Motocultor 2024, J2 – Slammons sous la pluie

Vendredi 16 août 2024, Carhaix

L’unique journée vraiment pluvieuse du weekend est encore marquée par beaucoup de diversité, avec pas mal de folk sous les tentes et le choc des générations du côté de la Dave Mustage.

La pluie : non-événement chez les Bretons, alliée des agriculteurs, petite perturbation pour la majorité des festivaliers (sous ponchos) qui s’y était préparé, et cauchemar pour au moins une rédactrice de La Grosse Radio… Bref, il pleut. Par intermittence, assez pour bien mouiller les festivaliers accrochés aux barrières de la Supo ou de la Dave toute la journée, mais rien de comparable à certaines éditions précédentes. Pas d’inondation du site ou de zone transformée en champ de boue. Pas de quoi décourager les festivaliers qui vont sérieusement labourer les fosses aujourd’hui.

Nos concerts du vendredi 16 août : 

Les Compagnons du Gras Jambon 

Bruce Dickinscène, 12h45

Premier concert de la Bruce Dickinscène, consacrée en ce vendredi pluvieux au folk sous toutes ses formes. Le quintette toulousain présente une discographie sympathique mais un peu anecdotique. En revanche, ses concerts sont nettement plus percutants. Composé de la percussionniste Perkim, de Vyk et Aurore au nyckelharpa (instrument nordique lointain cousin du violon), de Tyx au bouzouki et du batteur Raph, Les Compagnons Du Gras Jambon proposent des musiques inspirées du Moyen-Age et de la Renaissance françaises et européennes, jusqu'aux Îles Féroé. S'il s'agit incontestablement d'un groupe de folk, sa musique prend sur scène une dimension plus lourde, aux très légères influences metal, audible dans la saturation ponctuelle des instruments comme des voix. Le chant lead est souvent assuré par Vyk, les deux musiciennes chantent aussi, et tous assurent les chœurs.

Le groupe alterne reprises traditionnelles et compositions dans la même veine, de la ballade aux rythmes plus dansants, entre sérieux et morceaux plus humoristiques. Comme cette chanson très engagée, "J’aime la galette, savez-vous comment", qui répond à ce cruel enjeu par ces élégiaques paroles "Quand elle est bien faite, avec du beurre dedans". "Qui aime le beurre demi-sel?", lance ainsi Vyk, récoltant une ovation. "Qui aime le beurre doux ?" s'attire des huées. "Ah, là on est chez nous".

Le groupe ne se prend manifestement pas au sérieux. Ainsi, lors d'un morceau, Perkim quitte-t-elle ses percussions pour s'avancer d'un air très hautain vers le micro central... Et faire sonner un unique coup de triangle. Ce que le chanteur Vyk qualifie en substance du paroxysme de son parcours musical.

Le joueur de nyckelharpa revient également sur un grand moment de solitude que connaissent selon lui tous les auteurs – compositeurs quand ils ne savent plus quoi écrire, et en viennent à des « lalalala » qu’il fait reprendre au public.

Il le fait de nouveau participer sur le titre suivant « Bonsoir maître de maison », en le mettant en garde « là, il va falloir chanter un peu juste. Enfin, ce n’est pas très grave, il pleut déjà et on est à l’abri, c’est pour les autres groupes que ce sera compliqué ».

Le public semble d’ailleurs beaucoup apprécier, acclame le groupe régulièrement et entame quelques slams. Le concert s'achève avec trois joueurs de carnyx, ces hauts instruments à vents verticaux d’origine celte. Il laisse un souvenir très sympathique, et attaque d'une très bonne façon cette journée folk de la Bruce Dickinscène.

Hippotraktor 

Massey Ferguscène, 13h30

Quoi de mieux pour commencer la journée que de se faire écraser par un peu de post prog surpuissant venu de Belgique ? Une bonne idée partagée par de très nombreux festivaliers qui remplissent la tente de la Massey malgré l’heure presque matinale. Le combo Hippotraktor a beau jouer à Carhaix la première date française de sa carrière, ce qui se passe aujourd’hui n’a rien d’une timide première rencontre. Le groupe, signé chez Pelagic, vient de sortir son deuxième opus, Stasis, et en offre deux extraits ce soir, le massif “Renegade” et le morceau-titre, mélange de moments feutrés et de puissance, au solo étrange signé Chiaran Verheyden.

C’est Meridian, premier album sorti fin 2021, qui est le plus largement représenté ce soir, avec des déferlements de lourdeur, des passages déconstruits et la fureur vocale du chanteur Stefan de Greif, impérial (déjà au rendez-vous du Motocultor l’an dernier avec son autre groupe Psychonaut) en parfaite harmonie avec le timbre du guitariste Sander Rom. Entre moments plus jazzy (“God is in the Slumber”), murs de riffs et rythmique redoutable (“Beacons”), Hippotraktor emporte tout le chapiteau qui s’agite sérieusement et en redemande. Un premier rendez-vous pleinement réussi entre le sympathique combo belge et son public français, qui nous l’espérons, n’est que le début d’une longue série.

Setlist Hippotraktor :

Renegade
Manifest the Mountain
Mover of Skies
God Is in the Slumber
Stasis
Beacons

Esthesis 

Massey Ferguscène, 15h00

Ce second jour du Motocultor 2024 est particulier pour plusieurs aspects : l’un d’entre eux est la présence de certains des groupes initialement prévus en 2023. Le premier d’entre eux est Esthesis, victime d’un vol de matériel un an plus tôt. Cette fois c’est la bonne pour le quatuor de Toulouse, prêt à distiller son rock progressif alternatif aux influences variées.

“Raising Hands (Part 2)” révèle des sonorités cinématographiques de nappes de synthétiseurs, quand l’intro d’“Amber” est largement servie par la belle basse six-cordes de Marc Anguill. Initialement dans des horizons planants, le titre passe par un sommet d’intensité avant de redescendre et de se terminer en douceur. Formule que le groupe répète ensuite avec “Hunger”, sa rythmique syncopée, son pont en 7/8 et son final hypnotique. Très agréable à suivre, même si la rareté des paroles peut déconcerter une partie du public moins habitué aux groupes de prog.

On approche déjà de la fin du set avec “Place Your Bets”, tiré comme “Amber” du dernier album en date, Watching Worlds Collide, sorti en 2022. Le combo est d’ailleurs en train de préparer un troisième album qui s’annonce plus versé indus, post et trip-hop. On suivra ce prochain opus avec attention

Setlist Esthesis:
Raising Hands (Part 2)
Amber
Hunger
Place Your Bets
No Soul To Sell

Infected Rain 

Dave Mustage, 15h45

Il n’est pas tous les jours donné d’assister à un concert d’un groupe de metal moldave. C’est pourtant le cas d’Infected Rain, qui s’est bâti en une quinzaine d’années une certaine réputation. Le groupe propose un neo-metal assez influencé par le metalcore, avec parfois quelques influences death.

Devant une fosse pas encore extrêmement remplie, trois musiciens arrivent, le guitariste Vadim « Vidick » Ozhog se juche sur un praticable, puis la chanteuse Elena « Scissorhands » Cataraga surgit sur scène en combinaison jaune fluo et chevelure assortie, telle une Lady Gaga des années 2010.

Elle se met à pousser des hurlements très saturés, puis sur le pont, harangue le public, lui tire la langue, fait signe de s’écarter. Les premiers slams se lancent dès le premier morceau « The Realm of Chaos ». « Comment ça va France ? ». Elle multiplie les compliments au public qu’elle remercie abondamment d’être là, se perche à son tour sur un praticable. Un circle pit se lance dès le deuxième morceau.

La chanteuse passe de parties très agressives, alternant entre différents registres de chant saturé, à une voix claire mélodieuse avec parfois beaucoup d’emphase, et quelques fois plus douce. La musique du groupe est rapide, agressive, sans fioriture, tournée vers l’efficacité, avec une batterie (Evgeny Voluta) qui tabasse tout, s’emballe parfois dans des cavalcades avec la basse d’Alice Lane. Quelques sonorités electro pointent parfois ponctuellement le bout de leur nez. Cela semble extrêmement bien marcher sur le public qui se déchaîne, et grossit au fil du set.

C’est extrêmement bien fait dans le genre et déborde d’énergie, mais ne déborde pas d’originalité et finit par être un tantinet redondant. La voix d’Elena Cataraga a tout de même quelque chose de particulier qui retient l’attention. Et elle communique abondamment avec le public, qui ne s’en déchaîne que plus. Un wall of death se forme aux deux-tiers du concert, éclatant en pogo qui grossit. « En France, la foule ne déçoit jamais ! » s’enthousiasme la vocaliste. Sur l’un des derniers morceaux, elle fait s’asseoir le public, chante un passage d’une voix toute douce avant d’exploser, donnant le signal aux gens de se redresser et sauter frénétiquement sur une mélodie efficace.

Après un avant-dernier titre aux forts éléments electro, pourvu d’une ambiance sombre, sur lequel la frontwoman démontre encore son agilité, elle se confond en remerciements. Le dernier titre, “Sweet, Sweet Lies”, bourrin à souhait, déclenche encore un circle pit, sous les injonctions d’Elena Cataraga à l’agrandir, à empoigner ses amis et voisins et à sauter en tous sens. Si ce n’était pas le concert le plus mémorable du festival, ses vertus de défoulement étaient indéniables.

Liturgy 

Massey Ferguscène, 16h35

C’est une formule tout à singulière que propose Liturgy en ce vendredi après-midi. Le groupe New-Yorkais créé en 2005 propose un black metal avant-gardiste et expérimental surprenant. Dès l’introduction a capellaHaela Hunt-Hendrix fait des vocalises, qu’elle reprend et mélange ensuite à l’aide d’un looper pour créer l'effet liturgique. Petit à petit, les différentes couches de voix sont agrémentées de hurlements d’outre-tombe, l’intensité est palpable. Enfin, cette tension se décharge lorsque le mur du son intense riche en blast beat démarre. Haela hurle son désespoir, l’ambiance est fascinante.

Les rythmiques que propose Liturgy se révèlent techniques et riches et intriguent les novices du groupe, qui se sont déplacés vers la tente à la vue du qualificatif expérimental. Quelques titres aux rythmiques plus groovy sont présents, quelques nuques dans la fosse se libèrent et impriment un mouvement de headbang. Le tout en restant religieusement concentré sur la prestation que Liturgy nous offre. Une reprise de My Bloody Valentine se glisse aussi dans le set, “No More Sorry”.

De bout en bout, on reste scotché par l’aura que dégage Haela, ce côté écorché vif, brutal et à fleur de peau en même temps. Mais comme trop souvent sur cette édition, il est impossible de passer sous silence le son de la tente, largement couvert par la double pédale de la Supositor dans les passages calmes. On devrait être transportés par les incantations liturgiques au looper en intro des titres (le groupe en propose une nouvelle avant “Antigone II”), mais c’est difficile sinon impossible lorsque la double pédale est incessante sur la scène extérieure. Imagine-t-on une seconde un début de set d'Amenra où le calme et le silence doivent régner si en face joue Cannibal Corpse ou Vomitory ? Non, et c’est sûrement pour une bonne raison. Le groupe jouait le lendemain au Point Éphémère, gageons que l’expérience devait y être plus à la hauteur de la proposition du groupe.

Nova Twins 

Dave Mustage, 17h25

Placé juste après le concert très particulier de Liturgy qui nous a pas mal chamboulés, retrouver les Nova Twins sur la scène extérieure de la Dave Mustage promet un sacré changement d’ambiance. Après quelques années à suivre leurs albums, souvent (si ce n’est toujours) percutants, c’est bien de les voir programmées au Motocultor. À l’instar d’un combo comme Bob Vylan la veille ou Wargasm plus tard dans la soirée, on retrouve un mélange rock, hip-hop et électro, le tout dans un esprit punk. Alors que l’intro du dernier album Supernova résonne dans les enceintes, les deux Nova Twins investissent la scène dans leurs belles robes noires et blanches.

“Fire & Ice” ouvre les hostilités, et on retrouve immédiatement cette énergie qui nous a fait apprécier le groupe en studio. La basse de Georgia South (qui arbore une belle couleur de cheveux rouge) est largement en avant et s’impose. Mais Amy Love assure finalement la majorité du chant en plus de la guitare. Celle-ci lâche régulièrement son instrument pour assurer encore plus le rôle de frontwoman. À deux, elles font l’ensemble du spectacle, le batteur restant bien en arrière-plan.

Les différents titres, tous fort énergiques et efficaces, remuent le public. Celui-ci soutient le duo sur “Cleopatra” ou encore “Puzzles”, où il est invité à accompagner Amy. L’animation dans la fosse n’est pas en reste, avec du pogo et pas mal de crowdsurf, aidée par une certaine accalmie du mauvais temps. La pluie s’est arrêtée depuis le début du concert, et le soleil semble menacer de poindre à travers les nuages. Cela va finir par arriver pour le set suivant.

Une certaine monotonie s’installe tout de même à mesure qu’avance le set, car les titres sont relativement tous conçus de la même façon. À l’exception de “Sleep Paralysis” (nettement plus calme que les autres) et “Antagonist”, aux sonorités plus nu-metal. Ces deux titres placés en fin de setlist permettent de casser un peu la routine qui s’était installée jusque-là.

 

Setlist Nova Twins:
Fire & Ice
Cleopatra
Toolbox
Taxi
Wave
Puzzles
Losing Sleep
Sleep Paralysis
Antagonist
Choose Your Fighter

1914 

Supositor Stage, 18h15

Sur scène, le décor évoque les tranchées et les morts sur le champ de bataille, sur une introduction mélancolique où résonnent les dialogues du film anti-guerre de 1930, A l’Ouest Rien De Nouveau. L’immersion dans l’univers de la Première Guerre mondiale ne s’arrête pas là, puisque les musiciens font leur entrée avec, en guise de costumes, des uniformes d’époque de soldats de différents pays, quant au chanteur, Dmytro Kumar, il est vêtu d’un long tablier et recouvert de boue de la tête aux pieds. Le groupe originaire de Lviv en Ukraine propose une plongée dans les horreurs de cette guerre, chaque titre étant consacré à une bataille, un régiment, un type d’arme ou de char utilisé pendant la Grande Guerre. 

En plus d’un travail remarquable de recherche historique, le combo propose des compositions mêlant le blackened death et le au doom, entre désespoir et violence, qui illustrent parfaitement le propos sur l’absurdité de la guerre. Cela passe de l’arme utilisée pour assassiner l’archiduc François-Ferdinand en 1914 (“FN .380 ACP#19074”) à l’offensive de la Meuse-Argonne qui marque la fin de la guerre, en passant par “Passchenhell”, morceau à l’ambiance funeste et pesante évoquant la désolation et l’enfer des tranchées. Ce titre fait référence à Passchendaele, ville des Flandres et théâtre boueux d’une bataille extrêmement meurtrière ayant coûté la vie à des centaines de milliers de soldats, en majorité allemands et britanniques. Les titres du début du set, issus de l’album de 2021 Where Fear and Weapons Meet, passent de tonalités rapides et belliqueuses à des moments plus solennels. Des riffs sur des tonalités martiales et des explosions de double pédale plantent le décor, et le charismatique vocaliste impose sa puissance sans peine.

Certains titres se font plus lents, le death se teinte de doom pour un effet poignant (“Corps d’Auto-canons-mitrailleuses”) avant des passages plus rapides et efficaces. Dmytro Kumar prend la parole en anglais entre les titres, pour parler d’une autre guerre, celle en cours dans leur pays d’origine, avec comme conclusion « Fuck war, fuck imperialism, fuck Putin ». Plus tard dans le set c’est Igor Kovalenko, batteur remplaçant (le batteur de 1914 n’ayant pas eu l’autorisation de quitter l’Ukraine), qui prend le micro pour s’adresser, dans la langue de Molière, au pays qui l’a accueilli. Installé au Pays basque depuis l’invasion russe, il remercie la France pour son soutien. Sur les titres “A7V Mephisto” et “Arrival. The Meuse-Argonne”, tirés de l’opus de 2018 The Blind Leading the Blind, le vocaliste descend à la barrière puis entre dans la fosse pour y déambuler lentement, solennellement, tout en chantant, au plus près de la foule très nombreuse qui s’écarte respectueusement au gré de son avancée. Un set qui restera gravé dans les mémoires.

Setlist 1914 :

FN .380 ACP#19074
Vimy Ridge (In Memory of Filip Konowal)
...And a Cross Now Marks His Place
Corps d’Auto-canons-mitrailleuses (A.C.M.)
Mit Gott für König und Vaterland
A7V Mephisto
Arrival. The Meuse-Argonne
Passchenhell

Beast In Black  

Dave Mustage, 19h10

Quelques secondes après la fin du set solennel de 1914 sur la Supo, changement radical d’ambiance du côté de la Dave voisine avec le power metal des Finlandais de Beast in Black, groupe formé en 2015 par l'ancien guitariste de Battle Beast, Anton Kabanen. Sur une rythmique galopante aux accents électroniques, les guitares flashy sont brandies en même temps par les musiciens, vêtus de cuir, et même les headbangs sont chorégraphiés. L’hyperactif vocaliste Yanis Papadopoulos arpente la scène en courant et donne de sa personne, signant une prestation impeccable en s’envolant dans les aigus dès “Blade Runner” et “Hardcore”, morceaux du dernier album Dark Connection (2021) tout en sollicitant le public pour taper des mains ou donner de la voix. Il remercie d’ailleurs en français (“Nous sommes ici pour vous donner du heavy metal!”), et la fosse le lui rend bien, s’agitant copieusement sur le power efficace de Beast in Black et donnant même de la voix sur le refrain de “Born Again”.

Le récent single “Power of the Beast” enfonce le clou, avec ses tonalités très eurobeat ultra efficaces faisant danser la foule. Dans une ambiance festive, les slams s’enchaînent, y compris pour un festivalier en fauteuil roulant, acclamé par la foule et les musiciens. Les slams continuent à un rythme soutenu sur “Cry Out for a Hero”, alors que les deux guitaristes Anton Kabanen et Kasperi Heikkinen rivalisent de rapidité dans l’exécution et enchaînent les poses, accompagnés de Atte Palokangas à la basse. La fête bat son plein jusqu’au final accrocheur “One Night in Tokyo”, nouvelle occasion pour le public de communier en toute insouciance avec le sympathique combo qui termine ici sa tournée d’été.

Setlist Beast in Black :

Blade Runner
Hardcore
The Fifth Angel
Born Again
Sweet True Lies
Power of the Beast
Blind and Frozen
Cry Out for a Hero
One Night in Tokyo

Myrkur 

Bruce Dickinscène, 19h10

La journée folk se poursuit sur la Bruce Dickinscène avec Myrkur, projet fondé aux Etats-Unis par la chanteuse danoise Amalie Bruun. Si le groupe ne joue pas à proprement parler du folk metal, sa présence dans la programmation découle d’une certaine logique. En effet, la musique de Myrkur a beau être définie comme du black metal, voire du shoegaze ou même du metal gothique, la musicienne s’inspire aussi de la musique traditionnelle scandinave, encore plus depuis l’album de 2020 Folkesange.

Le public est très massif dès le début du concert, et semble conquis du début à la fin. Et pour cause, la vocaliste et ses trois musiciens livrent ce soir une prestation magnifique, balayant ses quatre albums, avec une nette prédominance du dernier en date, Spine – il représente les deux-tiers du set et est presque intégralement joué. C’est une musique de contrastes, entre des déluges black metal, âpres, torturés, noirs, sur lesquels la violence pure étend son emprise, et des envolées lumineuses, poignantes. Avec parfois des rythmiques qui s’approchent de la pop, comme dans « Like Humans », alors que l’ambiance demeure assez nostalgique, et des ambiances qui flirtent avec une electro pop dark, comme sur « Mothlike » (toutes deux du dernier album).

La chanteuse, également guitariste, est le parfait exemple de cette dualité : son chant saturé est déchirant, son chant clair envoûtant. Il est d’ailleurs impressionnant de voir cette jeune femme blonde si gracile faire montrer d’une telle puissance. Les changements de registre nous laissent, contrairement à elle, sans voix, la voix très douce se cassant soudainement en un scream d’outre-tombe, ou montant soudainement dans des aigus très clairs.

La basse est souvent très en avant, la batterie n’est pas avare en blasts, les deux guitares savent se faire très agressives, et les instruments sont réellement mis en avant : il ne s’agit pas d’un vague accompagnement placé en retrait pour laisser toute la place à la chanteuse – impression que peut parfois donner le dernier album de la Danoise. Ils peuvent aussi se faire beaucoup plus subtils et éthérés, mais les arrangements des nouveaux titres sont nettement plus lourds que sur disque, et s’inscrivent pleinement dans le black metal.

La bassiste assure selon les morceaux les claviers qui renforcent une ambiance sombre et nostalgique, ainsi que les chœurs. Elle chante aussi sur certains morceaux, et sa voix unie à celle d’Amalie Bruun produit un résultat sublime. Elles se répondent ainsi sur les trois derniers morceaux. D’abord « Devil in the Detail ». Puis « Leaves of Yggddrasil », présentée par la chanteuse comme une chanson folk, effectivement plus douce et calme, où les deux femmes se répondent sur la première partie avant de se rejoindre vocalement. Et puis « Ulvinde », plus lourd, assez lent, dont Amalie Bruun chante la majeure partie seule, poussant sa voix dans des retranchements suraigus, avant de terminer a cappella en duo avec sa bassiste, nous donnant des frissons. Un moment de grâce, qui conclut de façon magique un concert habité.

Setlist Myrkur :

Bålfærd
Like Humans
Mothlike
Spine
Valkyriernes sang
Dybt i skoven
The Serpent
Blazing Sky
Devil in the Detail
Leaves of Yggdrasil
Ulvinde

KK's Priest

Dave Mustage, 21h00

Le ciel est dorénavant menaçant sur Carhaix. Les éclaircies bienvenues pendant le concert de 1914 semblent loin lorsque KK’s Priest s’apprête à fouler les planches de la Dave Mustage. Semblant n’avoir jamais vraiment digéré son départ de Judas Priest, KK Downing est aujourd’hui de retour (pour nous jouer un mauvais tour sa version de la musique du groupe anglais). Si la démarche ressemble beaucoup au caprice de l’ancienne star (on pense à Steven Adler avec son Adler’s Appetite), il faut reconnaître que KK fait bien les choses en intégrant Tim Ripper Owens. Qui d’autre pour le rôle que le seul à avoir remplacé Rob Halford au sein de Judas Priest ?

Pourtant, la longue vidéo d’introduction bien kitsch avec un diable en effets 3D datés (presque dignes du siècle dernier) prête beaucoup plus à la moquerie qu’au respect. “Incarnation” ne restera certainement pas dans les annales. Lorsque le groupe arrive, on repère tout de suite la sangle de guitare de KK, avec ses initiales en pics brillants. Le souvenir de Chris Isaak se remémore à nous, mais celui-ci était mieux (et plus) habillé. Le pantalon moulant en cuir passe moins avec le temps.

Heureusement, le groupe est largement plus convaincant une fois les instruments en main que sur ces questions d’animations 3D ou de style vestimentaire. Tim Ripper Owens s'impose naturellement sur les (rares) nouveaux titres interprétés comme sur les nombreuses reprises de Judas Priest. Jamais en défaut, il sublime le répertoire à l’honneur pour ce show. “The Ripper”, “Night Crawler”, “Hell Patrol” : tous sont superbement interprétés. Il en va de même pour “Burn In Hell”, qui date lui de la période où Tim et KK étaient tous deux dans Judas Priest. On a même droit à “Sinner” pour clore le set.

Le groupe délivre un heavy ultra efficace, l’expérience des membres du groupe parle ce soir. KK assure la majorité des solos et se révèle encore bien précis. Pour autant, on est surpris de voir le public si clairsemé, en particulier en seconde partie de concert. Peut-être est-ce l’effet Myrath, la tente de la Massey se remplissant bien avant le début du concert ?

 

Setlist KK's Priest:
Incarnation
Hellfire Thunderbolt
Strike of the Viper
One More Shot at Glory
The Ripper
Night Crawler
Sermons of the Sinner
Burn in Hell
Diamonds & Rust
Hell Patrol
The Green Manalishi (With the Two Prong Crown)
Breaking The Law
Sinner

Myrath 

Massey Ferguscène, 22h05

En plus de deux décennies, les Tunisiens de Myrath se sont forgé une solide réputation sur scène. A tel point que la tente de la Massey Ferguscène se remplit plusieurs minutes avant le début de leur concert. Et s’enflamme quand le batteur Morgan Berthet, le claviériste Kévin Codfert et le chanteur Zaher Zorgati viennent effectuer quelques balances. Celui-ci tente de calmer l’auditoire, sans trop de succès. « Allez, à tout à l’heure ! », finit-il par lâcher en partant. 

Enfin, place au véritable début. Le quintette entre sur une musique enregistrée épique pleine de chœurs grandiloquents, Morgan Berthet harangue la foule et s’installe, suivi de ses comparses. Le groupe attaque avec "Into the Light" joué avec un son assez massif. Le public se densifie encore plus sur les premiers morceaux, et il devient délicat de conserver un peu d'espace vital.

Le groupe exécute parfaitement son metal prog agrémenté d'éléments orientaux. Le son est globalement massif, tout en restant extrêmement mélodieux, une marque de fabrique du combo. Certains riffs se font tout de même relativement agressifs et plus saturés, et le guitariste Malek Ben Arbia livre plusieurs soli intéressants.

Zaher Zorgati est très en voix et peut être assez impressionnant dans ses vocalises. Il est en verve, communique beaucoup avec le public, se déplace vers ses comparses à tour de rôle pour les mettre en valeur – mettant son micro devant leurs instruments avec une certaine espièglerie – et les faire acclamer. 

Il sait aussi se faire plus sérieux, expliquant avoir été interviewé par des adolescents durant le festival, et choqué d’apprendre que certains avaient été harcelés – l’évocation de cette situation provoque des huées dans l’auditoire. « Ne vous en faites pas, on est tous avec vous », affirme-t-il, avant de leur dédier la chanson « Heroes ». 

En plus d’une qualité musicale indéniable, Myrath a depuis longtemps le sens du spectacle, puisqu'il est accompagné depuis de nombreuses années par une danseuse orientale qui enrichit visuellement les morceaux. Elle agrémente ses chorégraphies de divers accessoires qui leur donnent une autre dimension – éventails, foulards, et surtout une enthousiasmante danse du sabre sur la fin. L’ensemble est très beau à voir. 

Il pourra cependant y avoir une légère déception pour celles et ceux qui avaient vu le groupe, par exemple au Hellfest en 2023, puisqu'à ce moment-là, il avait fait appel à des cracheurs de feu et à un prestidigitateur pour de véritables tours de magie, qui s'intégraient très bien au show. Point de cela ici, mais dans l'absolu, la danse et la musique se suffisent à elles-mêmes. 

La setlist est assez classique, et l’album Karma, sorti cette année, est très mis en avant. Les titres qui en sont issus passent très bien l’épreuve du live – mais la majeure partie était déjà jouée depuis 2023. Mention spéciale à « Candles Cry », qui dégage une atmosphère spéciale, très groovy (la basse d’Anis Jouini y fait des merveilles), avec des passages presque scandés, en plus d’aborder le sujet très sérieux de la perte du libre arbitre. 

Le concert se conclut sur le classique et ô combien mémorable "Believer", qui offre un dernier excellent solo de guitare. Et sur lequel Myrath se paye le luxe de jouer les prolongations. « Merci du fond du cœur, vous êtes toujours généreux en Bretagne », salue Zaher Zorgati, avant de faire chanter en simultané deux parties différentes aux deux moitiés de la salle – les « wowowowow » répondant aux « live and carry on ». C’est casse-gueule sur le papier, mais ça marche. Ultime preuve, s’il en fallait encore, que Myrath est véritablement un grand groupe.

Setlist Myrath : 

Into the Light
Born to Survive
Dance
Child of Prophecy
To the Stars
Mercyless Time
Heroes
Beyond the Stars
Candles Cry
Jasmin
Believer

Opeth

Dave Mustage, 23h00

Pour la tête d’affiche du soir, les grands moyens sont déployés sur la Dave Mustage, avec des écrans disposés à l’avant du podium surélevé destiné aux claviers et bongos de Joakim Svalberg et à la batterie de Waltteri Väyrynen (ex-Paradise Lost), dernier arrivé au sein du groupe. Le groupe suédois se présente sur scène en toute décontraction et se lance sans tarder dans son premier titre, le monstrueux “The Grand Conjuration”. Le calme apparent des cinq musiciens, en particulier du frontman Mikael Åkerfeldt, tranche avec la puissance et la complexité des compositions, très bien mises en valeur ce soir par un bon mix créant un effet massif. Sans surprise, Opeth ne joue pas ce soir de titre de son nouvel album, dont la sortie est prévue pour le mois de novembre. Il faudra patienter jusqu’à février prochain pour découvrir en live ce nouveau concept album intitulé The Last Will and Testament, dont le premier single, “§1”, a mis les fans en émoi avec un retour inespéré du growl de Mikael, porté disparu des enregistrements studio du groupe depuis le tournant Heritage en 2011.

 

Mais que les fans se rassurent, du growl, il y en aura ce soir, et pas qu’un peu : la setlist, redoutable, est taillée pour séduire les aficionados du « old Opeth », ne comprenant que des morceaux issus des premiers opus marqués death metal, de My Arms, Your Hearse (1998) avec le menaçant “Demon of the Fall”, jusqu’à Watershed (2008) représenté par le très lourd “Heir Apparent”. Avec une aisance désarmante, le groupe se lance dans ces compositions longues, denses et complexes typiques du prog à tiroirs qui est sa signature.

Des passages acoustiques délicats, mélancoliques ou inquiétants, harmonies en chant clair de Mikael et Joakim Svalberg, et des mélodies psyché seventies au clavier virevoltent au milieu de passages de death plus sinistres, menaçants (“The Drapery Falls” tiré de l’iconique Blackwater Park) voire impitoyables et brutaux (“Ghost of Perdition”). Les rythmiques saccadées signées Waltteri Väyrynen, les riffs déconstruits et le groove subtil de l’imperturbable bassiste Martín Mendez ponctuent des morceaux-fleuves aussi agressifs que mélodiques et entraînent les festivaliers dans une fièvre irrésistible du début (“The Grand Conjuration”) à la fin du set (“Deliverance”). Les headbangs, pogos et autres slams font leur apparition sur les moments les plus agressifs du set, alors que sur scène les patrons Mikael Åkerfeldt et Fredrik Åkesson, complices, signent à tour de rôle des lignes rythmiques monstrueuses ou des soli inspirés remarquables. 

 

Une exécution impeccable, une setlist solide, sur le plan musical la soirée remplit toutes les attentes et même davantage. Le groupe se lance également dans une reprise du hit de Napalm Death “You Suffer” (sorti sur l’album Scum en 1987), d’une durée d’à peine plus d’une seconde (« did we nail the middle section ? », demande Mikael). Car côté ambiance, les habitués le savent, la prestation d’Opeth ne serait pas complète sans les petits commentaires et prises de paroles pleines d’humour et d’autodérision dont le frontman a le secret. Plutôt bavard et détendu ce soir, il n’hésite pas à interagir avec le public, éconduit poliment une fan particulièrement insistante, et dissémine des petites anecdotes personnelles lors des pauses entre les morceaux, tout en accordant sa guitare. Il se confie par exemple sur les groupes qu’il allait voir en festival lorsqu’il était jeune (Rage Against the Machine, Radiohead ou 16 Horsepower), ou raconte la genèse du titre “Deliverance”, inspirée par un morceau du groupe brésilien de metal extrême, Sarcófago (“Alcoholic Coma”, sur l’EP Rotting). Les quatorze minutes de cette conclusion habituelle du set des Suédois passent d’ailleurs à toute allure, et le public ovationne bruyamment cette performance magistrale du groupe à la force tranquille, que l’on retrouvera avec bonheur à L’Olympia à Paris en février 2025.

Setlist Opeth :

The Grand Conjuration
Demon of the Fall
You Suffer (Napalm Death cover)
The Drapery Falls
Heir Apparent
Ghost of Perdition
Deliverance 

Aura Noir

Supositor, 00h20

Le quatuor de black thrash norvégien n'est pas là pour faire les choses à moitié. Aura Noir a la tâche de clore la programmation de la Supo ce vendredi, alors que tout le monde a encore en tête le très beau concert d’Opeth. Démarrant avec quelques petites minutes d'avance, il balance sans concessions son metal crado énergique à la face du public, encore présent en masse devant les scènes extérieures.

Agressor (alias Carl Michael Eide, également dans Ved Buens Ende) joue de la guitare assis sur sa chaise à roulettes, Apollyon assure le chant et la basse et Blasphemer est la guitare. Chacun est présent dans le groupe depuis le début, même si les coups du sort ont forcé Agressor à abandonner son poste historique à la batterie.

Si la majeure partie de la setlist est articulée autour d’anciens titres, le dernier album en date (Aura Noire, 2018) n'est pas oublié avec “Dark Lung Of The Storm”. Celui-ci est enchaîné directement avec “Towers Of Limbs And Fevers”, issu du premier EP de 1995, qu'Aura Noir n'a jamais réenregistré. Marquant souvent une pause entre chaque titre joué, Apollyon et Aggressor annoncent la majorité du set.

Si une partie des festivaliers dans les premiers rangs devant la Dave Mustage demeure sur place en attendant Igorrr, une bonne partie du public n’est pas restée pour Aura Noir. Il faut reconnaître que ça joue vraiment très fort, trop fort même. La mesure dépasse allègrement les 102 dB réglementaires de moyenne, avec des maximums dans les 111dB. Les survivants se déchaînent sur les rythmiques bourrines du combo. Une bonne zone de mosh se crée sur “Conqueror”, achevant les corps après une journée éreintante.

 

Setlist Aura Noir:
Upon The Dark Throne
Sulphur Void
Hell's Fire
Belligerent 'til Death
Dark Lung of the Storm
Towers of Limbs and Fevers
Hades Rise
Iron Night/Torment Storm
Conqueror
The Stalker
Purification of Hell
Condor
Black Metal Jaw

Igorrr 

Dave Mustage, 01h15

Le backdrop représentant la poule, signée Førtifem, figurant sur la pochette du dernier opus Spirituality and Distorsion (2020) est installé, tout est prêt pour une heure de folie ou, comme un festivalier du premier rang l’annonce, une plongée dans l’esprit tordu de Igorrr. Igorrr, alias Gautier Serre, compositeur, musicien et producteur, mêle les genres pour créer un son d’avant-garde aussi indescriptible qu’accrocheur et se produit en live accompagné de deux musiciens et deux vocalistes : aux growls et aux cris, l’impressionnant JB Le Bail, grimé de noir, quant à la mezzo soprano Marthe Alexandre, elle montre toute l’étendue de son talent – et de sa puissance dans des registres lyriques (“Himalaya Massive Ritual”, “Nervous Waltz”) mêlés à des hurlements plus écorchés, comme sur le titre fou “ieuD” ou le très lourd (et bien nommé) “Overweight Poesy”. L’efficacité du set repose en partie sur la complémentarité et la présence scénique des deux chanteurs. Lui en noir, elle en rouge, leurs timbres se complètent de façon impressionnante et leurs longs cris sont mixés et brisés en saccades par le maître des platines (“Paranoid Bulldozer Italiano”, “Opus Brain”).

Le nouveau batteur Rémi Serafino, ayant pris cette année le relais de Sylvain Bouvier (Trepalium), signe une très bonne prestation ce soir. Il impose des coups de double redoutables et un tempo irrésistible sur les morceaux puissants où les flammes sont de sortie pour accompagner les riffs pachydermiques de l’excellent Martyn Clément (“Downgrade Desert”, “Viande”). La pyro et les jeux de lumières dynamiques accompagnent les mélodies irrésistibles pour transformer la scène et la fosse de la Dave en dancefloor géant, où le public donne de la voix sur de nombreux titres ou tape des mains, et headbangue énergiquement sur les morceaux instrumentaux (“Camel Dancefloor”, “Very Noise”...).

En hauteur, trônant derrière sa console, Gautier joue au savant fou, le casque sur les oreilles, se détournant occasionnellement de sa platine pour prendre sa guitare ou sa flûte à bec (“ieuD”). Chef d’un orchestre improbable, capitaine d’un navire étrangement barré, et alchimiste des temps modernes, il fait s’entrechoquer des sonorités incongrues qui fonctionnent finalement très bien, des gros subs de techno au baroque, du lyrique aux cordes orientales, le tout agrémenté de riffs, de hurlements, de sons organiques, de 8-bits ou de bruits de machine. De quoi mettre en mouvement le public de la Dave, qui se lance dans des pogos et des slams à un rythme effréné qui ne faiblira jamais. En fin de concert, tous les musiciens, batteur compris, viennent sur le devant de la scène se livrer à de gros headbangs pendant que Gautier est à l’œuvre aux platines sur “Robert” et “Very Noise”. Un vrai moment de folie, de fête et de partage qui a complètement conquis les festivaliers noctambules, alors que la pluie a enfin cessé.

Et aussi ... 

Sur la Massey Ferguscène, cela semblait être la journée des objets sonores non identifiés. Entendu de loin, Bambie Thug donnait un peu l’impression de dénoter dans la programmation, mélangeant punk, pop, electro, et costumes évoquant une sorcellerie contemporaine – l’artiste qualifie d’ailleurs sa musique de "ouija pop". Mais l’étrangeté musicale est toujours digne d’intérêt et la performance a manifestement attiré un certain nombre de curieux. Plus tard, les Britanniques de Wargasm ont mis le feu aux poudres – et étaient probablement eux-mêmes déjà en feu, vu leur accoutrement minimaliste et Sam prompt à escalader la scène façon Airbourne. Le groupe d’electro-punk a impressionné par un son enragé, se rapprochant par moments du neo-metal, mais très punk dans l’esprit, avec beaucoup de beats électroniques mais également une guitare très en avant et pas mal de screams. Une violence brute et en même temps jouissive, presque festive, qui a semble-t-il convaincu le public – à commencer par notre rédaction. Skynd clôturait la Massey Ferguscène ce jour-là, avec un son indus et une performance assez théâtrale. Les quelques morceaux aperçus donnaient envie d’en entendre plus. 

Du côté de la Bruce Dickinscène, c’était la journée du folk. Dans l’après-midi, juste avant Myrkur, les Bretons de Widilma (cofondé par un ancien musicien de Tri Yann) ont offert leur néo-folk aux accents celtiques. Très tribale, presque chamanique, axée sur les percussions, leur musique est mise en valeur par une véritable scénographie et plusieurs intervenants en plus des musiciens, un peu sur le mode de Heilung en plus limité. L’ensemble était fascinant de bout en bout, et si le groupe explore des musiques très anciennes, il fait parfois le lien avec le monde actuel. Ainsi la chanteuse fit-elle scander « Free Paul Watson », en soutien à l’activiste écologiste qui avait alors été arrêté quelques jours auparavant. Le tout avant d’entamer « La Danse des Baleines ». Un concert magique.  

Juste après Myrkur, c’est Sowulo qui a poursuivi cette thématique folk, avec un concert fort plaisant. Le groupe néerlandais a présenté ses compositions envoûtantes, avec des harmonies de voix prenantes, et un bel équilibre entre harpes, vents, percussions et différents instruments à cordes (violon, nyckelharpa, vielle à roue, bouzouki…). Le tout joliment mis en avant par de beaux jeux de lumières.  

Les Allemands de Faun font partie des maîtres du folk. La présence d’Opeth en parallèle n’a pas empêché une certaine affluence. Le sextette en forme a donné une performance très réussie, tour à tour joyeuse et mélancolique, imprégnée d’airs anciens, parfois celtiques ou médiévaux, agrémentée d’une certaine modernité sans dénaturer la musique. L’ambiance était globalement allègre et légère, le groupe semblait content d’être là, au point de peut-être manquer de réalisme. En effet, quand le chanteur se réjouit de cette « belle soirée d’été », alors qu’il pleut des cordes depuis le début de la journée, on se questionne sur la perception du climat des Germaniques. Mais les faunes sont des êtres toujours prêts à réchauffer les corps et les cœurs, aussi, quand le chanteur essaye de faire chanter le public, le batteur précise en franglais dans le texte : « C’est très bien, the same avec plus d’énergie… d’énergie sexuelle », dans l’objectif de « make of this place une grotte humide de plaisir ». Un très bon programme pour un vendredi soir.  

Le concert le plus original de ce vendredi (et, très subjectivement, le meilleur du festival) était peut-être celui d’autres Allemands, Haggard, qui fermait la Bruce Dickinscène. Le groupe, qui se compose de dix musiciens, est très rare en France – le leader expliquera ne plus être venu depuis quasiment trente ans. Or, la rareté d’Haggard se traduit aussi dans sa musique, qui correspond à un metal symphonique avec quelques accents folk, mais surtout, dans lequel les instruments classiques se mêlent réellement sur scène aux instruments metal, au lieu de se contenter de sons de claviers comme dans l’écrasante majorité des formations de metal sympho. Ainsi, le combo se compose d’un batteur, deux guitaristes dont l’un assure le chant saturé, un bassiste qui assure le chant clair, presque lyrique, une claviériste qui chante avec une voix de soprano lyrique époustouflante, une flûtiste et un quatuor à cordes. Rien que visuellement, c’est donc impressionnant, et ça l’est encore plus à entendre, car si les parties metal alternent entre du metal mélodique et des influences death, les parties symphoniques sont réellement de la musique classique, souvent d’inspiration Renaissance et médiévale, de façon beaucoup plus pure que ce que font les mastodontes du sympho. Rare jusque dans sa discographie, avec quatre albums en 35 ans, dont le dernier en 2008, Haggard joue ici ses trois derniers disques. Mettant notamment en avant son troisième album, Eppur Si Muove (« et pourtant elle tourne », en italien), consacré comme son nom l’indique à Galilée – quel bon goût. Le concert est une merveille de bout en bout, à peine gâché par quelques spectateurs trop bruyants. Les acclamations finales sont enthousiastes, et ce concert nous donne envie d’espérer un prochain album, et surtout, qu’un tourneur inspiré ait l’idée de faire tourner Haggard en salle dans l’Hexagone. Pour faire connaître cette merveille du metal au plus grand nombre.

Textes : 
- Aude : Les Compagnons du Gras Jambon, Infected Rain, Myrkur, Myrath, les autres concerts du jour
- Félix : Esthesis, Liturgy, Nova Twins, KK's Priest, Aura Noir
- Julie : Hippotraktor, 1914, Beast In Black, Opeth, Igorrr

 

Photos :
Lil'Goth Live Picture. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.



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