Slipknot est devenu ces dernières années un groupe mastodonte toujours très prolifique qui tourne beaucoup. Les Américains ont en effet sorti un album en 2022 et fait une tournée dans la foulée en 2023 avec un passage en tête d’affiche au Hellfest. Mais ce n’est pas ça qui va fatiguer la bande de Corey Taylor (aussi présent au Hellfest en solo en juin dernier). Slipknot est bien de retour à l’Accor Arena de Paris-Bercy pour un concert anniversaire célébrant les 25 ans de son premier album. Il s’agissait d’un concert très particulier puisque le groupe n’a joué que des morceaux de l’album de 1999. Un cadeau pour les fans du premier opus, et une occasion de redécouvrir certaines pépites oubliées de la formation de l’Iowa. Si le concert a été, il faut le dire, assez court, cela en valait-il la peine ? Récit d’un de nos derniers concerts de 2024.
Bleed From Within - 19h30
Alors que débute le set des Écossais qui ouvrent pour Slipknot, on se dit qu’on a affaire à un énième groupe de metalcore plutôt commercial (dans la lignée de Parkway Drive ou de Bullet for My Valentine). Mais après quelques instants, quelque chose de spécial se fait entendre dans le son des Écossais.
Déjà, l’énergie et la violence des riffs sont vraiment frappantes. Les guitaristes Craig "Goonzi" Gowans et Steven Jones ont même une petite touche moderne djent avec des guitares accordées bien bas et des sons très travaillés. Il y a même ce côté un peu tribal qui se retrouve chez Gojira. Si les morceaux sont peut-être un peu répétitifs, on ne peut pas nier qu’on se prend une déferlante de sons délicieusement heavy. Ce groupe a véritablement un très bon sens du riff.
Le batteur Ali Richardson (ex-Sylosis) apporte aussi vraiment ce groove à l’ensemble. Il nous montre, pour notre plus grand plaisir, toute sa technique avec des rythmiques syncopées et des contretemps très appréciables. C’est le cas par exemple lors du morceau "Killing Time", extrait de l'lbum de 2022 Shrine. La setlist des Écossais est d’ailleurs majoritairement tirée de ce dernier album.
Mis à part sur "Levitate", avec un refrain un peu catchy, ce côté cliché du metalcore avec des refrains pop mélodiques ne se ressent pas forcément. L’énergie est brute et intense tout au long du set. Ce morceau donne d’ailleurs lieu à un moment sympa avec les flash lumineux des spectateurs qui bougent au rythme des riffs bien clinquants du groupe.
Comment ne pas finir par évoquer Scott Kennedy, le chanteur, qui marque plus que par son simple accent écossais. En plus d’être très mobile sur scène, il livre des growls puissants sans jamais donner l’impression de manquer d'énergie. Le chanteur flatte également le public français en évoquant son passage au Hellfest l’année dernière. Le titre "In Place of Your Halo" (et ses cornemuses !) est alors l’occasion d’évoquer le prochain album. Ce prochain opus de 2025 donnera aussi lieu à une tournée en tête d'affiche l’année prochaine. Finalement ce set a permis de donner un joli coup de projecteur à cet authentique groupe de metalcore sur lequel il faudra garder un œil attentif.
Setlist Bleed From Within
Hands of Sin
Pathfinder
I Am Damnation
Killing Time
Into Nothing
Sovereign
Levitate
In Place Of Your Halo
The End of All We Know
Slipknot - 21h
Après une longue entracte, la même intro que l’album éponyme de Slipknot est diffusée dans l'enceinte parisienne. Les musiciens arrivent alors sur scène et le show démarre enfin sur le riff emblématique de "(Sic)", qui remue déjà la foule dans tous les sens. Depuis les tribunes, les mouvements de foule sont d’ailleurs extrêmement impressionnants. Bien plus que sur Bleed From Within. Il a sans doute fallu bien du courage aux spectateurs pour affronter le pit ce soir, même si les concerts de Slipknot ont toujours la réputation d’être très agités.
Sur scène, tout est conçu pour évoquer la scénographie de 1999. Les drapeaux ornés de l’effigie de Slipknot décorent la scène, et les membres arborent les tenues rouges emblématiques de l’époque, inspirées des uniformes de prison. Ces combinaisons, marquées par des détails iconiques comme le symbole du taureau et le code-barres du label "Parental Advisory", offrent un clin d’œil nostalgique que les fans ont dû apprécier. Et en guise de cerise sur le gâteau, les masques sont aussi ceux d’époque. Un peu plus “roots”, ils rendent vraiment le moment très spécial.
Le set continue avec "Eyeless". La phrase mythique inspirée d’un sans-abri a une résonance toujours très particulière lorsqu’elle est criée par Corey Taylor : "You can't see California without Marlon Brando's eyes", rappelle pourquoi Slipknot a connu son succès dès son premier album. Un titre qui dépeint une Amérique divisée et fracturée. Ce qui n'a finalement pas tant changé depuis 25 ans.
On ne peut d’ailleurs pas manquer de noter le rôle et la présence du nouveau batteur, Eloy Casagrande. Ce dernier apporte une touche très groovy et dansante à des morceaux très heavy. Avec ses grooves syncopés et son énergie débordante, on retrouve bien le style qu’il avait avec Sepultura. Pas étonnant que la foule rebondisse à contretemps sur certains morceaux. C'est le cas sur ce dernier titre, ainsi qu'un peu plus tard avec le retour, 24 ans après, de "No Life". Au passage, la chanson avait été jouée dans les années 2000, mais pas lors du concert parisien de 1999. En réécoutant l’album après le concert, on sent vraiment que les rythmiques tribales rappellent le mythique groupe brésilien de thrash metal.
Cet album a vraiment quelque chose de très spécial. Tout en développant son propre genre, Slipknot a pioché dans des des influences musicales diverses et variées. Slipknot est un premier album très expérimental, violent, torturé, un tantinet angoissant et oppressant. Mais paradoxalement, il est entêtant, notamment avec des tubes incontournables comme "Wait and Bleed”. Ce morceau fait d'ailleurs l’unanimité dans le public.
À la fin de ce titre, Corey Taylor prend la parole pour rappeler que lors de ce 25ᵉ anniversaire, seuls des morceaux de 1999 seront joués. Un cadeau mémorable qu’il a voulu faire aux fans de la première heure, mais également à ceux découvrant Slipknot. Plus tard, “Prosthetics" marque un tournant dans le set avec son ambiance froide et martiale. Le riff d'intro lent et répétitif de Jim Root rend l’atmosphère très unique. Entre les percussions mécaniques et les samples oppressants, le morceau plonge la salle dans une ambiance industrielle. Ce qui rappelle alors des groupes comme Ministry ou Nine Inch Nails.
De son côté le DJ Sid Wilson rallonge un peu la setlist en incorporant des passages ambiants, avec de bonnes infra basses. On reconnait alors “Tattered & Torn”, "Frail Limb Nursery", ou encore “Mudslide”. Cela dit le public n’est pas forcément très réceptif à ces passages. Mais ce qui est sûr, c'est que durant tout le set, l’apport du DJ est très visible. On se rend alors compte à quel point son rôle est clé sur ce album avec ses sons scratchés et très hip-hop. Le groupe fait un rappel en revenant jouer trois dernières chansons. Le retour sur les deux tubes que sont "Spit it Out" et "Surfacing" ont d'ailleurs dû causer à nouveau bien des remous au sein du pit.
Le set se termine sur un morceau qui pour reprendre les mots de Corey "n’a pas été joué depuis près de 25 ans à Paris". Il s'agit de l’expérimental “Scissors”, dans une version étendue. Le mythique bruit de ciseaux de l’intro est produit par le Clown (Shawn Crahan) qui frotte un bâton sur un tonneau, ajoutant une texture sonore brute et dérangeante. Ce genre de détail illustre d'ailleurs parfaitement l’approche expérimentale de cet album. C’est certainement le morceau qui nous a le plus marqué, car il est très progressif, et si rarement joué ! Son atmosphère est vraiment pesante, voire angoissante à certains moments.
Corey, très torturé, laisse place également à des riffs particulièrement heavy de guitare. On ne sait jamais vraiment si le morceau est terminé, alors que Jim Roots garde le suspens et joue avec ses pédales pour produire des sons très stridents. Le morceau varie alors entre des riffs bruts et violents, et des ambiances électriques et atmosphériques… Jusqu’au riff final très heavy et les cris terribles de Corey qui laissent place au néant et à des bruits stridents.
Le groupe se retire sans s’attarder à trop saluer le public. Il est vrai qu’on a peut être trouvé Corey ce soir un peu distant et fatigué, mais il faut aussi dire que le final apocalyptique valait son pesant de cacahuètes. Le concert a peut être manqué de quelques autres classiques de la formation pour faire durer le plaisir. Dans le public, de nombreux spectateurs ne semblaient pas être au courant qu'il s'agissait d'un concert spécial anniversaire. La faute peut être aux sites généralistes qui ont repris simplement des infos sur le groupe pour décrire le concert.
Mais d’un autre côté, avec trop de morceaux, le concert aurait peut être perdu en authenticité. Car c’est peut être aussi ce qui a rendu la soirée spéciale. Nous avons en effet vécu un concert qui aurait pu être le même que celui de 1999. A l’’époque le concert de Paris était même plus court et faisait une petite dizaine de morceaux. C'est aussi une des raisons pour laquelle le groupe n'a pas utilisé de pyrotechnie comme à son habitude.
1999, une année où certains d’entre-nous ne marchaient même pas… ! Mais 1999 est bien l’année qui a donné Slipknot : le premier album si emblématique des masques de l’Iowa. et tout cela nous a bien donné envie de le réécouter en boucle, 25 ans après déjà...
Setlist Slipknot
742617000027
(sic)
Eyeless
Wait and Bleed
Get This
Eeyore
Tattered & Torn
Me Inside
Liberate
Frail Limb Nursery
Purity
Prosthetics
No Life
Only One
Mudslide
Spit It Out
Surfacing
Scissors