrai solo de batterie de Neil Peart (intitulé "The Percussor", y’a pas de mystère), qui allie talent rythmique et mélodique. N’étant pas forcément fan des soli de batterie en live, qui ont souvent tendance à faire retomber la pression, je ne peux m’empêcher de prendre une claque, tout comme l’ensemble des musiciens présents ce soir. C’est bien simple, tout le monde a les yeux rivés sur le maître (qui a d’ailleurs influencé bon nombre de batteurs de metal progressif, Mike Portnoy en tête). Et l’on ne peut s’empêcher de se dire que malheureusement, le concert arrive à sa fin. Le set se termine sur les classiques "Red Sector A", l’instrumental "YYZ" et le radio friendly "The Spirit of Radio". Les Canadiens retournent en coulisse pour peu de temps, toute la salle étant debout pour le rappel. Et elle va le rester puisque Geddy Lee entame "Tom Sawyer". Le public use sa voix jusqu’à plus soif pendant ce morceau, au cours duquel le groupe se fera beaucoup plus communicatif que jusqu’à présent. Et pour terminer, rien de tel que "2112" ("Overture" et "The Temple of Syrinx"), malgré la voix très limite de Lee, qui n’a plus les aigues de ses vingt ans (le gaillard vient tout juste d’en avoir 60).
Un show ébouissant visuellement et musicalement
Au final, c’est un très bon spectacle auquel il nous a été donné d’assister, malgré un son parfois brouillon (surtout au début du deuxième set) et un léger manque de communication avec le public. On regrettera également que les titres des années 70, les plus progressifs n’aient pas été plus mis en avant dans la setlist (un petit "Xanadu", "Cygnus" ou "Villa Strangiato" n’auraient pas été de refus). Mais voir Rush en concert, c’est une expérience que l’on savoure malgré tout, et on espère maintenant que les Canadiens arrêteront de boycotter la France lors de leur prochaine tournée…s’il y en a une un jour. En attendant, il ne nous reste plus qu’à attendre de pied ferme le témoignage audio/vidéo de cette tournée qui devrait arriver à la rentrée.
Set 1 :
Subdivision
Big Money
Force Ten
Grand Design
Body Electric
Territories
Analog Kid
Bravado
Where's my thing
Far Cry
Set 2 (Guest : Clockwork Angel Ensemble)
Caravan
Clockwork Angels
Anarchist
Carnies
Wreckers
Headlong Flight
Halo Effect
Seven Cities of Gold
The Garden
Manhattan Project
Drum Solo (the Percussor)
Red Sector A
YYZ
The Spirit of Radio
Rappel :
Tom Sawyer
2112 (Pt1, 2 & Final)
Photographies : Watchmaker