Avant propos :
Pour une meilleure lecture et visibilité, sachez que le Brutal Assault comporte trois scènes : deux scène principales située côte à côte et de taille égale, qui sont la Metalshop Stage et la Jägermeister Stage, et une scène beaucoup plus petite mais couverte, plutôt axée underground, appelée l’Obscure Stage.
Before Brutal Assault , 7 Août 2013, Jägermeister Stage
Nous voici donc dans le village fortifié de Josefov, lieu où se déroule le festival Brutal Assault. Les organisateurs ont eu la bonne idée, en plus des trois jours de festival, de rajouter une journée "before", commençant dans l’après-midi jusqu’après minuit. Au menu, quelques concerts, globalement de bonne qualité. L’évènement de la soirée n’était rien moins que Testament, mais on ne s’attardera pas vraiment dessus, car les Américains assurèrent un concert poussif, doté d’un son brouillon et avec un Chuck Billy à la voix enrouée et chantant trop souvent faux. Heureusement, il y avait Alex Skolnick et Gene Hoglan pour rappeler que la formation actuelle de Testament a son lot de prodiges. Non, la véritable claque de cette before fut, à la grande surprise de beaucoup, un groupe tchèque, répondant au doux nom d’Hentai Corporation.
Hentai Corporation, Jägermeister Stage, 23h40
Pour planter le décor, imaginez que tous les projets musicaux de Mike Patton copulent ensemble et qu’il en naisse un enfant, qu’on donne à ce dernier un nom d’un mauvais goût affirmé, et qu’il soit nationalisé Tchèque. Ajoutez-y tout de même une bonne dose de personnalité propre, et vous arriverez à situer musicalement Hentai Corporation. Ces locaux donnaient le dernier concert de la journée before, et l’ont clôturé de manière dantesque. Armé d’un son cristallin, ce groupe composé de musiciens tous aussi talentueux les uns que les autres vont donner un concert d’une intensité rare. Ils sont tous excellents dans leur domaine, et apportent chacun leur pierre à l’édifice du groupe.
Les compositions sont solides, d’un métal crossover et expérimental de premier choix, avec quelques détours progressifs très bien sentis. Il y aurait tellement à écrire sur ce concert, que ça soit les riffs de boucher, la batterie tantôt funky, tantôt métal, les sonorités futuristes et inventives du claviériste ou tout simplement le chanteur, au spectre vocal impressionnant, et tenant la comparaison avec le maestro Mike Patton. Les danses décadentes du vocaliste sont du meilleur effet, et collent parfaitement à l’univers déjanté du groupe. Les sections instrumentales rappellent les meilleures heures de Liquid Tension Experiment, en plus digeste. Le seul petit défaut qu’on peut relever de ce concert exemplaire est le sous mixage de la guitare basse, regrettable si on considère le talent du bassiste. Chers lecteurs, vous pourrez maintenant dire que vous connaissez un (très) bon groupe Tchèque, merci qui ?
Festival Brutal Assault, jeudi 8 août 2013, premier jour
Hacride, Jägermeister Stage, 15h15
Ce n’est pas sans un soupçon de chauvinisme que l’on assiste à un concert d’un groupe de sa nationalité à l’étranger. Les premiers Français à passer au Brutal Assault sont Hacride, dont l’excellent dernier album aura décidément ouvert de belles portes au groupe. Sans surprise, ils commencent leur concert avec la chanson introductive de Back to Where You’ve Never Been, et lancent un set énergique. Nos compatriotes ont bien bossé, le son est précis, et permet d’apprécier pleinement ce concert d’une demi-heure. Hacride enchaîne sur la deuxième chanson de son nouvel album, qui révèle l’utilisation par le chanteur d’un harmonizer (ou de samples) pour le refrain. Dans le doute, on ne se prononcera pas sur ce choix artistique.
Force est de constater que Hacride est toujours aussi efficace sur scène, à grand coup de rythmiques syncopées on ne peut plus jouissives. Le timbre vocal de Luis Roux correspond parfaitement à la musique jouée, bien que son chant clair manque parfois de justesse. Le groupe dégaine ensuite "Act of God" de son très bon album Lazarus, et continue de maintenir une bonne ambiance devant un public qui, en grande majorité, ne connaît pas le groupe. Dans "On The Treshold of Death", Adrien Grousset jouera l’unique solo de guitare du concert. Pas totalement indispensable, ce solo nous a rappelé que le charme de Hacride se situe ailleurs. En résumé, malgré quelques légères imperfections, le groupe a parfaitement assuré son show, sous un soleil de plomb. Il y a fort à parier que Hacride a gagné de nouveau fans ce jour-là, et c’est bien tout le mal qu’on leur souhaite.
Philm, Metalshop Stage, 16h
Comment ça vous ne connaissez pas Philm ?? Vous êtes sûr ? Etonnant… (sic) Et un certain Dave Lombardo, ça vous dit quelque chose ? Ah, là, je vous retrouve ! Après son éviction de Slayer, l’ami Dave avait nécessairement plus de temps pour se concentrer sur ses autres projets, notamment son trio punk Philm. Soyons honnêtes, il est évident qu’une bonne partie de la foule venue pour ce concert n’était là qu’uniquement grâce à l’effet Lombardo, ce qui est compréhensible étant donné la renommée limitée du groupe. Mais, contrairement à certains musiciens que nous ne nommerons pas, Dave Lombardo fait partie de ceux qui ne se reposent pas sur leur réputation, et il nous l’a prouvé « live ». Dès les premières secondes, on se rend bien compte que Dave s’en est retourné vers ses influences punk/hardcore, mais toujours avec une touche expérimentale et bruitiste loin d’être déplaisante, que le power trio va déployer pendant un set survolté de 40 minutes.
Evidemment, la star du concert est Dave, dont la batterie a été ramenée sur le devant de la scène, pour le plaisir de nos mirettes. Son kit est bien moins imposant qu’avec Slayer, mais ça n’empêche pas le Dave d’envoyer du lourd, toujours avec la classe et le groove qu’on lui connaît. Le trio expérimente beaucoup de sonorités, dans un registre agressif et nerveux. Philm vient donc souffler un peu de révolte punk dans ce festival résolument métal. La voix rocailleuse de Gerry Nestler, chanteur/guitariste fait son petit effet, et l’accueil réservé au groupe est très chaleureux. Sur une chanson vraisemblablement très improvisée, Philm se fera beaucoup plus post-rock, avec succès. Le groupe était prêt à nous en donner plus, mais le staff leur a fait comprendre qu’il était temps de s’arrêter… A bien des égards, ce concert a donc fait partie de ces bonnes surprises du festival, souvent éloignée du registre habituel du Brutal Assault, preuve d’une volonté certaine d’éclectisme du festival.
Dying fetus, Metalshop Stage, 19h
Depuis un bon bout de temps déjà, Dying Fetus s’est imposé comme le fleuron du brutal death américain, voir brutal death tout court. Et à en juger par le nombre de T-shirts du groupe aperçus pendant les trois jours du festival, on pouvait deviner que le trio était attendu au tournant. Devant une grosse foule, le groupe a donné un concert exemplaire, brutal, maîtrisé et jouissif. Un fœtus mourant devant le coucher de soleil, que demander de plus ? (pour ne pas citer George Clooney) Les riffs tranchants, le growl d’outre tombe de John Gallaghe, les blast beats de Trey Williams, les râles du bassiste Sean Beasley, absolument tout dans ce concert est exécuté avec maestria, pour un show d’une précision chirurgicale.
Le son est excellent, avec tout de même un petit bémol pour Sean Beasley, qui est sous mixé par rapport à ces deux compères. Ceci est d’autant plus dommageable si on prend en compte le soin manifeste apporté aux lignes de basse dans Dying Fetus. Mais qu’importe, ça n’empêchera pas les festivaliers d’exploser leurs cervicales pendant 50 minutes. John Gallagher remerciera le festival pour leur accueil , qui constitue leur troisième passage au Brutal Assault, et commande un ultime circle-pit pour la dernière chanson. Une claque mémorable, qui a été confirmée lors du passage de Dying Fetus à Paris accompagné de Kronos quelques jours plus tard.
Setlist :
Grotesque Impalement
Your Treachery Will Die With You
Kill Your Mother, Rape Your Dog
From Womb to Waste
Killing on Adrenaline
Second Skin
One Shot, One Kill
Gojira, Metalshop Stage, 20h30
Bien loin de leur horaire au Hellfest, Gojira était tête d’affiche aux côtés d’Anthrax en ce jeudi 7 août au Brutal Assault. L’engouement autour du groupe ici est sensationnel, à en juger par le nombre de confrères, qu’ils soient tchèques ou étrangers, ayant demandé des interviews ou le nombre de T-shirts estampillés Godzilla. Comme depuis déjà presque un an, Gojira commence son set avec "Explosia", qui explose littéralement la fosse, avec un public déjà en délire. Malheureusement, derrière la régie, il y aura de gros problèmes de son, générant un écho très pénible dans la batterie. Heureusement, en se rapprochant, le problème ne se fera plus entendre, même s’il continuera d’affecter le son d’autres groupes au cours du festival sur cette scène.
Que dire sur Gojira qui n’a pas été déjà dit ? Un death metal racé, inspiré de Morbid Angel et Meshuggah, extrêmement efficace en live comme sur album, avec une mise en place sans équivoque servie par des musiciens d’un professionnalisme qui fait l’unanimité dans la presse comme chez les musiciens ou les auditeurs/spectateurs…
Au point que nos Landais aient tapé dans l’œil d’un certain James Hetfield.
On note toujours un certain manque de punch dans le son, mais "Backbone" est là pour mettre tout le monde d’accord. Joe est nettement moins loquace qu’en France, mais sa musique parle pour lui. Gojira aura choisi ce moment pour interpréter un diptyque de folie furieuse : "Toxic Garbage Island/Remembrance", d’une intensité et d’une violence rare, semant le chaos dans la fosse.
Les Landais ont également ressorti la petite perle "Wisdom Comes", qui vient apporter un peu de nouveauté à une setlist qui bouge peu. Suivront un mini-jam à la fin du morceau, puis les deux désormais classiques "Oroborus" et "The Gift of Guilt". Encore une fois, Godzilla a fait l’unanimité et a tout piétiné sur son passage. La petite planète métal n’a pas fini de parler de Gojira, et on ne peut que s’en réjouir.
Setlist :
The Axe
Backbone
Flying Whales
L'Enfant Sauvage
Toxic Garbage Island
Remembrance
The Heaviest Matter of the Universe
Wisdom Comes
Oroborus
The Gift of Guilt
Anthrax, Jägermeister Stage, 21h30
Difficile est la tâche pour tout groupe de métal de passer après Gojira. Sauf que le groupe qui joue après eux n’est pas vraiment débutant, puisqu’il s’agit d’Anthrax, les rois du thrash new-yorkais. Ils ont décidé de faire parler la poudre dès le début du set, en dégainant le classique "Caught in a Mosh". Il y a déjà une grosse ambiance dans la fosse, le prestige du Big Four est toujours bien vivant. Cependant, dès que vient le moment des solos, on sent tout de même que Rob Caggiano est difficile à remplacer, Jonathan Donais faisant bien pâle figure à côté. De l’autre côté, Scott Ian assure toujours un boulot impeccable avec ses riffs saignants comme un bon steak de bœuf. Joey Belladonna est très en voix ce soir, et assure parfaitement le show. Ce dernier fera d’ailleurs un petit discours facile, mais sincère sur la grande famille du métal, et déclarera que la chanson suivante est dédiée à Ronnie James Dio. Et lorsqu’Anthrax rend hommage, il ne le fait pas à moitié, en déployant une grande toile à l’effigie du regretté lutin du métal. Joey imitera la gestuelle de Dio, et sa voix du mieux qu’il peut, pour un résultat plus qu’honorable, respect.
On aura tout de même droit à quelques couacs vocaux bien sentis pendant le set, personne n’est parfait. Mais Anthrax, en plus de ses tubes thrash, a plus d’un tour dans son sac, et sait comment enflammer les foules. Un nom : AC/DC. Une chanson : "TNT". Et l’ensemble du festival est tenu dans la paume du groupe, très bon choix, et interprété de manière on ne peut plus efficace. "Indians" continue le set sur d’excellents rails, puis "I am The Law" du classique Among The Living.
Puis, en guise de coup de grâce, les New-Yorkais ont décidé de se la jouer nostalgique avec une ultime reprise qui a fait vibrer tous les Français présents, mais pas seulement. Oui, vous l’avez compris, Anthrax a ressorti sa vieille reprise anglicisée de "Antisocial", et c’est presque la larme à l’œil qu’on voit le public se déchaîner sur un morceau composé par un groupe de hard français des années 80. Car oui, chers amis, la bonne musique ne vieillit pas. Et Anthrax nous l’a prouvé maintes fois lors de ce concert rempli de bonne humeur et de sincérité, qui n’a fait que prouver à quel point le groupe mérite sa place dans le Big Four. Si on laissait notre côté chauviniste reprendre le dessus, on déclarerait être déçu que le groupe n’ait pas cité Trust. Mais qu’importe, les Tchèques ont apprécié, et c’est le meilleur hommage qu’on puisse faire.
Setlist :
Caught in a Mosh
Efilnikufesin (N.F.L.)
Got the Time (Joe Jackson cover)
Hymn 1
In the End
Deathrider
T.N.T. (AC/DC cover)
Indians
Fight 'Em 'Til You Can't
I Am the Law
Encore:
Antisocial (Trust cover)
Voivod, Jägermeister Stage, 23h30
Après le passage de Fear Factory, nombreux étaient encore les festivaliers à attendre les Québécois de Voivod. S’il fallait résumer ce show en un mot, ça serait sans doute « tabernacle » ! Composé de musiciens d’exception, Voivod délivre un thrash technoïde d’excellente facture, avec une signature sonore unique. Voilà une bien belle leçon de musique après la prestation quasi-pathétique de Fear Factory. On aura tout de même noté un léger manque de punch du son à l’endroit où nous étions placés. Il y a très peu de mouvement dans la fosse, le public écoute les maîtres calmement. Loin de se limiter à une pâle démonstration technique de son métal alambiqué, le groupe assure très bien le show grâce à son frontman Denis « Snake » Belanger, avec son jeu de scène quelque peu malsain, mais correspondant parfaitement à la musique jouée. Le groupe est manifestement très content d’être là, et joue tout sourire dehors. On a beaucoup de mal à ne pas regarder Daniel Mongrain (ex-Martyr), avec son jeu saisissant de toucher et de classe, quand ce n’est pas le cogneur Michel Langevin, qui a bien martyrisé ses fûts pendant la totalité du set pour notre bon plaisir !
Les Tchèques sont eux aussi visiblement très contents de les voir, on suppose que Voivod ne passe pas souvent par ces contrées. Ils récoltent donc de copieuses ovations entre chaque morceau. Voivod ayant toujours le mot pour rire, Snake dédie une chanson à l’aéroport Charles de Gaulle, qui apparemment se débrouille toujours parfaitement pour perdre leur matos. A minuit, il nous glisse que le 9 août est son anniversaire. Sans attendre, le public lui chante allègrement « happy birthday to you ». Touché, Snake continue le discours en disant que ça sera la première fois de sa vie qu’il fera deux concerts le jour de son anniversaire. Le bassiste Jean-Yves Thériault placera la dernière touche d’humour noir en disant « Eh oui, beaucoup de catastrophes se sont passées ce jour là, notamment le 9 août 1994 : Nagasaki ». Bref, Voivod aura donc assuré un show forçant le respect, avec une bonne humeur et une passion contagieuse. Que demander de plus ? Une tournée européene en tête d’affiche, tabernacle !
Setlist :
Kluskap O'Kom
Tribal Convictions
Mechanical Mind
Overreaction
Corps Étranger
Chaosmöngers
Ripping Headaches
Nothingface
Voivod
Entombed, Metalshop Stage, 00h20
Pas besoin de vous faire de dessein, Entombed fait partie du fleuron death metal suédois. Après l’excellent concert de Voivod, nous avons été gâtés avec une toute aussi bonne performance des nordiques. Leur death metal très groovy, avec un bon compromis entre mélodie et agression, tape dans le mille. Leur concert est par ailleurs parfaitement mis en son et en lumières. Bref, c’est la panacée.
Avec un peu de recul, les rares solos joués pendant ce concert auront été presque anecdotiques. La substantifique moelle d’Entombed est rythmique… Ou en tout cas, c’est comme cela qu’on pouvait le percevoir lors de ce set. Mis à part cela, force est de constater qu’Entombed a réalisé un sans-faute ce soir-là, avec très peu (voire aucun) pains, une musique inspirée et énergique et une vraie envie d'en découdre de la part des musiciens. Après "Wolverine Blues", Entombed était prêt à remettre le couvert, mais le staff du Brutal Assault leur fit comprendre qu’il était temps de laisser la place… Entombed fut d'ailleurs loin d’être le seul groupe à trouver le temps trop court sur les scènes du Brutal Assault.
Setlist :
Living Dead
Like This With the Devil
Out of Hand
Revel In Flesh
To Ride, Shoot Straight and Speak the Truth
Stranger Aeons
Damn Deal Done
I for an Eye
Eyemaster
Supposed to Rot
Left Hand Path
Wolverine Blues
Reportage par Tfaaon