Avec toute la démesure qui les caractérise, les Guns N’ Roses sont de retour en l'an de grâce 2008 avec un album, le cinquième en vingt-six ans de carrière, le plus attendu de tous les temps. Cela fait une génération que la bande à Axl Rose, qui se résume aujourd’hui à Axl tout court, n’a pas fait parler d’elle, hormis la reprise de « Sympathy for the Devil » des Rolling Stones, pour le film Interview with a Vampire (1995) et la chanson « Oh My God » pour le film End of Days. Il était donc normal que les fans attendent cet album avec grande impatience.
Je suis un admirateur inconditionnel de ce groupe légendaire mais je me dois d’être honnête. Après avoir appris le départ des derniers Gunners (Slash et Duff), je me suis dis que les Guns N’ Roses étaient bel et bien morts. J’ai donc été surpris d’apprendre par Axl lui-même sur MTV que le groupe allait produire un nouvel album. Lorsque j’ai vu en 2001 et 2002 les nouvelles apparitions d’Axl (et des musiciens l’accompagnant), j’ai été impressionné par la qualité des morceaux joués à la perfection mais terriblement déçu par Axl qui chantait faux et semblait en bout de course. Cependant, connaissant son professionnalisme, je ne pouvais croire à la fin de ce chanteur hors norme. De nombreuses histoires ont donc été racontées sur les nouveaux Guns N’ Roses, principalement des déluges de stupidités. Il est important de restituer certaines vérités. Oubliez les cheveux longs californiens, le chapeau haut de forme et les blousons de cuir et dites bonjour aux dreadlocks, au seau KFC et autres costumes cravates. Chinese Democracy est le deuxième disque le plus cher de l’histoire avec un budget Hollywoodien de près de 20 millions de dollars. Le groupe a composé plus de 70 chansons, avec la participation de quatre producteurs, cinq guitaristes, un bassiste, deux claviers, trois batteurs si l’on compte Josh Freese, une harpe (Patti Hood) et le compositeur Marco Beltrami. Aucune chanson ne daterait de l'ancienne formation du groupe Californien (à part « This I Love » qui fût évoquée par Axl vers 1993). Axl Rose a choisi de prendre une direction artistique différente, plus moderne. ”¨Pour mieux comprendre l’évolution du groupe, il faut avoir suivi leur actualité et surtout celle du « Dictateur-Chanteur ». En 1993, déjà on pouvait noter son désir d’aller vers un style plus épuré et plus extrême. À commencer par son envie de travailler avec des musiciens comme Trent Reznor (Nine Inch Nails) sur des morceaux plus synthé. Pas étonnant que Robin Finck ait rejoint le groupe en 1996 (Il le quitta en 2008 et fut remplacé par D.J Ashba).
Avant la sortie de l’album, depuis les tournées Chinese Democracy commencées au début des années 2000, les attaques de fans (ou non fans) outrés fusent : Axl ne serait plus Guns N' Roses, et donc Chinese ne serait pas un album des Guns N' Roses. Si certains veulent jouer les puristes alors les Guns N’ Roses n’existaient déjà plus après le départ de Steven Adler ou encore que Bruce Dickinson n’a jamais rejoint Iron Maiden car le vrai chanteur est Paul Di'Anno. Rappelons également que The Wall des Pink Floyd revient uniquement à Roger Waters ou que les chansons écrites par Dave Mustaine ont été utilisées par Metallica après son éviction du groupe. Chinese Democracy n'est pas totalement opposé avec le passé des Guns. Appetite For Destruction est électrique, provocant et agressif, un son bien Rock rappelant Led Zeppelin, AC/DC, ou encore Aerosmith. Les deux albums Use Your Illusion sont plus diversifiés avec l'utilisation des claviers, des instruments à vent comme des trompettes et des saxophones. On ne peut passer à côté du fantastique « triptyque » (Don’t Cry, November Rain et Estranged) créé de toutes pièces par Axl lui-même. Slash et Duff critiquaient déjà à l’époque ce côté « grandiloquent » qu’Axl imposait. Sur Chinese Democracy, Axl voulait créer un son nouveau, plus moderne, plus électro. Il a su faire évoluer le groupe d’un son « garage » à une musique travaillée.
Centrons-nous à présent sur l'essentiel : la musique. Que nous réserve ce Chinese Democracy ?
Ce disque a mis plus de 10 ans à sortir. Il mérite une écoute extrêmement minutieuse. Après s’être séparé enfin de ses prestigieux artistes d’origine mais piégés dans leur propre dévastation physique, Axl s’est entouré de deux types de guitaristes : des surdoués du manche dernière génération (Buckethead, Ron Thal, Richard Fortus) et des musiciens inscrits dans la tradition blues (Robin Finck). Le mélange s’opère admirablement, on sent vraiment qu’Axl, tel un chef, un utopiste fou, un dictateur sait parfaitement gérer ses soldats et les faire cohabiter. L’ensemble est calculé et scrupuleusement coordonné. On passe d'un solo lunaire complètement barré à des nappes de guitare (acoustiques ou électriques) assemblées et entremêlées de pianos, de synthés afin de tirer la plus belle mélodie. Et c’est surtout le retour des exceptionnelles expérimentations vocales de Rose. Grâce à un travail acharné, il a retrouvé la voix de ses débuts. Idem en Live comme en témoigne ses prestations lors des concerts de 2010 et surtout de 2012.
Analysons les chansons de son album :
- On trouve le titre scotchant en intro, avec le riff qui fait immédiatement headbanguer de « Chinese Democracy »
- « Shackler's revenge » est un mélange Rock/électro avec des rythmiques indus et des solos monstrueux.
- Le chef d’œuvre serait bien évidement « Better » avec ses solos sortis tout droit d’une autre dimension.
- On y ressent toujours la hargne sur « I.R.S. » et « Scraped ».
- Nous retrouvons les ballades rock rappelant les compos sur les Use qui sont « Street Of Dreams » et « Catcher In The Rye ».
- « If the world » est l’intrus car renvoie à un registre plus R’N’B et plus funky.
- Plus vous l’écouterez et plus vous constaterez que Chinese monte en crescendo, qu’aucune chanson n’a été bâclée (peut être même trop travaillée) et, tel un feu d’artifice, le bouquet final se compose de « I.R.S. », « Madagascar » et « This I love » ou Axl est simplement poignant, émouvant et chaque composition se termine par un final grandiose rappelant les grandes épopées héroïques de l’histoire de l’humanité.
Chinese democracy s'affirme comme un album de rock où se combine un travail d'arrangement inhabituel. Il mélange les sonorités qu’elles soient métal, orchestral, électronique, R’N’B … Axl a su comme à chaque sortie d’albums resté fidèle à ses inspirations mais aussi à innover et à surprendre. Il ne dévalorise pas le nom Guns N’ Roses et prouve que l’esprit provoquant et novateur est toujours là. Ecoutez cet album et vous verrez qu’il est bien là. You know where you are ? You're in Democracy !
LES MUSICIENS :
- W.Axl Rose : Chant.
- Robin Finck : Guitare.
- Paul Tobias : Guitare.
- Buckethead : Guitare.
- Ron « Bumblefoot » Thal : Guitare.
- Richard Fortus : Guitare.
- Tommy Stinson : Basse.
- Brain : Batterie.
- Frank Ferrer : Batterie.
- Dizzy Reed : Claviers.
- Chris Pitman : Claviers.